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Nos Lecteurs ont la Parole

La vérité fragmentée

Le 9 août 2020, cinq jours après l’une des plus grandes catastrophes non naturelles des temps modernes, le chef de l’État libanais nous promettait « la vérité non diluée ». On dit qu’il n’y a que la vérité qui blesse. Mais depuis plus d’un an, face à une série d’incendies prémédités, d’obstructions généralisées, de blocages institutionnalisés, d’immunités injustifiées, d’inventaires falsifiés et de manifestes manifestement truqués, le peuple libanais pourrait vous dire que les mensonges aussi blessent. Pire, ils tuent.

Le produit de ces manipulations intensives a désormais un nom dans les hémicycles internationaux : Liban. Pourtant, lorsque l’on connaît la racine sémitique de ce mot et la réelle portée de son message, on constate que la « poubelle », l’« enfer », la « prison à ciel ouvert », l’« abattoir » ou même l’« organisation terroriste » qui le qualifient depuis plus d’un an sont littéralement antagoniques à son étymologie. Le désordre commence donc au pied de la lettre. Ainsi débute l’injustice infligée au pays du Cèdre.

Mais quelle était donc, Monsieur le Président, cette étrange « vérité non diluée » justifiant la dénaturation du Liban, et pire, la transformation de Beyrouth en kamikaze ? Quelle était donc cette « vérité non diluée » expliquant au peuple la dépossession publique, paisible, continue et non équivoque d’un territoire qui est pourtant le sien ? Quelle était donc cette « vérité non diluée » excluant à demi-mot l’acte terroriste pour retenir l’acte « accidentel » ? Quelle est donc cette « vérité non diluée » scellant l’histoire d’un pays victime d’une entreprise de destruction massive et d’humiliation collective ?

De l’hospitalité historique à l’incohérence pathétique... Mais quelle est donc, Monsieur le Président, cette « vérité non diluée » permettant de continuer à accueillir plus d’un million de réfugiés alors que le Liban implose et bascule jour après jour sous le seuil de l’extrême pauvreté ? La vérité... Des centaines de milliers de Libanais privés de tout corridor humanitaire sauf celui menant à l’exil, face à plus d’un million de Syriens trouvant refuge au Liban tout en bénéficiant de l’aide inconditionnée, périodique et multidimensionnelle de l’Union européenne...

Du pays-message au messager de l’Iran... Mais quelle était donc, Monsieur le Président, cette « vérité non diluée » justifiant l’institutionnalisation d’un État hybride, produit d’un État dans l’État, d’un État sans État et d’un État loin de l’État ? La légalisation d’un melting-pot cultivant toutes formes d’insécurités, d’inégalités et d’illégalités et excellant dans l’inaction active pour mieux brader le Liban à l’Est ? Pour mieux brader la souveraineté, l’indépendance, la sécurité, la démocratie, le respect des droits de l’homme, l’accès à une justice indépendante et impartiale, aux infrastructures publiques, à l’eau, à l’électricité et à l’épargne... La vérité... Une gouvernance anticonstitutionnelle connue et reconnue par « kellon yaane kellon » au niveau national et international, sans que personne ne réussisse à véritablement la corriger ou la sanctionner.

De la « Suisse du Moyen-Orient » à l’« affilié vénézuélien »... Mais quelle est donc, Monsieur le Président, cette « vérité non diluée » justifiant une politique du vide réussissant pourtant à faire proliférer toutes sortes de fléaux : l’impunité, l’insécurité, l’insalubrité, la malnutrition, l’appauvrissement, les défaillances des systèmes hydraulique et d’assainissement, les coupures de courant généralisées entravant le fonctionnement des hôpitaux et des industries, les pénuries de médicaments, d’essence, de gaz et de mazout...

La vérité... Une multiplication de tout sauf du pain, lui-même détruit par l’hyperinflation, générée par une « cour des miracles » brandissant depuis des années les cartes de toutes les religions, sauf celle permettant le salut du Liban.

Du « plus beau pays du monde » à « l’organisation terroriste »... Mais par quel détournement de vérité, Monsieur le Président, le Liban serait-il passé de l’otage au ravisseur et de la victime au coupable ? Comment aurait-il en toute bonne foi refusé de manière intentionnelle l’application des résolutions du Conseil de sécurité pourtant destinées à l’aider à reconquérir sa souveraineté, son indépendance et la force de son armée ? La vérité... Une dérive juridique nationale et internationale terrorisante face à un pays anéanti par la corruption et le syndrome de Stockholm.

Du « coffre-fort du Levant » au bénéficiaire de plusieurs enveloppes internationales de millions de dollars... Mais quelle est donc, Monsieur le Président, cette « vérité non diluée » incitant les institutions politiques à solliciter de manière systématique des aides financières auprès de « l’étranger » alors que certains membres du gouvernement dirigent des empires personnels cumulant plusieurs milliards de dollars ? La vérité... Le « casse du siècle » a détruit le « coffre du Levant » et a vidé le concept de fierté de toute sa sonorité tout en continuant d’attribuer licences, contrats et marchés aux plus fortunés de cette terrible infortune.

La vérité nous blesse, nous afflige et continue de nous menacer... Après 2 750 tonnes de nitrate ayant détruit notre sol et tout autant d’armes illégales intoxiquant notre sous-sol, le cocktail Molotov hérité par le Liban cause des dommages titanesques loin d’être uniquement collatéraux : les trois quarts de la population sous le seuil de pauvreté, sans compter le pourcentage indicible de personnes vulnérables déjà victimes d’« extrême pauvreté » ; plusieurs centaines de milliers de Libanais privés d’accès aux services hospitaliers, aux soins de base, à l’électricité, à l’eau, à une nourriture diversifiée, à l’éducation, aux médicaments, à l’essence, au mazout et aux économies de toute une vie... Plusieurs millions de Libanais privés du droit à une vérité « non diluée » face à des atteintes massives au droit à la vie et à la sécurité. La vérité... Des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme qui apparaissent désormais comme la seule monnaie courante à avoir été gardée en réserve. Une vérité qui explose depuis un an de manière fragmentée de Beyrouth au Akkar. Une vérité qui brûle du Kesrouan à Saïda, de Kobeyate à Bisri, de Chekka à Bickfaya. Une vérité qui interpelle l’humanité, témoin d’une situation criminelle que les Nations unies n’osent même plus qualifier. Une vérité, Monsieur le Président, qui fait très mal, bien au-delà du territoire dont vous avez la responsabilité.

S’il est vrai que toute vérité n’est pas bonne à dire, aurait-elle pourtant encore le mérite d’éviter à la population d’être de nouveau utilisée comme bouclier humain ? Pourrait-elle accélérer la mise en œuvre de solutions juridiques déjà identifiées afin de rétablir en urgence le respect des droits de l’homme, ainsi que celui de la paix et de la sécurité ? Seule une vérité véritablement non diluée et clairement avouée pourrait permettre au Liban de dépasser cette misère généralisée dont seuls les semeurs de terreur réussissent à paver la voie en toute impunité.

Aujourd’hui, une vérité, même fragmentée, nous aiderait à retrouver ce Liban fort qui n’existe aujourd’hui que dans notre imaginaire collectif, loin de l’enfer des organisations terrorisantes et terroristes qui abattent, emprisonnent et tuent notre pays jusqu’à réussir à étouffer les cris de colère de la majorité de sa population. Jusqu’à insulter la dignité et l’identité de son peuple. Jusqu’à risquer un génocide, au-delà de toute guerre fratricide. Voilà peut-être bien une autre « vérité non diluée » qui transparaît dans la plus grande clarté en août 2021, toujours dans la plus grande indifférence, complaisance ou négligence de « kellon yaane kellon »...

Dans ce melting-pot, une nouvelle génération de citoyens libanais sans frontières tente, au-delà de ce qui semble possible, ou même imaginable, de condamner de manière démocratique tous ceux qui détruisent l’identité du Liban, par action ou par omission. Pour autant qu’une mission internationale d’observation électorale garantisse la tenue d’élections libres et transparentes en 2022. Pour autant que le peuple libanais réussisse à enfin se rassembler pour faire table rase de cette politique de la terre brûlée. Pour autant que le rétablissement de la situation des droits de l’homme soit contrôlé par des experts indépendants et impartiaux. Pour autant que l’homme responsable du dossier le plus explosif de l’histoire du Liban puisse être protégé et soutenu par l’ensemble des défenseurs de la paix. Afin de rendre justice à toutes les victimes de ce système et de nous permettre de retrouver le message d’un Liban intègre, juste et pacifié lancé dans une bouteille à la mer, le 4 août 2020.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Le 9 août 2020, cinq jours après l’une des plus grandes catastrophes non naturelles des temps modernes, le chef de l’État libanais nous promettait « la vérité non diluée ». On dit qu’il n’y a que la vérité qui blesse. Mais depuis plus d’un an, face à une série d’incendies prémédités, d’obstructions généralisées, de blocages institutionnalisés,...

commentaires (1)

Yiiiiiiiii ! ASSEZ BLAMER MICHEL AOUN. MICHEL AOUN CECI, MICHEL AOUN CELA. Khalassna Baa ! PUISQU'IL "VOUS" REPETE QU'ON NE LUI LAISSE AUCUN ESPACE POUR TRAVAILLER, POUR FAIRE MIEUX ! DONNEZ LUI CETTE DERNIERE CHANCE, FAITES QUE SON TRES SYMPA TOUT PTI GENDRE SOIT ELU A LA PES. APRES LUI ET VOUS VERREZ ALORS LES REFORMES PLEUVOIR , LE LIBAN FLORISSANT DE FUSILS A LA MOLLAHS IRANIENS ET BCP PLUS ENCORE.

Gaby SIOUFI

09 h 10, le 26 août 2021

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Commentaires (1)

  • Yiiiiiiiii ! ASSEZ BLAMER MICHEL AOUN. MICHEL AOUN CECI, MICHEL AOUN CELA. Khalassna Baa ! PUISQU'IL "VOUS" REPETE QU'ON NE LUI LAISSE AUCUN ESPACE POUR TRAVAILLER, POUR FAIRE MIEUX ! DONNEZ LUI CETTE DERNIERE CHANCE, FAITES QUE SON TRES SYMPA TOUT PTI GENDRE SOIT ELU A LA PES. APRES LUI ET VOUS VERREZ ALORS LES REFORMES PLEUVOIR , LE LIBAN FLORISSANT DE FUSILS A LA MOLLAHS IRANIENS ET BCP PLUS ENCORE.

    Gaby SIOUFI

    09 h 10, le 26 août 2021

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