Est-ce une suspension, un dessaisissement provisoire, une mise à l’écart, un désaveu… ? On appellera cela comme on voudra. Le Hezbollah, lui, a signifié son choix linguistique au juge Tarek Bitar, il y a quelques jours à peine : ce sera un « déboulonnage » ! La question qui doit être posée à ce stade est de savoir si ç’en sont déjà les prémices et, surtout, quel en serait l’épilogue.
Loin de toute velléité de porter un avis quelconque sur des procédures judiciaires en cours, et davantage encore de dénier à des justiciables, qu’il s’agisse de M. Machnouk, de M. Fenianos, ou de n’importe qui d’autre, le droit de contester une décision intermédiaire de justice et d’entreprendre ce qu’il faut pour faire aboutir cette contestation, force est de constater que l’enquête sur la catastrophe du 4 août 2020 continue d’être sacrément entravée. Qu’on se le dise : cela est une honte… Une honte qui rejaillit sur toutes les institutions de l’État libanais, politiques, militaires, sécuritaires, judiciaires et autres, sans exception.
Il y a plus d’un an, une ville au passé lumineux, une ancienne capitale de culture, de tolérance, d’ouverture et de douceur de vivre, fut mortellement blessée par l’une des plus violentes explosions non nucléaires de l’histoire humaine, résultat de l’ignominie que représente l’entreposage durant des années en son cœur de milliers de tonnes de nitrate d’ammonium. Quatorze mois plus tard, le juge en charge de l’enquête sur cette tragédie reçoit des menaces de la part d’une organisation semi-clandestine – le Hezbollah – sur laquelle pèsent des soupçons au sujet de son rôle éventuel dans cette affaire. Le surlendemain, le président de la République – celui-là même qui avait jugé périlleux d’aller au-devant de son peuple à Gemmayzé et Mar Mikhaël dans la foulée de la catastrophe, laissant à son homologue français le soin de le faire à sa place – annonçait au monde, par le biais de l’Assemblée générale des Nations unies, que le principal souci de l’État libanais était… les menaces israéliennes. Il lui a, semble-t-il, échappé que depuis l’explosion au port, pour ne pas parler de l’effondrement programmé de l’économie libanaise, des conséquences désastreuses de la politique de subventions, des graves dérives institutionnelles, des effets néfastes de l’influence iranienne et de tout le reste, c’est l’État libanais qui est devenu, par la grâce de ceux qui en ont la charge, la menace de loin la plus dangereuse pour ce pays et son peuple…
Certes, le Hezbollah n’est pas le seul en cause dans l’affaire du port. Certes aussi, les partisans du chef de l’État ont beau jeu de dénoncer les tentatives menées par Nabih Berry pour mettre à l’abri ses protégés et ceux de l’establishment sunnite visant à soustraire à l’interrogatoire du juge l’ancien Premier ministre Hassane Diab. Toutes ces manœuvres, quels que soient les prétextes invoqués, sont nauséabondes et condamnables. Ce sont des entraves à la justice, il ne faut pas qu’il y ait le moindre doute là-dessus. Mais dans cette affaire, les immunités qui protègent certains hauts dirigeants, le président de la République et des responsables sécuritaires, sont aussi une entrave à la justice.
D’abord en raison de l’énormité du crime. On va dire quoi aux proches des victimes ? Que tel responsable qui était au courant de l’existence du nitrate d’ammonium peut être poursuivi, mais que tel autre, pourtant lui aussi informé, ne pourra pas l’être parce que tel article de la Constitution dit ceci ou cela? Mais de quelle Constitution parle-t-on ? De celle qui a été piétinée, défigurée, dénaturée par les dérives politiciennes à l’œuvre depuis des lustres ? Du printemps 2014 à l’automne 2016, Michel Aoun, ses partisans et ses alliés ont bloqué l’élection présidentielle dans le but d’imposer leur interprétation du pacte national, selon laquelle le chef du plus grand bloc parlementaire chrétien doit accéder à la présidence. Du coup, le poste est verrouillé et change de nature. Comme on ne peut pas vouloir à la fois le beurre et l’argent du beurre, il devra en aller de même avec la présidence du Parlement et celle du Conseil des ministres. Dès lors, on est en présence de trois bastions confessionnels rendus rigides à un point tel qu’il ne peut plus être question entre eux de préséance autre que protocolaire. De ce fait, les dispositions constitutionnelles sur les immunités bénéficiant à l’un et pas aux autres perdent de leur pertinence. C’est le sens de la démarche entreprise par les anciens Premiers ministres pour niveler les présidences sur cette question. Mais au final, cette démarche est elle-même une turpitude institutionnelle parce qu’elle se fonde sur une autre turpitude. C’est en corrigeant l’erreur de base qu’on reviendrait à l’esprit de la Constitution et non pas en y greffant une autre erreur.
Et pour ce qui est de l’enquête sur la tragédie du port, c’est le bon sens qui devrait la guider, et non plus des textes passablement discrédités. Que dit le bon sens ? Que tous ceux qui savaient doivent, quels qu’ils soient, se présenter devant le juge, main dans la main… À condition qu’il ne soit pas déboulonné.
Mais se plaindre a qui?!?!? Car c’est vers les personnes ou pays ou l’on doit se plaindre qui ont justement permis à ce que cela arrive ainsi !! Quand on disait que PERSONNE N’ALLAIT AIDER CETTE FOIS CI ….
14 h 39, le 28 septembre 2021