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Culture - Exposition

Mille visages et un seul artiste

« The lives of others » de Ghylan Safadi à la Galerie Art on 56th* est un foisonnement de visages dans lequel chacun pourra se reconnaître et se confronter ainsi à sa propre réalité.

Mille visages et un seul artiste

Ghylan Safadi et ses toiles foisonnantes de visages. Photo DR

Depuis la scène théâtrale de sa dernière exposition à la galerie Art on 56th, Ghylan Safadi fait un saut au cœur de la vraie vie. The lives of others est un parcours où les visages aux multiples facettes vous interrogent : Êtes-vous là ? Et qui êtes-vous exactement ? Pour le peintre, l’objectif n’est pas de savoir si une toile est bien réalisée ou non. Son désir ultime est de provoquer la réaction du spectateur face au tableau afin qu’il se retrouve dans l’un de ces innombrables visages et qu’il s’interroge. L’artiste tente l’impossible, l’impossible du regard à appréhender le réel, et à se confronter soi-même pour saisir l’essentiel.


Ghylan Safadi, « Lives of others 5 », 2021, acrylique sur toile, 120 x 140 cm.

Noir 0/Vert 1

Lorsque le réel dans sa violence envahit la vie, l’imaginaire du peintre se dévoile et tente d’appréhender l’humanité de l’homme dans sa profondeur. Enfermé dans son atelier et dans un quotidien obscur durant la période de confinement, Ghylan Safadi veut inverser le courant des choses. « Il y avait certes la pandémie du Covid, dit-il, mais il y avait surtout l’effondrement du Liban, la double explosion du 4 août 2020, la misère et le désespoir du peuple, il n’y avait que du noir ! Comme dans un réflexe de survie, j’ai décidé de faire le pari de la couleur. » L’encre noire et grise de sa dernière exposition The show must go on va se diluer pour laisser placer d’abord au vert. « C’est la couleur de la vie, affirme l’artiste, celle de la nature de laquelle nous nous sommes rapprochés après l’avoir honteusement et délibérément massacrée ». Mais aussi la couleur rouge, celle des chapeaux des clowns qui semblent, dans un renversement de situations, rire à leur tour de l’être humain ; celle du jaune qui habille les femmes ou de la couleur ocre de leur peau nue, comme pour dénoncer l’objectivation de la féminité. Sous le regard bleu azur du peintre, toutes ces couleurs ressuscitées contrastent admirablement sur des fonds noirs. Mais sur les canevas de Ghylan Safadi, les yeux des personnages ne se croisent jamais : « C’est cela la réalité des humains aujourd’hui, affirme l’artiste, ne plus jamais se regarder, s’ignorer, plonger dans sa bulle et avoir les yeux fixés sur l’écran d’un portable ou d’une tablette, vivre dans le virtuel. De quoi se poser la question : mais où est donc passée notre humanité ? » Mais la bulle qui s’infiltre dans ses toiles n’illustre pas que l’emprisonnement, elle est aussi le symbole de la liberté, de l’envol vers des horizons prometteurs, car le peintre se déclare confiant dans le pouvoir des hommes à surmonter tous les obstacles et à renaître. « Et quel meilleur exemple que la volonté indestructible du citoyen libanais pour confirmer mes convictions ? » lance-t-il.


De la scène théâtrale de sa dernière exposition à la galerie Art on 56th, Ghylan Safadi fait un saut au cœur de la vraie vie. Photo DR

Portez le visage qui vous ressemble

Né en 1977 à Sweida, dans le sud de la Syrie, Ghylan Safadi a achevé ses études de peinture à la faculté des beaux-arts de Damas. Résidant au Liban depuis 7 ans, l’artiste puise son inspiration dans les visages des gens qu’il rencontre, mais aussi dans le monde foisonnant du théâtre, les personnages loufoques de la commedia del arte ou dans L’Enfer de Dante. Sa toile prend toujours sa source dans un personnage principal. Il peut être le roi, le fou, le sculpteur ou le joueur de cartes. À charge du visiteur de déterminer l’itinéraire, le parcours à suivre et l’identité qui lui convient.

« Mes toiles sont une invitation au voyage, affirme Ghylan Safadi, elles peuvent s’étendre à l’infini. Certaines vous contraignent à prendre du recul pour assister au mouvement de masse, figurer les révolutions ou l’exil, d’autres vous incitent à vous rapprocher, à pénétrer le monde de l’artiste, à prendre part à la vie. » Sur son canevas, des femmes qui se voilent le visage pour échapper aux regards des hommes ou pour ne pas affronter le présent, d’autres qui se dévoilent, des hommes enfermés dans des boîtes ou des placards et qui n’osent pas en sortir, Don Quichotte qui revient sans son cheval, des lapins, des poissons, des oiseaux, et le vert des plantes… L’artiste avoue peindre comme s’il racontait son enfance, « l’escargot qui se glissait sur les branches après la pluie du matin ou le petit bateau en papier qu’on laissait voguer sur la rivière serpentant dans le village... » Une manière, pour lui, de « revenir dans le passé pour ne jamais oublier d’où l’on vient, mais regarder vers l’avenir ».

The lives of others atteste de la maturité acquise et de la sérénité de l’artiste face à ce qui semblait être la fin du monde et qu’il veut sublimer pour une plus belle renaissance, en couleurs.

*« The lives of others » de Ghylan Safadi

À la Galerie Art on 56th-Gemmayzé

Jusqu’au 30 octobre

Depuis la scène théâtrale de sa dernière exposition à la galerie Art on 56th, Ghylan Safadi fait un saut au cœur de la vraie vie. The lives of others est un parcours où les visages aux multiples facettes vous interrogent : Êtes-vous là ? Et qui êtes-vous exactement ? Pour le peintre, l’objectif n’est pas de savoir si une toile est bien réalisée ou non. Son désir ultime est...

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