Le département de recherches de Bank Audi a listé, dans son dernier rapport trimestriel sur l’économie libanaise, les différentes mesures que le Liban devrait mettre en œuvre pour sortir de la crise dans laquelle il est plongé depuis plus de deux ans.
La position de la banque s’inscrit dans la lignée de ses précédents rapports. Elle se rapproche également beaucoup des grandes lignes défendues par l’Association des banques du Liban (ABL) lors des discussions lancées en 2020 par un Liban alors en crise depuis un an avec le Fonds monétaire international (FMI) afin de débloquer une assistance devant financer le redressement du pays. Le rapport a été publié jeudi, soit le jour où le porte-parole de l’organisation, Gerry Rice, confirmait que les « discussions préparatoires techniques » entre les deux parties avaient bien été relancées, ce qui avait déjà été annoncé en octobre par plusieurs responsables du Fonds. L’ABL n’a, elle, pas récemment détaillé sa position à l’approche de ces discussions.
Parmi les différents éléments mis en avant, Bank Audi a notamment souligné que le FMI n’accordera une assistance financière au Liban que si les différentes parties libanaises – État, banque centrale, banques – s’entendent au préalable sur le montant et la répartition des pertes accumulées par le pays. Le fait qu’aucun consensus n’ait été trouvé entre le gouvernement d’un côté, les banques, la Banque du Liban (BDL) et certains députés de l’autre, avait sonné le glas du précédent round de discussions entamé en mai 2020 et finalement suspendu par l’organisation en juillet.
Propos prophétiques du FMI
Or, si les banques avaient vivement critiqué l’évaluation des pertes figurant dans le plan du gouvernement (et qui doivent être aujourd’hui mises à jour), le FMI avait en revanche jugé les chiffres avancés par l’exécutif globalement exacts. Un avis exprimé notamment à travers les propos du vice-directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale de l’organisation, Athanasios Thanos Arvanitis, lors d’une intervention relayée par L’Orient-Le Jour le 14 juillet 2020. Il avait en outre estimé que toute tentative de minimiser les pertes à travers des « pratiques comptables » visant à « repousser » la mise en œuvre de « mesures difficiles » serait « très coûteuse », dans la mesure où elle « décalerait la reprise économique et affecterait les plus vulnérables ». Des propos prophétiques puisque confirmés à la fois par l’effondrement global de la monnaie qui a perdu plus de 90 % de sa valeur, par le PIB qui devrait encore se contracter de 11 % cette année, selon Bank Audi (après une chute de 25 % en 2020), ou par l’explosion du taux de pauvreté (74 % des personnes vivant au Liban, soit presque trois fois le niveau affiché en 2019).
De son côté, Bank Audi martèle que la répartition des pertes doit être « équitable » et que l’État, le « principal responsable de la situation actuelle », « devrait (en) assumer une bonne partie ». Les auteurs du rapport ajoutent que « le secteur bancaire doit également assumer sa part des pertes », en précisant que « tout plan doit maintenir un niveau minimum de fonds propres ». Le montant de ces derniers devrait ainsi atteindre « 7 à 8 milliards de dollars après l’absorption de toutes les pertes » après restructuration – les fonds propres totaux des banques dépassaient les 20 milliards de dollars avant la crise selon les données publiées à l’époque – et un ratio minimal de « 15 % des actifs restructurés, en accord avec les standards en matière de capitalisation ».
Déficit public à 2 % du PIB
L’insistance de Bank Audi en particulier, et des banques en général, à exiger que l’État assume l’essentiel des pertes trouve notamment sa source dans le fait que les bilans des acteurs du secteur (BDL incluse) étaient très exposés à la dette publique. Ceux-ci avaient en effet massivement continué à investir dans les obligations d’État, moyennant d’importants rendements, malgré les signaux trahissant la fragilité du pays depuis au moins le milieu des années 2010. Le débat sur la responsabilité des banques reste aujourd’hui d’actualité, même si l’ABL a régulièrement appelé l’État à réduire ses déficits et à lancer les réformes réclamées par les organisations internationales et les agences de notation financières. Toujours est-il que le point de rupture entre les banques et l’État a été atteint en mars 2020 lorsque le gouvernement de Hassane Diab a annoncé sa décision de faire défaut sur les obligations d’État en devises (les eurobonds). Au-delà de la question des pertes et de la restructuration du secteur bancaire, Bank Audi a également listé les autres conditions préalables à un accord avec le FMI en énumérant l’adoption d’une loi sur le contrôle des capitaux, l’unification des taux de change de la livre (alors que plusieurs taux coexistent aujourd’hui), l’adoption et l’exécution d’un budget prévisionnel de l’État qui table sur un ratio déficit/PIB de 2 %, ou encore la réforme du secteur de l’électricité. « Le plan de restructuration financière devra être accompagné d’un plan de stabilisation macroéconomique et budgétaire fiable de la part du gouvernement pour débloquer le soutien international », poursuit Bank Audi. Elle évoque notamment : la restructuration de la dette de manière à permettre au pays d’emprunter de quoi se relancer à court terme et assurer une « soutenabilité à moyen et long terme », une réduction du nombre de fonctionnaires, ou encore « un nouveau cadre de politique monétaire pour regagner la confiance ». La mise en place d’un filet de protection sociale et de réformes visant à doper le PIB font également partie des éléments cités.
La banque déplore enfin le dernier épisode de tensions entre le Liban et le Golfe, survenues suite à la réaction ulcérée de Riyad à des propos tenus par le ministre de l’Information Georges Cordahi sur la guerre au Yémen, estimant notamment les transferts financiers des « 380 000 membres » de la diaspora du Golfe vers le Liban à « 3 milliards de dollars par an ».
À noter qu’une partie des experts considèrent que l’adoption d’une loi sur le contrôle des capitaux est contre-productive à ce stade, dans la mesure où le secteur bancaire a restreint unilatéralement et depuis l’automne 2019 l’accès du commun des déposants à leurs comptes en devises, tandis que plusieurs milliards de dollars auraient été sortis du pays par des clients plus privilégiés sur la même période, comme le dénonçait en juillet 2020 l’ex-directeur général du ministère des Finances Alain Bifani. Bank Audi indique pour sa part que les dépôts – toutes monnaies confondues – se sont contractés de 6,7 milliards de dollars sur les neuf mois de 2021 (-4,8 %), contre une contraction de 16,7 milliards de dollars sur la même période en 2020 (-10,5 %).
Il est avéré que l’ABL et la BDL ne sont q’une bande de truands (voir les Pandoras papers)
18 h 47, le 16 novembre 2021