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Société - Santé publique

L’hôpital de Beit Chabab appelle au secours

L’établissement hospitalier a demandé à tous ses pensionnaires qui le peuvent de rentrer dans leurs foyers.

L’hôpital de Beit Chabab appelle au secours

Remue-méninges au bureau du père Louis Samaha (à gauche) avec Carol Milan, Michael Haddad et Fady Ibrahim. Photo F.N.

Sœur Nawal, qui appartient à la congrégation des religieuses de Jesus and Mary qui dirigent l’école du même nom dans le Metn, se désole. Son frère, atteint de la maladie de Parkinson, doit trouver un autre établissement hospitalier pour se faire soigner. L’hôpital de Beit Chabab qui l’accueillait jusqu’à présent est à bout de souffle.

Fonctionnant au ralenti vaille que vaille, l’établissement hospitalier, un édifice en pierre taillée de pur style libanais, a demandé à tous ses patients et pensionnaires qui le peuvent de rentrer dans leurs foyers. De fait, ses corridors sont anormalement vides, et l’on y pénètre par les urgences, Covid-19 oblige. Privé de ressources par le gouvernement, qui lui doit près de 4,4 milliards de livres – un montant accumulé depuis… 2012 ! –, l’établissement hospitalier, qui relève de l’ordre libanais maronite, lui-même complètement dépassé par la crise, appelle au secours.

École convertie en établissement spécialisé dans l’accueil des handicapés lourds depuis le début de la guerre civile (1975-1990), l’hôpital, endetté auprès de tous ses fournisseurs, n’a presque plus de ressources propres pour continuer à fonctionner. Amputé d’un bon tiers, son personnel administratif et infirmier (environ 110 personnes) est, depuis cinq mois, sur des avances sur salaire. Inutile de préciser qu’il s’agit de sommes à peine suffisantes pour assurer leur transport. Toutefois, face à la crise, il continue tant bien que mal à rester uni au service d’une quarantaine de handicapés lourds qui n’ont nulle part ailleurs où aller.


Une vue d’ensemble de l’établissement. Photo DR

Les couches pour adulte manquent

« Les couches sont l’un des articles qui nous manquent le plus », précise Fouad, chef du personnel infirmier. Et de regretter que les Libanais se montrent si réticents à changer les couches des handicapés, à leur donner le bain où à changer les draps en l’absence du personnel infirmier étranger, d’origines bangladaise et égyptienne, qui a quitté l’hôpital quand les difficultés financières ont commencé. En outre, l’hôpital de Beit Chabab possède un centre de dialyse qui accueille quelque 33 patients. « Ce sont eux qui me font le plus mal au cœur », explique le père Louis Samaha, son directeur, ancien président de Caritas-Liban, qui nous reçoit dans son bureau. « Les priver ne serait-ce que d’une de leurs trois séances hebdomadaires, c’est les condamner à la mort », déplore-t-il.


Dans un corridor de l’hôpital de Beit Chabab. Photo DR

Michael Haddad s’en mêle

Michael Haddad, ambassadeur de bonne volonté du PNUD, a pris fait et cause pour l’établissement hospitalier. Cette force de la nature, paraplégique depuis un accident de jet-ski, est de toutes les épreuves d’endurance de l’armée, depuis l’escalade du rocher de Raouché jusqu’au cross-country des cimes organisé chaque année. Pour lui, il n’est pas question d’abandonner à son sort cet hôpital qui a sauvé de la solitude et du désespoir des dizaines de blessés de la guerre civile. Il cherche à lever les quelque centaines de milliers de dollars de fonds nécessaires pour le sauver dans un premier temps de la fermeture totale, en attendant une éventuelle restructuration qui en rentabiliserait l’exploitation. Michael Haddad débarque au bureau du père Samaha avec Carol Milan, responsable exécutive du groupe Obegi, après avoir fait parvenir à l’hôpital quelques heures plus tôt environ une tonne de produits alimentaires (pâtes, petits pois, fromages, hot-dogs, céréales et biscuits). Ils sont là avec Fady Ibrahim, avocat-conseil bénévole du père Samaha, pour un remue-méninges sur l’avenir de l’hôpital pour lequel ils réfléchissent à une levée de fonds. Mais il est facile de deviner, entre les phrases du père Samaha, que l’hôpital ne peut pas vivre de dépannages.

Le « point faible » de « l’institut » (« maahad ») de Beit Chabab, un nom qui lui est resté depuis l’époque où il fonctionnait en tant qu’école, c’est que tous ses patients sont soignés aux frais soit de l’État (ministère de la Santé, Sécurité sociale, tiers payants publics), soit des compagnies d’assurances.

Son directeur précise avoir cherché à attirer l’attention des partis et courants chrétiens implantés dans le Metn sur la situation de l’hôpital. Sans autre résultat, jusqu’à présent, que de vagues promesses. Il place aussi un espoir – incertain, comme les temps – dans un éventuel déblocage par le ministère des Finances d’une partie au moins des 4,4 milliards de livres que l’État doit à l’hôpital « et qui ne valent plus rien aujourd’hui ».

« Cela me permettrait au moins de régler les salaires du personnel », soupire-t-il, espérant – contre toute espérance – que le président de la commission des Finances, le député Ibrahim Kanaan, auquel il s’en était ouvert, lui annoncerait une bonne nouvelle en ce sens…

Au jour le jour

Il raconte, sourire en coin, que 5 tonnes de mazout ont été livrées à l’hôpital sur la recommandation d’un homme politique, mais qu’il a renvoyé le propriétaire de la station d’essence à ce dernier quand il lui en avait réclamé le paiement. « Ce sont des palliatifs, je sais, et l’homme sera en fin de compte payé », assure-t-il, tout en soulignant que l’établissement qu’il gère vit ainsi au jour le jour, en attendant un déblocage qui ne vient pas.

L’ancien président de Caritas-Liban se désole par ailleurs de ce que la banque avec laquelle il traite exige de recevoir une commission de 10 % sur tout emprunt en livres. « Ainsi, sur un emprunt de 200 millions de livres qui va, disons, sur les avances sur salaires, je dois payer 20 millions », regrette-t-il, avant de préciser que la condamnation de cette commission usuraire par l’Association des banques et le syndicat des propriétaires d’hôpitaux privés n’a pas eu d’effet dissuasif sur l’établissement de crédit en question.Resté en rapport avec le père Samaha, dont il était le secrétaire général au temps où ce dernier assumait la présidence de Caritas-Liban, l’avocat Fady Ibrahim fait pour L’Orient-Le Jour une rapide synthèse des perspectives qui se dessinent pour l’hôpital. Selon lui, « la seule chance de salut est dans sa transformation en un établissement spécialisé pour handicapés lourds, notamment pour des séjours » longue durée « de patients venus de l’étranger, ainsi que dans le traitement des grands brûlés et des patients atteints d’escarres ». « Mais pour le moment, conclut-il, l’hôpital est dans le plus profond besoin. »

Sœur Nawal, qui appartient à la congrégation des religieuses de Jesus and Mary qui dirigent l’école du même nom dans le Metn, se désole. Son frère, atteint de la maladie de Parkinson, doit trouver un autre établissement hospitalier pour se faire soigner. L’hôpital de Beit Chabab qui l’accueillait jusqu’à présent est à bout de souffle.Fonctionnant au ralenti vaille que vaille,...

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