Vingt-quatre heures après la proposition du ministre iranien des Affaires étrangères de construire deux centrales électriques au Liban d'ici 18 mois, la municipalité de Ghobeyri, ville où le Hezbollah, allié de Téhéran, est fortement implanté, a proposé de construire l'une de ces centrales sur le terrain du Golf Club de Beyrouth. Une décision qui a provoqué un tollé dans les milieux écologistes et politiques hostiles à l'Iran et au parti chiite.
Jeudi, lors d'une visite officielle, le chef de la diplomatie iranienne, Hossein Amir-Abdollahian a fait savoir que son pays était prêt à aider le Liban afin de surmonter ses graves pénuries de courant, et ce en édifiant deux centrales électriques dans le pays dans un délai de 18 mois. "Les compagnies iraniennes sont prêtes à construire en 18 mois deux centrales pour la production de courant électrique d'une puissance de 1000MW à Beyrouth et dans le Sud", avait affirmé le ministre iranien, dans un point de presse conjoint avec son homologue libanais, Abdallah Bou Habib.
Il n'en fallait pas plus à la municipalité de Ghobeyri pour proposer d'offrir le terrain du Golf Club en vue de la réalisation de ce projet. Cet espace de 425.000 mètres carrés de pelouse et d’arbres en plein cœur de la banlieue-sud de Beyrouth est installé à Ouzaï depuis 1963. Il est le fruit d’un contrat avec l’État libanais renouvelé tous les sept ans depuis. Le dernier renouvellement remonte à 2017. Aujourd’hui, le Golf Club du Liban comporte un parcours de 18 trous, mais aussi une piscine, une salle de sport, un semi-terrain de foot, plusieurs terrains de tennis, quelques terrains de squash, une aire de jeu pour enfants ainsi qu’un restaurant.
Une proposition "à caractère personnel"
Dans un entretien au site al-Modon, le président du conseil municipal de Ghobeyri, Maan el-Khalil, justifie la proposition, en affirmant que le terrain sur lequel se trouve le Golf Club appartient à l’État et se trouve sur le domaine de la municipalité. "Le terrain est grand et le club le loue à l’État pour la somme de 75 millions de livres par an, ce qui équivaut aujourd'hui à 4.000 dollars. Ce club n'a plus payé les frais municipaux depuis quatre ans, et ce montant dépasse actuellement les deux milliards de livres, ou l'équivalent d'un million trois-cent mille dollars à l'époque (avant la dépréciation de la monnaie nationale) ou 100.000 dollars actuellement", affirme le président de la municipalité. "Les retards de paiement à la municipalité ont paralysé de nombreux projets, notamment certains visant à améliorer l'infrastructure et restaurer des bâtiments ainsi que la construction de centres de santé (...)", ajoute l'élu. Toutefois, il souligne que sa proposition "revêt un caractère personnel". Maan el-Khalil estime que ce terrain est à la fois proche du Beyrouth administratif et du Mont-Liban, et a appelé l’État à exploiter ses propres terrains au lieu de recourir à l'expropriation d'autres parcelles.
Le poumon du Grand Beyrouth
La proposition du conseil municipal de Ghobeyri a rapidement provoqué un tollé dans le pays. Dans les milieux de défense de l'environnement, le Mouvement écologiste libanais (MEL) a rappelé que le réchauffement climatique dans le monde pousse les pays à préserver leurs espaces verts alors qu'au Liban "des milliers d'hectares de forêts sont brûlés et les barrages détruisent les vallées vertes (...)". "Les derniers espaces verts de la capitale et ses banlieues, considérés comme le poumon du Grand Beyrouth densément peuplé sont menacés par des projets qui vont les détruire", a mis en garde l'ONG.
Sur le plan politique, les opposants à l'Iran et au Hezbollah ont également exprimé leur indignation. Sur son compte Twitter, le leader druze Walid Joumblatt a rappelé qu'en Iran "ils respectent les jardins et la verdure et célèbrent depuis des milliers d'années la fête de Nowrouz le 21 mars. Mais la Moumanaa (l'axe formé par Téhéran et ses alliés) nous impose des centrales électriques, faut-il pour autant confisquer le terrain du Golf Club qui constitue l'unique espace vert dans la jungle de béton de Beyrouth et ses banlieues ?".
Pour sa part, Imad Wakim, député de Beyrouth affilié au parti chrétien des Forces libanaises de Samir Geagea, a affirmé qu'il est "inacceptable de penser à éliminer le Golf Club sous n'importe quel prétexte, qu'il s'agisse d'une centrale électrique ou de production de missiles". M. Geagea a pour sa part ironisé sur l'importation illégale de fuel iranien par le Hezbollah, faisant le lien entre celle-ci et le blackout dans lequel est plongé le Liban depuis samedi midi, en raison d'une panne générale de courant qui risque de durer jusqu'à la semaine prochaine. "L'un des premiers résultats de l'arrivée du fuel iranien au Liban est l'arrêt de toutes les centrales électriques du pays par manque de pétrole. Il s'agit vraiment d'une +promesse tenue+", a-t-il raillé.
commentaires (9)
Pauvres riches qui ne pourraient plus jouer au golf! Mais j'oubliais : tous ceux qui jouaient au golf dans ce pays sont déjà partis et jouent au golf sous des cieux plus cléments!
Politiquement incorrect(e)
20 h 24, le 10 octobre 2021