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Société - Pause verte

À la COP26, le « climat » de la crise libanaise

Le changement climatique a beau être l’affaire du siècle, c’est bien d’un autre climat que se sont souciés les responsables libanais présents à l’inauguration de la 26e conférence des parties de l’ONU sur le climat (COP26), lundi, en Écosse : les orages qui dominent les relations libano-saoudiennes depuis quelques jours. Exit les préoccupations concernant les événements climatiques extrêmes, la hausse du niveau de la mer ou encore les périodes de sécheresse de plus en plus longues et sévères dans la région méditerranéenne. Exit le budget annuel de 100 milliards de dollars que les pays riches devaient assurer aux pays plus pauvres à partir de 2020, date d’entrée en vigueur de l’accord de Paris, un budget qui n’a encore jamais été atteint ni déboursé. Exit aussi les engagements volontaires des pays à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre, et qui, faute de mettre le monde sur la voie d’un réchauffement qui ne dépasserait pas les 1,5 à 2 degrés par rapport à l’ère préindustrielle (limite définie par l’accord de Paris), continuent d’emmener l’humanité vers un réchauffement catastrophique de près de trois degrés.

Car se soucier des conséquences du bouleversement climatique mondial, c’est un luxe que ne peut se permettre la classe politique libanaise, empêtrée dans la vase de ses propres échecs et de l’effondrement dans lequel ses politiques ont plongé le pays du Cèdre. Il y a toujours « une dernière crise en date » dont il faut se soucier, et, à la veille de son voyage, la délégation officielle libanaise, présidée par le Premier ministre Nagib Mikati, a dû faire face à une surprise de taille : le rappel de l’ambassadeur saoudien et l’expulsion de l’ambassadeur libanais à Riyad, suite à des propos controversés du ministre de l’Information Georges Cordahi sur la guerre au Yémen. Des mesures suivies par d’autres pays du Golfe.

Ainsi, et alors que les COP sur le climat ne font que rarement la une au Liban, ce sommet de Glasgow (ou plutôt son inauguration) a été largement relayé par les médias… pour y décrypter les moindres faits et gestes du Premier ministre (photos à l’appui), et tenter de comprendre si un entretien avec le président français Emmanuel Macron ou avec son homologue koweïtien, cheikh Sabah Khaled el-Hamad el-Sabah, pourrait fournir un indice sur une quelconque sortie de crise. Hélas, ce sont surtout les échos des bons sentiments qui nous parviennent de la lointaine Glasgow. Dans ce rendez-vous mondial, le Liban, éreinté par l’effondrement économique et ballotté par ses contradictions, semble traité comme un malade. Ses maux paraissent encore plus saillants à la lumière des projecteurs et des poignées de main avec les responsables mondiaux.

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Il n’est pas anodin que ces négociations parallèles aient eu lieu dans un événement aussi grand qu’un sommet sur le climat. Dans des négociations impliquant près de 200 nations (signataires de l’accord de Paris en 2015), les pays n’évoluent pas seuls, mais au sein de groupes (Chine + 77 – en gros les pays en développement, ou encore le groupe des pays les plus vulnérables…). Le Liban fait partie de plus d’un groupe, mais il est historiquement et principalement actif au sein de celui des pays arabes. Or le principal moteur de ce groupe n’est autre que l’Arabie saoudite, grand producteur mondial de pétrole. Et si les États pétroliers sont souvent soupçonnés de ralentir le négociations sur le changement climatique (contre lequel il faudrait justement réduire l’utilisation des énergies fossiles), et même si leur attitude a sensiblement évolué ces dernières années, il est arrivé que des pays tels que le Liban ou le Maroc lancent des débats dans les cercles fermés.

Cette fois-ci, cependant, vu la dégradation des relations entre le Liban et l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe, il n’est plus question de débattre de l’environnement : Nagib Mikati, réduit à quémander une solution à une crise politique profonde, a même pris soin de « soutenir les initiatives saoudiennes en matière de climat ».

Et pourtant, le Liban aurait eu tant besoin de discuter d’autres maux, ceux de son environnement profondément dégradé par les mêmes politiques qui l’ont ruiné. Car bien que minuscule pollueur à l’échelle mondiale, ce pays suffoque littéralement à l’échelle locale. Il aurait tant profité de prendre part aux débats sur le sauvetage des littoraux, sur la préservation de la biodiversité, sur le reboisement qui contribuerait à réduire la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère… Dans un pays réduit à la survie quotidienne, la lutte contre une mort lente ne serait-elle pas déjà un luxe hors d’atteinte ?

Le changement climatique a beau être l’affaire du siècle, c’est bien d’un autre climat que se sont souciés les responsables libanais présents à l’inauguration de la 26e conférence des parties de l’ONU sur le climat (COP26), lundi, en Écosse : les orages qui dominent les relations libano-saoudiennes depuis quelques jours. Exit les préoccupations concernant les événements...

commentaires (3)

Réchauffement ou pas le Liban a réussi, single handedly comme un grand et fort, à se foutre dans un climat très très très malsain...

Wlek Sanferlou

23 h 15, le 03 novembre 2021

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Commentaires (3)

  • Réchauffement ou pas le Liban a réussi, single handedly comme un grand et fort, à se foutre dans un climat très très très malsain...

    Wlek Sanferlou

    23 h 15, le 03 novembre 2021

  • Vrai tout cela et merci Suzanne de votre éclairage. On peut ajouter que notre PM aurait pu aussi être plus honnête (ou moins hypocrite, selon) en évitant de raconter que; dixit « le Liban est à la tête des pays qui œuvrent pour le développement durable sur le double plan humain et environnemental ». Personne n’a cru cela ni à la COP, ni au BLED, ni à la diaspora et ni nulle part ailleurs.

    PPZZ58

    20 h 44, le 03 novembre 2021

  • AURAIT IL ETE LE CAS OU LE LIBAN DEVAIT FAIRE DES PROMESSES vs. LE SUJET PRESENT DEBATTU A GLASCOW, AUCUN PAYS N'AURAIT PRIS CES PROMESSES AU SERIEUX N'EST CE PAS, ETANT DONNE QU'AUCUNE NATION NE DOUTE ENCORE DE L'HONNETETE DES DIRIGEANTS DU LIBAN MEME AU SENS DIPLOMATIQUE LE PLUS ELASTIQUE.

    Gaby SIOUFI

    09 h 24, le 03 novembre 2021

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