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Moyen-Orient - Entretien express

« Le rapport de forces au Yémen pourrait être en train de changer »

La coalition a intensifié ses frappes aériennes ces dernières semaines dans la province de Ma’rib, où les houthis sont à l’offensive. Élisabeth Kendall, chercheuse en études arabes et islamiques au Pembroke College, à l’université d’Oxford, fait le point.

« Le rapport de forces au Yémen pourrait être en train de changer »

Un combattant des forces de la coalition menée par Riyad tient une position près du front avec les rebelles houthis, dans la province de Ma’rib, au nord-est du Yémen, le 17 octobre 2021. Photo AFP

Près de 800 rebelles houthis, soutenus par Téhéran, auraient été tués ces deux dernières semaines au Yémen, selon la coalition menée par Riyad depuis 2015 pour appuyer les forces gouvernementales du président Abd Rabbo Mansour Hadi. Bien que ce bilan n’ait pas été vérifié de sources indépendantes, la coalition a intensifié ses frappes aériennes ces dernières semaines dans la province de Ma’rib, alors que les houthis ont relancé leur offensive dans la région en février dernier. Ma’rib est le dernier bastion au nord toujours aux mains des forces loyalistes yéménites, qui contrôlent de larges pans du sud du pays. Zone stratégique, le gouvernorat à la capitale éponyme est un hub économique en raison de l’importance de ses réserves d’hydrocarbures et de sa production de 90 % du gaz de pétrole liquéfié consommé dans le pays. Une prospérité menacée par les combats qui ont fait plus de 10 000 déplacés internes pour le seul mois dernier. Une victoire houthie à Ma’rib serait non seulement stratégique, puisqu’elle leur donnerait accès au sud du pays, mais aussi symbolique, leur accordant un pouvoir de négociations plus large en vue des pourparlers de paix sous l’égide des Nations unies, enlisés pour le moment. Interrogée par L’Orient-Le Jour, Élisabeth Kendall, chercheuse en études arabes et islamiques au Pembroke College, à l’université d’Oxford, décrypte les derniers développements au Yémen.

Pourquoi la coalition menée par Riyad intensifie-t-elle, en ce moment, ses frappes aériennes à Ma’rib ?

La coalition intensifie ses frappes à cause du risque imminent que les houthis prennent le contrôle de la province de Ma’rib, riche en ressources naturelles, et qu’ils continuent leur avancée vers le sud. Cela aurait de graves implications à la fois sur les plans politique, stratégique, économique, humanitaire et symbolique.

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Ma’rib est le dernier bastion du nord encore aux mains du gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale, ainsi que la dernière artère majeure reliant l’Arabie saoudite au territoire du sud contrôlé par le gouvernement. Perdre Ma’rib signifierait que le gouvernement céderait le contrôle des plus importantes ressources en gaz du Yémen aux houthis et leur ouvrirait la porte pour progresser vers les réserves nationales de gaz naturel liquéfié et de pétrole dans le Sud-Est. Pour ce qui est des dimensions humanitaire et symbolique, Ma’rib a été une des premières success-stories de la guerre, accueillant des millions de déplacés internes et recevant d’importants investissements saoudiens. Voir ces efforts échouer est un coup dur pour la crédibilité du gouvernement yéménite reconnu internationalement.

Quel pourrait être l’impact sur le rapport de forces sur le terrain ?

L’intensification dramatique des hostilités ne fait qu’exacerber la crise humanitaire, déjà grave dans le pays, privant des familles de logement et de services d’assainissement, alors qu’elles sont aussi dans l’impossibilité d’avoir accès à de la nourriture ou des médicaments. En outre, plusieurs milliers de déplacés internes sont déracinés pour la deuxième ou troisième fois déjà. Le rapport de forces au Yémen pourrait également être en train de changer. Les houthis ont subi de lourdes pertes, mais ils persistent dans leur offensive et s’efforcent de conclure des accords localement. Il est possible que les houthis deviennent les dirigeants de facto de tout le nord du pays, et qu’ils gagnent aussi du terrain dans le sud. Là-bas, avec le Conseil de transition du Sud (groupe séparatiste, NDLR) et d’autres groupes qui règnent sur un Sud profondément divisé, le gouvernement reconnu par la communauté internationale semble de plus en plus insignifiant.

Quelles seraient les conséquences sur le processus de paix ?

L’escalade de la coalition vise à freiner l’avancée des houthis et à accroître le pression sur eux pour accepter un cessez-le-feu afin que le processus de paix puisse être entamé. Cependant, le risque existe que cette récente intensification galvanise au contraire les houthis pour multiplier leurs offensives tout en s’accrochant à leurs conditions préalables à tout cessez-le-feu.

Le dilemme pour la coalition est qu’il n’y a pas eu de signes que le processus de paix pouvait se matérialiser grâce à la médiation, malgré des tentatives constantes. Ainsi, l’intensification militaire lui est probablement apparue comme le seul moyen de casser la poussée houthie et de les forcer à venir à la table des négociations. Je ne suis pas sûre qu’elle y parvienne.

Près de 800 rebelles houthis, soutenus par Téhéran, auraient été tués ces deux dernières semaines au Yémen, selon la coalition menée par Riyad depuis 2015 pour appuyer les forces gouvernementales du président Abd Rabbo Mansour Hadi. Bien que ce bilan n’ait pas été vérifié de sources indépendantes, la coalition a intensifié ses frappes aériennes ces dernières semaines dans la...

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