
Le commandant en chef de l'armée libanaise, le 17 juin 2021, lors d'une conférence internationale de soutien à la troupe. Photo tirée du compte Twitter de l'armée @lebarmy
Paris a prévenu jeudi que le soutien exceptionnel consacré à l'armée libanaise à l'issue d'une conférence internationale organisée par la France ne peut se substituer aux "réformes indispensables" dans un pays frappé par une grave crise socio-économique et politique. Le commandant en chef de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun, a pour sa part mis en garde contre le risque d'un effondrement de la troupe.
Abstention saoudienne
Une vingtaine de pays ont participé à cette conférence, soutenue par l'ONU, tenue par visioconférence et à huis clos. Les pays membres du Groupe international de soutien au Liban (GIS) - qui comprend la France, les Etats-Unis, d'autres pays occidentaux, des pays du Golfe, la Russie et la Chine - y étaient présents, ainsi que des représentants des Nations unies et de l'Union européenne. Contrairement aux précédentes conférences d'aide à la troupe, comme celle de Rome, ayant fourni des armes, des équipements ou des formations militaires, cet événement vise à apporter à l'armée libanaise une aide humanitaire, réservée généralement aux pays en guerre ou en proie à des catastrophes naturelles. L’armée libanaise avait, dans ce cadre, formulé des "besoins très précis", alimentaires (lait, farine..), en médicaments, en pièces détachées pour la maintenance des matériels, qui s'élèvent à "quelques dizaines de millions d'euros", selon une source au ministère français de la Défense citée mercredi par l’AFP.
Jeudi, une source française a affirmé à l'OLJ que l'Arabie saoudite s'est abstenue de contribuer au financement de l'aide urgente à la troupe, alors que les relations entre Beyrouth et Riyad sont tendues.
Selon le communiqué officiel publié depuis Paris à l'issue de la réunion, le ministère français des Armées a indiqué que cette conférence "visait à élaborer une réponse coordonnée aux besoins urgents exprimés par l’armée libanaise en matière de soutien de l’homme et de maintenance". "Les participants ont souligné la dégradation continue de la situation économique et sociale au Liban. Dans ce contexte, ils ont relevé la forte sollicitation des forces armées libanaises (FAL) qui demeurent un pilier essentiel de l’Etat libanais", souligne le ministère."Conjointement avec les Forces de sécurité intérieure, elles jouent un rôle clé dans le maintien de la sécurité à travers le pays. Leur cohésion et leur professionnalisme restent essentiels pour préserver la stabilité du pays". "Les participants ont rappelé l’importance de dissocier la situation au Liban de la crise régionale", indique Paris. "Si de nombreux pays ont déjà apporté une aide significative à titre bilatéral, la gravité de la crise libanaise appelle à un engagement et une coordination accrus de tous afin de renforcer les efforts collectifs et améliorer l’impact de l’aide".
"Réponse d’urgence qui ne peut se substituer aux réformes"
Le ministère français précise que cette aide "n’a pas vocation à mobiliser des ressources permettant de doter les FAL de matériels et équipements militaires supplémentaires, ni de financer les soldes et retraites des militaires". "Ce soutien exceptionnel est une réponse d’urgence qui ne peut se substituer aux réformes indispensables dont le Liban a aujourd’hui impérieusement besoin pour sa stabilité et les Libanais pour leur sécurité et prospérité", insiste Paris, qui rappelle que les participants ont renouvelé avec insistance leur appel à la formation d’un gouvernement sans délai, l’impasse politique actuelle étant irresponsable.
Point notable : "les contributions annoncées lors de la Conférence sont destinées directement aux FAL", a indiqué Paris. Une mention qui reflète l'absence de confiance de la communauté internationale dans les autorités politiques qui dirigent le pays.
Risques sécuritaires
Lors de la réunion, le commandant en chef de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun, a mis en garde contre un "effondrement" de l'institution militaire". Le responsable militaire a également souligné que tout affaiblissement des forces armées mènerait au "chaos" et à la chute du Liban, appelant les "pays amis" à soutenir les militaires et l'armée. "Le Liban fait face à une crise économique inédite", a déclaré le général Aoun au début de la conférence, selon des propos rapportés par le compte Twitter de l'armée. Il a déploré le fait que cette crise "ne semble pas pouvoir être résolue à court terme". Se félicitant du "soutien et de la confiance" dont bénéficie la troupe aux niveaux local et international, il a souligné que l'institution "a besoin d'être encore plus soutenue afin de pouvoir continuer à exister". Il a salué les militaires "qui font face aux conditions difficiles" actuelles et continuent à remplir leur mission "malgré l'effondrement de la livre libanaise qui a réduit leurs salaires de 90 %" et les empêche de profiter comme avant de soins de santé couverts par l'Etat ou d'entretenir correctement les véhicules qu'ils utilisent dans le cadre de leurs opérations.
"Si la situation économique et financière continue de se détériorer, cela mènera à l'effondrement des institutions dont l'armée". Si cela arrive, le pays sera complètement "exposé aux risques sécuritaires", selon lui. "Il faut donc soutenir non seulement les militaires, comme individus, mais également l'institution dans son ensemble", a-t-il plaidé. Et d'insister sur le fait que "l'armée garantit la sécurité et la stabilité du Liban et de la région" et que toute atteinte à la troupe "mènera à l'effondrement du Liban et au chaos". "Nous avons confiance dans le fait que nous pourrons dépasser cette période compliquée et délicate grâce à la détermination et la volonté de nos soldats et avec le soutien des Libanais et des pays amis", a-t-il lancé.
"Garante de la stabilité"
La ministre française de la Défense, Florence Parly, première à prendre la parole lors de la conférence, a souligné que "tout le monde est concerné par le fait que l'armée libanaise doit rester capable d'accomplir sa mission de protection de la sécurité et de la stabilité, selon des propos rapportés en arabe par l'institution. La ministre libanaise sortante de la Défense, Zeina Acar, a de son côté appelé à ne pas "abandonner" la troupe, qui est la "garante de la stabilité du pays et de la sécurité des Libanais". Son homologue italien, Lorenzo Guerrini, a pour sa part exhorté les participants à la conférence à "répondre aux besoins" de la troupe en lui fournissant des "aides essentielles". La coordinatrice spéciale des Nations unies au Liban, Joanna Wronecka, a, elle, souligné que l'objectif de cette initiative était de "soutenir l'armée pour qu'elle reste homogène et efficace".
Salaires de 80 dollars
L'effondrement économique que traverse le Liban, le pire de son histoire, s'accompagne d'une dépréciation inédite de la monnaie, qui a perdu 90% de sa valeur face au dollar. Il y a également l'explosion du chômage et une paupérisation à grande échelle, 55% de la population vivant aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Et ces dernières semaines de graves pénuries de carburant. La récession, l'une des pires crises financières du monde depuis le milieu du XIXe siècle selon la Banque Mondiale, est largement imputée à la corruption et à l'incompétence de l'élite politique, dominée depuis des décennies par les mêmes familles et les mêmes personnalités. La dépréciation a fait fondre les salaires en livres libanaises des soldats, mais aussi le budget de l'institution alloué à l'entretien et aux équipements, menaçant ainsi la capacité opérationnelle de la troupe. Un simple soldat gagne environ 1,2 million de livres libanaises, soit aux alentours de 800 dollars au taux de change officiel, mais de fait près de 80 dollars seulement au taux du marché noir.
En mai, lors d'une visite à Paris, le général Joseph Aoun avait exposé la situation catastrophique de l’armée face à l’effondrement de la livre libanaise. Le général Aoun avait été reçu par le président Emmanuel Macron, une première qui soulignait l’importance accordée par Paris au rôle stabilisateur joué par l'institution. Paris avait alors évoqué l’idée d’une conférence internationale de soutien à la troupe. Et début mars, dans un discours virulent, le général Aoun avait énuméré les défis auxquels est confrontée l'armée libanaise dans le cadre de la crise, mettant en garde contre une situation "explosive".
A l'été 2020, l'armée libanaise avait annoncé qu'elle ne servirait plus de viande dans les repas proposés aux soldats, en raison de la flambée des prix des denrées alimentaires. Depuis, plusieurs pays comme la France, l'Egypte, les Emirats arabes unis, le sultanat d'Oman et la Turquie ont envoyé des chargements de vivres à la troupe, tandis que l'Irak et l'Espagne ont offert une assistance dans le domaine médical. Les Etats-Unis restent toutefois le plus grand bailleur, augmentant cette année les fonds destinés à l'armée libanaise de 15 millions de dollars à 120 millions de dollars.
Paris a prévenu jeudi que le soutien exceptionnel consacré à l'armée libanaise à l'issue d'une conférence internationale organisée par la France ne peut se substituer aux "réformes indispensables" dans un pays frappé par une grave crise socio-économique et politique. Le commandant en chef de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun, a pour sa part mis en garde contre le risque...
commentaires (8)
TANT QU,ON NE DESARMERA PAS LES MERCENAIRES IRANIENS, MESSIEUS LES FRANCAIS ET EUROPEENS EN GENERAL ET AMERICAINS, ET VOUS NE FAITES RIEN DE CONCRET SUR CA, L,ARMEE, INCAPABLE DE CONTROLER LES FRONTIERES SYRIENNES SANS VOTRE AIDE ET DE FAIRE RESPECTER LA 1559 ET LA 1701 AUSSI SANS VOTRE AIDE, EST ORPHELINE SUR SON SOL ET INCAPABLE DE PROTEGER LA SOUVERAINETE DU PAYS.
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 17, le 18 juin 2021