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Nos Lecteurs ont la Parole

Notre esprit scientifique à l’ère des manipulateurs ?

L’avenir de la politique en tant que res publica, de la démocratie, de la foi agissante et de l’humanisme dépend en grand partie de l’esprit vraiment scientifique qui profite de tous les acquis séculaires du savoir humain. Ce savoir n’est pas le fruit de cogitateurs, politicards et imposteurs, mais de scientifiques au sens de l’expérimentation et de la passion dans la recherche du bien.

L’avenir même de la démocratie en dépend dans un monde où se répand l’affirmation : il n’y a pas de faits, mais des interprétations ! C’est la source même de la démagogie, du populisme, de l’imposture. Imposture que nous vivons aujourd’hui au quotidien au Liban.

Avec la prolifération des nouveaux médias, la tyrannie de l’opinion, les dérives de la démocratie en démagogie, le populisme, le savoir livresque à la portée de tous…, il y a lieu de se demander aujourd’hui : qu’est-ce que l’esprit scientifique ?

La question se pose parce que des victimes de la démagogie ne sont pas seulement des analphabètes et des illettrés qui, le plus souvent, sont plus lucides, empiriques, concrets et prudents, mais des personnes instruites dans des écoles et des universités, et détentrices de hauts diplômes en génie, en médecine, en sciences de la nature et sciences humaines.

Des diplômés rappellent les sophistes du temps de Socrate, les rhétoriqueurs du Moyen Âge dénoncés par Clément Marot et, plus généralement, les docteurs de la loi dans l’Évangile, tous fort habiles dans l’art d’argumenter plutôt que l’art de penser (pensare, peser) et de « ré-fléchir », au sens fondamental et même optique.

Tout savoir livresque, même le mieux cogité et transmis, n’assure pas la formation de l’esprit scientifique. C’est l’expérimentation qui est le fondement de toutes les sciences, celles de la nature, mais aussi humaines. Toute théorie est le fruit d’expériences. L’intérêt de la théorie, de la bonne théorie, est qu’elle comporte des applications nombreuses, sûres et confirmées. « Il n’y a rien de plus pratique, écrit Albert Einstein, qu’une bonne théorie. »

Face à un dogmatisme de religiosité close et déconnectée de la vie, on oublie que Jésus dans les paraboles, soit plus de quarante paraboles, confronte toujours les gens à des faits, cas, situations, exemples, expériences… afin que, de l’expérience et de ce qui est expérimenté, les gens dégagent l’idée, le principe, la norme, le vrai, la vérité.

L’expérimentation de Thomas

On risque de ne pas comprendre le disciple Thomas qui, après la Résurrection de Jésus, veut toucher, s’assurer, expérimenter. Il ne s’agit pas du doute, au sens intellectuel cartésien et qui constitue le fondement de tout effort intellectuel sérieux. Il s’agit d’un problème bien plus profond qu’intellectuel. Il s’agit d’avoir foi en Jésus. Là, Thomas ne doute pas au sens intellectuel, il veut expérimenter et vivre la Résurrection. Maurice Zundel écrit : « Je ne crois pas en Dieu, je le vis ! » Quand Jésus répond : « Bienheureux ceux qui ont cru sans avoir vu », cela signifie que croire, en être convaincu par expérience intime, personnelle et profonde, n’implique pas seulement un savoir exclusivement intellectuel.

Est-ce que nous apprenons vraiment dans les écoles et universités d’aujourd’hui l’esprit scientifique, dans un monde où le savoir est débordant et où des intellectuels profonds et sérieux cohabitent avec des intellos, des docteurs de la loi, des politicards, des munafiqûn, selon l’expression du Coran, et de débats-spectacles ?

Il faut lire, relire et repenser aujourd’hui le discernement de saint Ignace de Loyola parce que, avec le développement du savoir et des moyens d’y accéder, les sophistes, rhétoriqueurs, docteurs de la loi, politicards d’aujourd’hui sont bien plus subtils et bien mieux équipés pour toutes les formes et tous les moyens de l’escroquerie. Dans ce sens, le pape François a dit récemment que le diable est fort présent aujourd’hui dans notre quotidien.

Il n’est pas sûr, à l’exception heureusement de quelques îlots le plus souvent isolés, qu’on soit en train aujourd’hui de former des élèves et étudiants à l’esprit scientifique. Il ne s’agit pas là d’enseigner et d’apprendre les sciences, ce qu’on fait généralement bien en perspective technique.

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L’esprit scientifique, essentiellement expérimental, est un problème de pédagogie dont l’impact est général sur la vie de chacun, familiale, professionnelle, publique, intellectuelle, spirituelle… Il ressort d’une enquête au Caire, il y a une dizaine d’années, que les étudiants qui se rallient à des groupements fanatiques sortent des facultés de sciences ! Pas à cause des sciences, mais de l’enseignement de sciences formatées, sans tâtonnement, sans expérimentation, sans « ré-flexion » …, comme s’il s’agit de versets transcendants et non le fruit de recherche, de tâtonnement, d’échec et de réussite.

Quelle pédagogie scolaire et universitaire de développement de l’esprit scientifique dans le monde d’aujourd’hui, dans les sciences de la nature et dans les sciences humaines ? Problème qui exige un autre développement.

Chaire Unesco - USJ

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L’avenir de la politique en tant que res publica, de la démocratie, de la foi agissante et de l’humanisme dépend en grand partie de l’esprit vraiment scientifique qui profite de tous les acquis séculaires du savoir humain. Ce savoir n’est pas le fruit de cogitateurs, politicards et imposteurs, mais de scientifiques au sens de l’expérimentation et de la passion dans la...

commentaires (1)

EN L'OCCURENCE C'EST BIEN CES MANIPULATEURS QUI ONT UN ESPRIT SCIENTIFIQUE v. LES AUTRES. CAR ILS ARRIVENT JUSTEMENT A NOUS MANIPULER !

Gaby SIOUFI

10 h 50, le 30 septembre 2021

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Commentaires (1)

  • EN L'OCCURENCE C'EST BIEN CES MANIPULATEURS QUI ONT UN ESPRIT SCIENTIFIQUE v. LES AUTRES. CAR ILS ARRIVENT JUSTEMENT A NOUS MANIPULER !

    Gaby SIOUFI

    10 h 50, le 30 septembre 2021

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