
Un militaire libanais posté à la frontière avec la Syrie. Photo d’archives fournie par l’armée libanaise
Les États-Unis ne lâcheront pas l’armée libanaise quelles que soient les circonstances et les obstacles à surmonter sur le plan politique mais aussi au niveau procédural. C’est ce que tend à montrer la décision prise, mardi, par le président américain Joe Biden qui a autorisé, dans un mémorandum au secrétaire d’État, le prélèvement d’un total maximal de 47 millions de dollars pour fournir une aide à l’institution militaire libanaise, frappée de plein fouet par la crise socio-économique.
Bien accueillie de manière générale comme toute autre aide accordée à ce pays en détresse, cette nouvelle mesure de sauvetage a pourtant suscité quelques inquiétudes – de par son caractère d’urgence – concernant l’état de l’institution militaire sur laquelle plane désormais le risque des désertions parmi ses rangs.
« Il ne faut pas exagérer le phénomène des désertions qui sont difficilement identifiables même par l’armée », commente l’ancien officier et stratège militaire Khalil Hélou. Il prend pour preuve l’ampleur des missions que continue à remplir la troupe qui reste, selon lui, toujours aussi efficace en dépit des difficultés monstres.
L’initiative du président américain ne serait donc qu’une manifestation de plus de l’engagement ferme des États-Unis à soutenir l’armée et leur souci d’écarter toute menace d’implosion à moyen terme.
En recourant à cette manœuvre expéditive, le président Biden a donc contourné la procédure traditionnelle consistant à passer par le Congrès qui doit donner son feu vert aux aides externes et a décidé d’accélérer le processus par le biais de cette formule qui fait partie des prérogatives propres du chef de l’État. « En vertu de l’article 552 de la loi sur l’assistance étrangère de 1961, je délègue au secrétaire d’État le pouvoir d’ordonner le prélèvement d’un maximum de 25 millions de dollars des ressources de n’importe quelle agence du gouvernement américain pour fournir une assistance immédiate aux forces armées libanaises », est-il écrit dans le document publié sur le site de la Maison- Blanche. Le président américain donne aussi au secrétaire d’État « le pouvoir d’ordonner le prélèvement d’un montant maximal de 22 millions de dollars du Pentagone afin de fournir une assistance immédiate aux forces armées libanaises ».Considérée comme l’épine dorsale de l’État, l’armée libanaise souffre depuis plus d’un an de manques sérieux en ressources, notamment les fonds nécessaires pour payer aux militaires leurs soldes qui se sont réduits comme peau de chagrin depuis la dépréciation vertigineuse qu’a subie la livre nationale.
S’il est vrai que cette procédure pour laquelle a opté M. Biden est destinée à court-circuiter les lourdeurs administratives voire politiques, cela ne signifie pas pour autant que son exécution est imminente ni qu’elle n’a pas pris le temps de mûrir. Elle aurait même été envisagée depuis plusieurs mois déjà, à en croire un expert des affaires libano-américaines. « Depuis le début de l’effondrement financier dans le pays, l’administration américaine n’a cessé de se montrer créative en essayant de contourner tous les obstacles et de venir en aide aux Libanais et à l’armée libanaise surtout », explique une source qui suit de près ce dossier.
L’annonce de Joe Biden intervient moins d’une semaine après la visite au Liban de quatre sénateurs démocrates qui s’étaient notamment enquis des difficultés auxquelles est confrontée la troupe. L’institution militaire « joue sa survie en ces temps de crise », avait ainsi déclaré Christopher Murphy (D), le chef de la délégation, qui avait promis d’œuvrer « à trouver des moyens supplémentaires pour soutenir la population et l’armée libanaise ».
Signal d’alarme
Conscient de l’impact que peut avoir cette crise sans précédent sur la situation de la troupe, le commandant en chef de l’institution militaire, Joseph Aoun, a depuis un moment déjà envoyé un signal d’alarme à plusieurs partenaires potentiels pour solliciter leur soutien. Plusieurs États comme l’Égypte, le Qatar et l’Irak ont répondu à l’appel en envoyant des aides substantielles aux militaires. En mai dernier, le général Aoun s’était rendu à Paris pour une visite officielle au cours de laquelle il s’était réuni avec le chef de l’État français, Emmanuel Macron, à l’Élysée. C’était la première fois qu’un président français recevait un commandant en chef de l’armée libanaise. Au cours de leur entretien, les deux hommes avaient notamment évoqué les « défis » auxquels doit faire face l’institution militaire alors que l’État n’a plus les moyens de financer nombre de ses institutions. Le 17 juin, lors d’une réunion d’urgence organisée à l’initiative de la France, une vingtaine d’États s’étaient accordés sur une aide d’urgence à attribuer à l’armée libanaise.
Considérés comme le principal bailleur de fonds de l’armée, les États-Unis lui ont déjà octroyé 120 millions de dollars en 2021. Cette aide supplémentaire initiée par Joe Biden viendra donc s’ajouter à ce budget d’aide annuelle que Washington n’a pas voulu suspendre.
Pour l’heure, on ignore quelle forme prendra cette nouvelle aide dont le montant final reste à confirmer par le département d’État américain. Une procédure qui pourrait prendre plusieurs semaines avant que la troupe puisse en bénéficier. En principe, et selon des stratèges militaires, cette aide, qui sera probablement de nature logistique et humanitaire à la fois, sera principalement destinée à l’alimentation, les hôpitaux et les médicaments, des services qui grèvent le budget de l’institution militaire. Selon des chiffres fournis par M. Hélou, l’armée prépare près de 100 000 repas par jour, ce qui signifie qu’elle a besoin au quotidien de marchandise fraîche. « Le problème est que les fournisseurs ne peuvent attendre pour être payés », dit-il. Autre chiffre significatif, les 340 000 personnes – les militaires et leurs familles, les retraités et leurs familles et les administratifs – dont l’institution assure les soins médicaux, soit un budget qui peut atteindre les 100 millions de dollars par an.
Les États-Unis ne lâcheront pas l’armée libanaise quelles que soient les circonstances et les obstacles à surmonter sur le plan politique mais aussi au niveau procédural. C’est ce que tend à montrer la décision prise, mardi, par le président américain Joe Biden qui a autorisé, dans un mémorandum au secrétaire d’État, le prélèvement d’un total maximal de 47 millions de...
commentaires (7)
Sans Armée, police et justice, pas de pouvoirs régaliens. Sans pouvoirs régaliens bien établis, pas de souveraineté. Sans souveraineté, pas de Nation. Que le Hezbollah laisse faire l'Armée Libanaise, que les autres mafias cessent de faire la police, alors la justice pourra passer pour condamner toute la classe politique. Alors peut-être nous retrouverons notre souveraineté pour sauver notre nation ?
Zahar Nicolas
23 h 57, le 09 septembre 2021