
Entretien Mikati-Macron à Glasgow. Brendan Smialowski/AFP
C’est en duo que les États-Unis et la France ont accouru pour défendre le gouvernement Mikati alors que se corsait le bras de fer diplomatique avec l’Arabie saoudite, sur fond d’une crise de confiance avec le Liban qui s’est exacerbée au fil des ans. Washington, pourtant un partenaire de Riyad avec lequel il partage la même animosité à l’égard du Hezbollah, ne s’est pas aligné sur la politique punitive de plus en plus musclée envers le Liban. Au contraire, c’est un rôle de médiation qu’ont décidé de jouer les États-Unis dans ce nouveau bras de fer afin de tenter, dans la mesure du possible, de sauver la mise. Aussi bien Washington que Paris considèrent que le gouvernement de Nagib Mikati, né au forceps et après des mois d’efforts intenses de part et d’autre, reste la seule garantie contre le vide et le chaos.
L’intervention de la France et des États-Unis est d’autant plus vitale que l’Arabie saoudite et ses voisins du Golfe sont considérés comme les principaux bailleurs de fonds sur lesquels tablaient les partenaires du Liban pour donner une dose d’oxygène au cabinet Mikati afin de mettre un terme à l’hémorragie financière du pays et de s’attaquer aux réformes. « Cette nouvelle crise est un véritable coup de massue au gouvernement Mikati. Elle a également mis la France et les États-Unis au pied du mur », analyse Sami Nader, économiste. La question est effectivement de savoir qui va financer les actions attendues de ce gouvernement. « Certainement pas la France qui n’en a pas les moyens, encore moins les États-Unis qui financent déjà l’armée libanaise », croit savoir M. Nader.
C’est d’ailleurs vers Riyad que s’étaient déplacées – fait inédit – les ambassadrices des deux pays, Anne Grillo et Dorothy Shea, le 8 juillet dernier, pour solliciter « un soutien supplémentaire des partenaires régionaux et internationaux » et une aide au peuple libanais. Les deux diplomates espéraient que Riyad, qui boude le Liban depuis des années en raison de l’influence qu’y exerce le Hezbollah, accorderait des circonstances atténuantes à un pays dont la décision diplomatique est en quelque sorte hypothéquée par le Hezb.
C’est le même langage que Paris et Washington tentent de nouveau de tenir auprès de leurs interlocuteurs saoudiens qui sont toutefois passés à un cap supérieur cette fois-ci. D’après une source diplomatique citée par Reuters, « les États-Unis et les pays européens sont en contact avec les officiels libanais pour empêcher l’implosion du gouvernement ». C’est sous cet angle qu’il faut également comprendre la rencontre qui s’est déroulée dimanche entre les ministres des Affaires étrangères américain Anthony Blinken et saoudien Fayçal ben Farhan lors du sommet G20 à Rome. Un échange qui a porté sur le dernier épisode d’hostilité entre Beyrouth et Riyad. Lors d’un entretien avec le Premier ministre Nagib Mikati à Glasgow, en marge de la COP26, le chef de l’État français, Emmanuel Macron, a assuré à M. Mikati « l’attachement de son pays à la stabilité politique et économique du Liban ».
« Réaction démesurée »
Les rapports entre Washington et Paris d’un côté, et Riyad de l’autre, restent certes empreints de méfiance depuis l’affaire Khashoggi, du nom du journaliste saoudien assassiné dans les locaux du consultat de son pays à Istanbul en octobre 2018. Il n’empêche que la France et les États-Unis restent les seuls médiateurs susceptibles d’intervenir dans cette crise pour convaincre Riyad ne serait-ce que d’une trêve avec un Liban qui croule sous des crises accumulées. Beaucoup considèrent que la réaction de l’Arabie saoudite, qui a eu un effet boule-de-neige dans le Golfe, est démesurée par rapport aux faits : une interview presque insignifiante dans laquelle le ministre de l’Information, Georges Cordahi, exprimait, bien avant sa désignation à son poste, son désaccord de principe avec la perpétuation de la guerre au Yémen, qualifiée d’« absurde ». Les États-Unis auraient d’ailleurs communiqué à leur interlocuteur saoudien leur surprise concernant leur « emportement disproportionné », à en croire des sources proches de la présidence de la République libanaise. Salim Jreissati, conseiller du chef de l’État Michel Aoun, a tenté d’effectuer un contact avec l’ambassadeur saoudien, Walid Boukhari, avant son départ de Beyrouth pour briser le mur de glace. En vain. Riyad a rappelé vendredi son ambassadeur au Liban et décidé d’expulser l’ambassadeur libanais du royaume, ainsi que l’arrêt de toutes les importations libanaises.
« Nous frappons aux portes de tous les pays amis pour entamer un dialogue avec les pays du Golfe dans l’espoir de pouvoir trouver une issue à la crise », confie une source proche du ministère des Affaires étrangères. Initiée samedi dernier par le ministère des Affaires étrangères, la cellule de crise mise en place n’a vraisemblablement pas donné ses fruits, d’où une poursuite des efforts et des contacts, mais « sous une autre forme », précise-t-on de même source.
Samedi, le ministre des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, avait tenu une réunion d’urgence à laquelle ont pris part plusieurs ministres du gouvernement Mikati pour débattre de l’issue possible à cette crise qui a pris un caractère inextricable. L’arrivée une heure plus tard du chargé d’affaires de l’ambassade des États-Unis, Michael Richard, est symptomatique des efforts entrepris par la diplomatie américaine pour contrer l’escalade saoudienne.
Selon une source diplomatique à Washington, la position de l’administration US est celle d’un soutien au gouvernement libanais qui doit poursuivre sa mission de sauvetage et trouver des solutions aux questions urgentes et aux défis auxquels est confronté le pays. Pour cela, les canaux diplomatiques doivent rester ouverts entre toutes les parties pour entamer un dialogue constructif, indique cette source.
C’est dans le même sens que s’inscrit l’appel à un dialogue direct lancé hier par M. Aoun et son ministre des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, qui a considéré que les problèmes entre pays frères ou amis ne peuvent se résoudre que par le dialogue et les contacts, et « non pas en imposant des points de vue ». M. Bou Habib a invité Riyad à un règlement de « tous les problèmes en suspens et non seulement le dernier incident, afin que la crise ne se répète plus ».
Si le ministre des Affaires étrangères a suggéré un échange avec Riyad qui aille au-delà de l’affaire Cordahi, dans les milieux proches de la présidence et ceux du Premier ministre Nagib Mikati, on continue d’envisager le départ du ministre de l’Information comme un geste de bonne foi à l’égard de l’Arabie. Fort du soutien du Hezbollah, mais aussi de son parrain politique, le chef des Marada, Sleiman Frangié, ce dernier a refusé pour l’heure de rendre le tablier.
commentaires (11)
"Ils ont accouru" !!! Ça fait des mois, voire des années, qu'ils accourent en paroles mais jamais en actes .Il faut être bêtement innocent de les prendre au sérieux . Depuis des années mais surtout dès 2019 ils continuent de s'eriger en spectateurs devant notre pays qui s'écroule et qui vient de toucher le bas-fonds. Les Libanais n'en ont que faire de leurs comédies et leurs promesses mensongères .
Hitti arlette
17 h 13, le 02 novembre 2021