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Culture - Entretien

« Mon “je” est une femme et c’est pourquoi je la dessine »

L’illustratrice française Pénélope Bagieu s’est prêtée au jeu des questions-réponses lors de son passage à Beyrouth dans le cadre du Festival Beyrouth BD où elle a présenté, à l’Institut français de Beyrouth, l’adaptation 100 % animation 2D de son best-seller « Les Culottées ».

« Mon “je” est une femme et c’est pourquoi je la dessine »

Pénélope Bagieu : « “Les Culottées” m’ont tant appris. J’en suis sortie gonflée d’énergie. » Photo C.K.

Pénélope Bagieu, dessinez-nous votre parcours : qui ou qu’est-ce qui vous a fait choisir la bande dessinée ?

Je dessine depuis que je suis petite, comme tous les enfants. J’ai continué à le faire, mais bizarrement, je ne lisais pas de bandes dessinées et je n’ai jamais vraiment pensé faire des illustrés. Au contraire, j’aimais les films animés japonais et ceux de Disney. J’ai alors fait des études de cinéma d’animation. Mais au bout du compte, je suis retournée vers la BD car j’ai réalisé que l’animation n’était pas faite pour moi, pour plusieurs raisons. D’abord, en animation, on travaille en équipe alors que moi, j’aimais travailler toute seule. En deuxième lieu, au travail de studio, je préférais dessiner chez moi en buvant mon thé. Enfin, l’animation exige un travail d’équipe alors que moi j’aime tout contrôler, à la limite chiante (rires). Je suis donc la réalisatrice, la scénariste, l’actrice et même la décoratrice de mon œuvre. Je détesterais livrer mon travail à quelqu’un d’autre. La bande dessinée me convient parfaitement. Aujourd’hui, je consacre tout mon temps à écrire des albums illustrés tout en faisant quelques travaux à côté que j’appelle des « respirations », notamment des dessins de presse ou juste à l’encre.

Dessinez-nous vos personnages.

Mes personnages ne sont jamais issus de nulle part. Ils sont ancrés dans la réalité. Ainsi, pour Les Culottées, ce sont des personnages réels, non fictifs, et qui ont existé. Je parle des femmes qui n’ont jamais été en haut de l’affiche alors qu’elles ont fait des choses magnifiques et qu’elles ont bravé souvent leurs sociétés. Bien sûr, je rajoute certains détails, des expressions de visage, rien que pour les faire revivre et leur insuffler des émotions.

Dessinez-nous « les » ou « la » femme.

La femme que je dessine doit me ou vous ressembler. Je veux que ces personnages aient des corps de femmes, grosses ou minces, jolies et moins jolies. Ce ne sont pas des femmes de magazine ou des femmes de rêve, ni des créatures divines que les hommes auteurs ont dessinées pendant quarante ans. Ce qui est intéressant pour moi, c’est que la lectrice s’identifie à ces femmes que je représente et qu’elle se dise : elles existent, donc je pourrais moi aussi exister, car ce qui leur est arrivé est crédible, réel. Des choses fantastiques peuvent avoir lieu autour de ces êtres que je dessine car, après tout, il s’agit de bande dessinée, mais les humains qui y sont illustrés sont vrais. Je ne dessine pas des rêves mais de vraies personnes à qui il arrive des choses merveilleuses. Par ailleurs, je préfère dessiner les femmes plutôt que les hommes car c’est plus beau à dessiner et parce que j’ai toujours dessiné la femme depuis que je suis petite. Je dessine donc naturellement ce qui me ressemble. Mon « je » est une femme et c’est pourquoi je la dessine.

Dessinez-nous à grands traits votre combat dans le milieu du dessin.

Je me considère comme une féministe, c’est-à-dire que mon combat consiste à avoir les mêmes droits que les hommes. Il n’y a pas un endroit sur terre où la femme a des droits égaux aux hommes. Prenez la France par exemple, le pays de l’égalité, nous avons tendance à regarder avec satisfaction ce qu’on a obtenu et à nous suffire simplement de cela. Nous dormons sur nos lauriers. Or nous sommes encore très loin de l’équilibre recherché.

Parlez-nous des « Culottées » que vous avez déjà dessinées.

J’ai présenté 30 portraits de femmes qui ont eu du « culot » dans leur parcours et qui, au risque de leurs vies, ont fait avancer la société. Première femme gynécologue en Grèce, première femme astronaute afro-américaine, première femme à vivre un amour avec une autre femme, transgressant les tabous de la société… Toutes ont eu des rôles prédominants sans que personne ne fasse le « buzz » autour d’elles. Je n’ai pas choisi des femmes qui sont déjà célèbres mais celles qui sont restées dans l’ombre. J’ai voulu célébrer la femme qui a eu un parcours particulier et non un prix Nobel ou une médaille d’or. Peu importe ce qu’elle a atteint, l’important, c’est le chemin qu’elle a entrepris pour le faire. J’ai passé deux ans à faire des recherches sur ces femmes-là et, croyez-moi, c’était passionnant. Ces femmes m’ont tant appris. J’en suis sortie gonflée d’énergie.

« Culottées » et fières de l’être

D’abord publiée en ligne dans Le Monde, l’œuvre Les Culottées de Pénélope Bagieu a été éditée en bande dessinée chez Gallimard en 2016-2017. La BD a reçu le prestigieux Eisner Award en 2019, a été traduite en 17 langues et publiée dans plus de 22 pays. Plus de 550 000 exemplaires ont déjà été vendus dans le monde. De Hedy Lamarr, actrice et productrice hollywoodienne mais surtout inventrice de la technologie à l’origine du wifi, à Annette Kellerman, nageuse extraordinaire et inventrice du maillot de bain moderne, en passant par Leymah Gbowee, travailleuse sociale, militante libérienne et Prix Nobel de la paix, la série présente 30 portraits de femmes, connues ou inconnues, qui ont osé faire voler en éclats les préjugés et ont changé le monde à leur manière.

Pénélope Bagieu, dessinez-nous votre parcours : qui ou qu’est-ce qui vous a fait choisir la bande dessinée ? Je dessine depuis que je suis petite, comme tous les enfants. J’ai continué à le faire, mais bizarrement, je ne lisais pas de bandes dessinées et je n’ai jamais vraiment pensé faire des illustrés. Au contraire, j’aimais les films animés japonais et ceux de Disney....

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