
Le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé. Photo d'archives JOSEPH EID/AFP/Getty Images
Le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, a affirmé samedi que la solution pour continuer à subventionner les importations de carburant était simple : le vote par le Parlement d'une loi autorisant à puiser dans les réserves obligatoires de la Banque centrale. Des réserves constituées des dépôts des Libanais...
Dans une interview diffusée par Radio Liban Libre, M. Salamé a dénoncé "le cinéma" des dirigeants libanais qui ont fait mine de s'élever contre la décision de la BDL, annoncée mercredi soir, de lever totalement les subventions sur le carburant, affirmant que "tous les responsables", à commencer par le chef de l'Etat Michel Aoun qui l'a convoqué à Baabda, étaient au courant de sa décision.
Quelques heures plus tard, le président Aoun imputait la responsabilité de la crise actuelle que traverse le Liban aux "mauvaises politiques financières", dans une allusion à peine voilée au gouverneur de la BDL.
La banque centrale a annoncé mercredi soir la levée totale des subventions sur le carburant, provoquant un tollé de la classe politique, qui a notamment dénoncé le fait que cette décision aux répercussions lourdes ait été prise avant la mise en oeuvre d'une carte d'approvisionnement permettant aux familles les plus démunies de faire face à la crise. Depuis mercredi soir, le secteur des carburants est suspendu aux décisions que pourraient prendre les autorités : si le ministère de l'Energie décide de publier de nouveaux tarifs, basés sur le taux du marché parallèle, le prix du bidon d'essence pourrait augmenter de 344% et celui du diesel d'environ 387%.
Lors de son entrevue, M. Salamé a précisé que c'est au taux de la plateforme Sayrafa (qui était de près de 17500 LL/USD vendredi; contre 20400LL/USD samedi sur le marché parallèle)) que seraient vendus les dollars aux importateurs de carburants. Le taux qui serait appliqué n'avait pas été précisé dans la décision de la BDL mercredi.
Ligne rouge
"Lorsque les réserves obligatoires à la BDL atteignent une ligne rouge, la BDL n'a d'autre choix que d'arrêter le financement des importations de carburant", s'est défendu M. Salamé dans cet entretien radiophonique avec Radio Liban Libre. Les réserves en devises de la BDL ont fondu depuis le début de la crise à l'automne 2019, passant de 32 milliards de dollars à 20 milliards aujourd'hui selon lui, dont environ 14 milliards correspondant aux réserves obligatoires et environ 5,03 milliards correspondant aux eurobonds sur lesquels l’État a fait défaut en mars 2020. "Nous avons dépensé 820 millions de dollars en un mois pour subventionner les carburants, et il n'y a pas d'essence ni d'électricité. C'est une humiliation pour les Libanais", a-t-il encore jugé. Selon M. Salamé, ces 800 millions de dollars étaient censés couvrir les besoins pour trois mois, jusqu'à fin septembre. Dans ce contexte, il a accusé des commerçants d'avoir sur-importé et stocké.
Le gouverneur a par ailleurs affirmé qu'il ne pouvait pas attendre le mise en oeuvre de la carte d'approvisionnement, qui ne peut selon lui entrer en vigueur avant deux ou trois mois. "Devons-nous gaspiller trois milliards de dollars en l'attendant ?", s'est-il interrogé. "Nous ne sommes pas les douanes ou les FSI pour contrôler ce qui va en Syrie", a également lancé M. Salamé, tandis qu'une partie du carburant subventionné par le Liban est passé en contrebande en Syrie, sous sanctions internationales.
Il a toutefois assuré qu'une solution existait. "Nous avons présenté une alternative, à savoir l'adoption d'une loi qui autorise la BDL à utiliser les réserves obligatoires. C'est une solution simple. Le Parlement peut se réunir rapidement pour légiférer", a-t-il estimé. "Nous ne sommes pas prêts à dépenser l'argent qui appartient aux Libanais sans autorisation du Parlement. Pouvons-nous continuer à mentir aux gens ?", a demandé M. Salamé. "De notre côté, nous continuons à subventionner la farine et des catégories spéciales de médicaments", a-t-il assuré. Il est à noter que le Code de la monnaie et du Crédit au Liban et la Banque des règlements internationaux (BRI) ne précisent pas la nécessité d'une loi pour puiser dans les réserves obligatoires (l'argent des déposants).
Tous savaient
"Parlons sérieusement. Tous les responsables libanais étaient au courant de la décision de lever les subventions (sur le carburant, ndlr), à commencer par la présidence de la République, en passant par le gouvernement, le Parlement, sans oublier le Conseil supérieur de défense", a encore affirmé le gouverneur de la BDL. "Depuis un an, nous prévenons les autorités et leur indiquons à quel niveau sont arrivées les réserves en devises et quelle baisse elles ont subi. Nous avons échangé avec le ministre de l'Economie et le ministre de l'Energie en amont", a-t-il assuré.
Le président de la République, Michel Aoun, a demandé, sans succès, à M. Salamé de maintenir les subventions au taux de 3.900, alors que le Premier ministre sortant, Hassane Diab, a qualifié la décision du gouverneur de la banque centrale d'"illégale". Riad Salamé est également la bête noire du chef de l'État et du parti qu'il a fondé, le Courant patriotique libre, qui l'accusent d'être responsable de la crise actuelle.
"Que l'on limoge ou non le gouverneur de cet établissement pour en nommer un autre, la décision restera la même. La décision était unanime au conseil central. Je respecte ses décisions", a-t-il déclaré, alors que des rumeurs circulent à propos d'une volonté du chef de l'Etat de pousser M. Salamé, avec qui il entretient des rapports en dents de scie, au départ. Le gouverneur a assuré qu'il ne reviendrait pas sur sa décision et que le Conseil des ministres, s'il se réunissait alors même que le gouvernement est sortant, ne pourrait pas forcer la main à la BDL.
L'inflexibilité du gouverneur et le refus tout aussi déterminé des autorités de publier de nouveaux prix a provoqué la fermeture de la majorité des stations-services sur le territoire, tandis que des files interminables d'automobilistes se pressaient devant les quelques établissements encore ouverts. Les stocks d'essence pourraient arriver à épuisement, menaçant de paralyser le pays qui dépend quasi-exclusivement des transports routiers. La pénurie de carburants se traduit également par un rationnement dantesque en électricité, qu'elle soit fournie par EDL ou les générateurs privés. Dans ce contexte, la colère des Libanais se traduit, depuis quelques jours, par des actes de coupures de routes, un peu partout.
Interrogé à propos du chaos et de l'explosion sociale qu'une levée des subventions sur les carburants pourrait engendrer, en l'absence de coordination avec les autorités et notamment le ministère de l'Economie qui ne publie pas les nouveaux prix de l'essence, le gouverneur a lâché qu'il n'y pouvait rien. "Ce n'est pas mon problème s'il ne veut pas signer (les nouveaux prix)", a-t-il affirmé. "Suis-je responsable, en tant que gouverneur, d'assurer l'approvisionnement en essence et en nourriture du pays ? Je le suis d'assurer les financements. Je suis gouverneur de la Banque centrale, pas président de la République ! Que chacun assume ses responsabilités !. J'espère qu'il y aura bientôt un gouvernement au Liban, et j'espère cela depuis plus d'un an. Le retard dans ce domaine n'est pas de mon fait", s'est-il encore défendu.
"Le gouverneur du Liban"
Interrogé sur les déclarations incendiaires du chef du CPL Gebran Bassil à son encontre, il s'est contenté de répondre : "Je suis le gouverneur de la BDL et il est le gouverneur du Liban". Le gendre du chef de l'Etat est accusé par ses détracteurs d'être un président de l'ombre. M. Bassil, a rétorqué samedi dans un tweet incisif que si c'était le cas, il l'aurait congédié depuis longtemps. En outre, dans un communiqué à l’issue de sa réunion hebdomadaire, le bureau politique de la formation aouniste a accusé le gouverneur de la BDL d’appliquer "un plan visant à démembrer l’État, semer le chaos et provoquer des crises qui menacent la sécurité et la stabilité du pays".
M. Salamé a critiqué la classe politique pour n'avoir pas pu former de gouvernement depuis un an, estimant que la formation d'un cabinet, qui pourrait engager des réformes et conclure un accord avec le FMI, pourrait provoquer à terme une baisse du taux du dollar face à la livre libanaise, qui dépasse les 20.000 actuellement.
Comme à chaque interview qu'il accorde aux médias, il a répété que les déposants n'avaient pas perdu leur argent, alors même que les déposants subissent depuis plus de deux ans des restrictions bancaires violentes qui les empêchent d'accéder à leurs propres économies. "L'argent reviendra progressivement aux déposants", a-t-il assuré, estimant qu'ils devaient être patients. Il a balayé les critiques contre les banques qui tergiversent pour ne pas appliquer la circulaire 158, affirmant qu'il fallait informer la BDL des banques qui refusent de l'appliquer. Cette circulaire autorise les déposants à retirer 50.000 dollars sur cinq ans, ou 9.800 dollars sur un an, pour moitié en dollars frais et pour moitié en livres libanaises au taux de 12.800, a-t-il rappelé.
Le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, a affirmé samedi que la solution pour continuer à subventionner les importations de carburant était simple : le vote par le Parlement d'une loi autorisant à puiser dans les réserves obligatoires de la Banque centrale. Des réserves constituées des dépôts des Libanais... Dans une interview diffusée par Radio Liban Libre, M. Salamé...
commentaires (8)
QUELQU'UN - RIAD SALAME- VIENT ENFIN DE LES METTRE A NU TOUS TANT QU'ILS SONT ! EN FAISANT SON MEA CULPA-MEME SI TRES TIMIDEMENT- POURQUOI SEULEMENT MAINTENANT ? PARCE QU'IL NE POUVAIT SUPPORTER QUE CES MEMES "TOUS" COUPABLES CONTINUENT A LE CULPABILISER, DEMONISER . FAUT COMPRENDRE. MOI J'APPRECIE COMPTE NON TENU DU RESTE.
Gaby SIOUFI
10 h 45, le 15 août 2021