
Hachem Safieddine, président du conseil exécutif du Hezbollah, lors de condoléances dans la banlieue sud de Beyrouth, le 13 mai 2016, après la mort du responsable militaire du parti chiite, Moustapha Badreddine, tué en Syrie un an auparavant. Anwar Amro/AFP
Pour le Hezbollah, la campagne électorale a déjà commencé. Sorti renforcé de ce qu’il considère être une victoire diplomatique dans l’affaire du fuel iranien acheminé au Liban, le Hezbollah reprend du poil de la bête. Depuis une dizaine de jours, le parti chiite a haussé le ton à l’adresse des États-Unis et musclé son discours dans une volonté manifeste de préparer son public aux prochaines législatives, qui devraient avoir lieu le 27 mars 2022.
Le président du conseil exécutif du parti, Hachem Safieddine, considéré comme le candidat le plus sérieux à la succession de Hassan Nasrallah, a tenu dimanche un discours particulièrement virulent ponctué de menaces à l’adresse des États-Unis et de leurs alliés au Liban. Le dignitaire chiite a accusé Washington de vouloir changer l’équation politique lors du prochain scrutin en faisant accéder à l’hémicycle une « trentaine d’élus issus des ONG qui sont des agents des États-Unis ». Le Hezbollah accuse régulièrement les membres des ONG mais aussi les opposants chiites et les partis politiques issus de la société civile d’être des agents au service de Washington. Hachem Safieddine a aussi accusé les États-Unis d’avoir infiltré l’État libanais et d’avoir leur mot à dire sur les plans sécuritaire, politique, économique et financier. Les États-Unis sont les principaux bailleurs de fonds de l’armée libanaise. « C’est un discours extrêmement grave, qui laisse entendre que plus de la moitié des Libanais sont des agents à la solde des États-Unis qui ne sont d’ailleurs aucunement l’ennemi du Liban », commente l’ancien officier de l’armée, le général Khalil Hélou. Selon lui, c’est clairement l’institution militaire libanaise, formée, équipée et armée par l’administration US, qui est entre autres visée.
Le chef du bloc parlementaire du parti, Mohammad Raad, a tenu des propos dans la même veine le 26 septembre dernier. Il avait mis en garde « les ennemis du Liban » contre des pressions exercées sur les « candidats proches de la résistance » lors des futures élections. « Ceux qui pensent changer l’orientation politique du pays en contrôlant la future majorité parlementaire se trompent », avait averti le député. Le parti chiite semble aborder les prochaines législatives avec une certaine appréhension compte tenu du contexte local marqué par l’effondrement du pays et la révolte populaire. Même s’il obtient de bons résultats, il doit espérer que ses alliés, notamment le Courant patriotique libre (CPL) en fasse de même pour conserver sa majorité au Parlement.
Le mufti jaafarite, Ahmad Kabalan, proche du Hezbollah, en a rajouté une couche dimanche, en accusant la communauté internationale de brandir les urnes comme une solution à la crise, et dénonçant « l’argent politique qui sera versé en dollars frais » lors du prochain scrutin. C’est notamment le vote des Libanais de l’étranger que le parti chiite craindrait le plus dans la mesure où il lui est difficile de contrôler le processus par-delà les frontières, comme il le fait sur son propre territoire et dans les circonscriptions qui lui sont majoritairement acquises. La loi électorale prévoit actuellement six sièges, un par continent, pour représenter la diaspora libanaise. Le Hezbollah a été l’un des premiers à exprimer ses appréhensions à l’égard du vote de la diaspora, craignant que des pressions soient exercées contre les électeurs proches de la résistance. Des inquiétudes qui n’avaient pourtant pas été soulevées en 2018 alors que les équilibres politiques au Liban et dans la région étaient quasiment similaires et que le bras de fer entre l’Occident et l’Iran battait déjà son plein.
« Le Hezb œuvre depuis le début pour en arriver là »
Si le parti chiite craint de perdre des points lors des prochaines législatives, il mise dans le même temps sur ses activités clientélistes pour fidéliser sa base. L’arrivée et la distribution du fuel iranien s’inscrit dans cette stratégie dans laquelle le Hezbollah se présente comme un substitut à l’État. Dans son discours, Hachem Safieddine a estimé que le Liban devait se repositionner par rapport au changement progressif du contexte international qu’il estime être de plus en plus favorable à « l’Axe de la résistance ». Le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, a appelé à plusieurs reprises par le passé à regarder vers l’Est considérant qu’il est dans l’intérêt du Liban de s’éloigner du giron occidental. « Nous devons être forts dans l’équation régionale. Le mazout n’est pas une affaire de carburant uniquement mais un dossier relatif aux mers et aux océans », a encore dit Hachem Saffieddine, en allusion à la route géostratégique que l’Iran tente de percer en direction du monde arabe, en passant par l’Irak, la Syrie et le Liban. Le Hezbollah considère que la crise économique est la résultante d’un blocus américain pour en finir avec le parti pro-iranien et que l’importation du fuel constitue en ce sens une victoire stratégique. Dans son discours, le président du conseil exécutif du parti laisse entendre pour la première fois de façon aussi explicite que l’emprise iranienne sur le Liban est quasiment acquise. « Cela n’a rien d’étonnant puisque le Hezb œuvre depuis ses débuts pour en arriver là. Les circonstances actuelles et les équilibres de force en présence lui donnent la main haute sur tout. Le plus désolant, c’est qu’aucun des hauts responsables du pays (le président, le chef du législatif et le Premier ministre) ne va le contredire ou le freiner », commente le général Khalil Hélou.
Selon un analyste proche du parti chiite, ce dernier tente effectivement de monnayer sa « victoire » face au blocus américain. « En faisant un étalage de force face à l’adversaire américain, il cherche à gagner la bataille des élections », avance cette source qui a requis l’anonymat. Certains observateurs vont encore plus loin et considèrent que les menaces frontales proférées à l’encontre des intérêts américains dans la région reflètent clairement l’impasse à laquelle sont parvenus les États-Unis et l’Iran dans le cadre des négociations autour du dossier du nucléaire. Malgré une volonté partagée de ressusciter l’accord nucléaire, les négociations piétinent depuis des mois. « Le parti chiite est en train de signifier à ses adversaires que le dossier libanais échappe aux enjeux des pourparlers de Vienne », décrypte un analyste proche du 14 Mars.
Ce jeune téméraire du parti pro iranien manque de beaucoup de "diplomatie" . Il semble que la méthode du chef actuel lui échappe totalement.
03 h 19, le 07 octobre 2021