De monumentales structures rectangulaires ont été mises au jour dans l’oasis d’al-Ula, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, et à Khaybar, dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite. Appelées mustatils (rectangle en arabe), elles ont été découvertes par les archéologues de l’Université d’Australie occidentale, à Perth, qui ont récemment publié le résultat de leurs recherches dans le Cambridge University Press. Les plus vieilles auraient été édifiées au VIe millénaire avant J-C, soit avant les pyramides d’Égypte et le monument mégalithique de Stonehenge, érigé entre 2800 et 1100, dans le comté du Wiltshire au sud de l’Angleterre. De forme à peu près rectangulaire, les mustatils sont constitués de murets de pierre s’étirant sur 20 à 620 mètres de long, et d’un mur de tête plus épais, fait de pierres plus larges, contenant parfois une niche ou une sorte de petite pièce. On y trouve dans certains cas des cellules circulaires d’un à deux mètres de diamètre et des orthostates (des blocs verticaux) construits avec des roches locales, en grès ou en schiste. L’exploration aérienne d’un espace de 200 000 km² a permis la localisation de plus d’un millier de mustatils, en particulier dans la région d’al-Ula et de Khaybar. Pour le relevé des sites, les archéologues australiens en ont photographié 350 depuis un hélicoptère ; ils ont identifié 641 autres par télédétection et en ont exploré 39 au sol.
Premier paysage rituel d’Arabie
Les fouilles des cellules circulaires ont permis d’exhumer des bétyles (pierres dressées) autour desquelles des cornes et des os de bovins, de moutons, de chèvres et de gazelles étaient disposés comme des offrandes. Tout laisse à penser qu’il s’agissait « des premières preuves d’un culte du bétail néolithique dans la péninsule Arabique », peut-on lire dans l’étude, faisant de ces rectangles géants « les plus anciens et les plus grands monuments rituels paysagers au monde ». Les premières datations radiocarbones obtenues font remonter les ossements à l’époque néolithique, vers 5300 avant J-C.
L’archéologue de l’Université d’Australie occidentale, Hugh Thomas, explique dans la revue Connaissance des arts, qu’en raison des murs à faible hauteur, ces bâtiments n’ont pas pu servir d’enclos pour animaux, ni même de tombes, car jusqu’à ce jour aucune sépulture humaine n’a été trouvée à l’intérieur ou à proximité des mustatils. « Ces mystérieuses structures monumentales en pierre pourraient avoir été érigées à des fins rituelles. Elles seraient les témoignages d’une activité sacrée dans le désert d’Arabie au néolithique. » Jusqu’à présent aucune de ces étonnantes installations n’a été découverte en dehors du royaume.
Hugh Thomas fait également observer que « la taille monumentale de certains de ces bâtiments a dû nécessiter des efforts considérables. Il est donc très probable que de grandes communautés ou des personnes se soient réunies pour les construire. Cela suggère une organisation sociale importante et un objectif ou une croyance commune ». Les fouilles jettent ainsi un nouvel éclairage sur le néolithique de la péninsule Arabique, qui a été, ici comme ailleurs, une période marquée par de profondes mutations techniques et sociales, liées à l’adoption par l’homme d’un modèle de subsistance fondé sur l’agriculture et l’élevage, et impliquant le plus souvent une sédentarisation.
Eldorado touristique
Les fouilles des mustatils s’inscrivent dans le cadre de Vision 2030, le plan de développement lancé par le gouvernement saoudien en 2016. Pour retracer les 7 000 ans d’histoire de la région et notamment celle des civilisations préislamiques majeures, 160 scientifiques, français, britanniques, allemands et, dans le cas de la découverte des mustatils, australiens, sont mobilisés pour étudier les vestiges de la vallée. Transformer la vallée d’al-Ula en un musée à ciel ouvert est l’objectif de la commission royale créée à cet effet. Inscrite tant sur le plan patrimonial qu’environnemental sur la liste de l’Unesco, cette immense vallée abrite une luxuriante oasis ; des sites rupestres où les néolithiques ont gravé sur la roche des inscriptions et des représentations d’autruches et d’ibex ; les ruines de l’ancien royaume de Dadan et Lihyân contrôlant le commerce de la myrrhe et de l’encens et, sur environ 500 hectares de désert, les vestiges de la cité nabatéenne d’Hegra et ses nécropoles qui rassemblent plus de 90 tombes monumentales taillées dans les rochers. Comme sa célèbre jumelle Petra en Jordanie, Hegra a été créée par les Nabatéens dont l’empire commercial a brillé de l’an I avant J-C à l’an 75 de notre ère. Sans oublier les ruines de l’occupation romaine en 106 de notre ère, avant l’installation définitive de l’islam.
Le plan établi pour développer massivement le tourisme dans le royaume comprendra aussi des galeries, des musées, des reconstitutions historiques et un centre de recherche en archéologie ainsi qu’une « bibliothèque en plein air » de pétroglyphes, qui donnera aux visiteurs un premier aperçu des milliers d’anciens sites d’art rupestre qui se trouvent dans la vallée et au-delà. Al-Ula est destinée à devenir la capitale culturelle de l’Arabie.
"Les plus vieilles auraient été édifiées au VIe siècle avant J-C". Je pense qu'il faut lire VIème millénaire.
07 h 05, le 24 août 2021