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Politique - Crise des carburants

Le bras de fer Aoun-Salamé en relance un autre

L’appel du président à un Conseil des ministres extraordinaire bloqué par Hassane Diab.

Le bras de fer Aoun-Salamé en relance un autre

Le Premier ministre libanais Hassane DIab transmettant sa démission écrite au chef de l’État, Michel Aoun, le 10 août 2020 au palais de Baabda. Photo Aziz Taher /Reuters

On ne sait plus aujourd’hui ce qui est plus grave au Liban : la jungle qu’est devenu le pays ou le chaos qui prévalait avec la multiplication des pénuries est devenu pratiquement incontrôlable depuis que la Banque centrale a décidé de lever les subventions sur les carburants afin de pouvoir financer l’achat de fuel sans toucher à ses réserves obligatoires ; ou la crise politique insoluble qui prend aujourd’hui la forme d’une guerre sans merci entre deux camps opposés ?

Sur les routes, aux quatre coins du pays, plusieurs centaines de Libanais ont endossé, portés par le désespoir et la colère, l’habit de bandits de grands chemins pour assurer du fuel aux générateurs de leurs quartiers ou villages sans électricité depuis des jours, sans que les forces de l’ordre ne parviennent à contenir cette nouvelle forme de criminalité. La situation sur le terrain, au sujet de laquelle la communauté internationale tire régulièrement la sonnette d’alarme depuis l’année dernière, a été jugée suffisamment grave pour justifier une réunion des chefs des services de sécurité, au QG de l’armée à Yarzé, sous la houlette du commandant de la troupe Joseph Aoun, pendant que la classe au pouvoir restait plongée dans son inertie abyssale.

L'éditorial de Issa Goraieb

Les tâcherons de l’invivable

Ce n’est qu’en début de soirée que le président Michel Aoun devait réagir pour exiger la tenue d’un Conseil des ministres extraordinaire, consacré à la situation sur le terrain mais aussi à la décision de la BDL, une démarche pour laquelle il avait cependant besoin de l’accord du Premier ministre, conformément à l’article 53 de la Constitution (alinéa 12). Hassane Diab y a répondu immédiatement par un non catégorique, en se prévalant stricto sensu des textes de lois relatifs à l’expédition des affaires courantes.

Entre Hassane Diab et Michel Aoun, une épreuve de force est engagée depuis longtemps autour de cette question : le président et le camp auquel il appartient ont essayé à maintes reprises de renflouer le gouvernement démissionnaire alors que son chef s’y oppose sous prétexte que son équipe ne peut pas outrepasser la loi et que seul un nouveau cabinet peut plancher sur les dossiers exigeant des décisions importantes.

Ce que cache cependant cette épreuve de force, c’est une véritable guerre politique dont l’enjeu principal est le sort du statu quo actuellement favorable à la majorité au pouvoir. Un renflouement du gouvernement Diab, que contrôle cette majorité, rassure ainsi le camp présidentiel qui se considère la cible d’une campagne visant à l’affaiblir, notamment à partir du moment où le PM sortant s’est rapproché davantage du groupe adversaire des anciens chefs de gouvernement (Saad Hariri, Fouad Siniora, Tammam Salam et l’actuel PM désigné, Nagib Mikati).

La décision du gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, de lever les subventions et, surtout, son refus de céder à l’insistance de la présidence de la République et du Conseil de puiser dans les réserves obligatoires pour financer l’achat de fuel, met en danger, compte tenu de ses répercussions directes sur les Libanais, l’édifice politique que Michel Aoun s’efforce de maintenir. La révolte populaire qui gronde risque de porter le coup de grâce à un sexennat qui n’a jamais pu démarrer et qui aujourd’hui joue le tout pour le tout afin de se maintenir en place et de préserver tous ses acquis, alors qu’il est accusé depuis plusieurs mois déjà de bloquer la formation d’un gouvernement de mission. Ses adversaires lui reprochent ainsi de chercher essentiellement à préserver ces acquis, en même temps que l’avenir politique de son gendre, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil.

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Pour le camp présidentiel, la décision du gouverneur de la BDL, dont Michel Aoun veut la peau, s’inscrit dans le cadre de cette campagne d’affaiblissement du pouvoir, ce que celui-ci ne va pas permettre. La convocation d’un Conseil des ministres extraordinaire aurait pu lui donner la latitude d’adopter des décisions qui pourraient être contraignantes pour Riad Salamé, si Hassane Diab ne lui avait pas barré la voie. La décision de M. Diab est à interpréter sous l’angle strictement politique. Selon Me Rizk Zgheib, avocat et maître de conférences à la faculté de droit et de sciences politiques de l’Université Saint-Joseph, ce dernier ne pouvait pas se prévaloir des affaires courantes pour rejeter la demande du chef de l’État, compte tenu de l’urgence qui se manifeste dans le pays. « Lorsqu’une urgence se présente, un gouvernement démissionnaire retrouve ses pleines compétences pour exercer ses droits dans les limites de cette urgence », explique-t-il, en se basant sur une jurisprudence constante du Conseil d’État datée de 1969. Pour M. Zgheib, le fait de ne pas vouloir réagir à une urgence « équivaut à bloquer le fonctionnement d’un pouvoir ». Face à cette situation et du point de vue juridique, Michel Aoun n’a aucune compétence, à part peut-être notifier le PM démissionnaire de ce point de droit. Là où il peut intervenir, c’est au niveau politique, selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, en durcissant davantage sa position dans les pourparlers autour du nouveau gouvernement, pour s’y assurer la majorité, de sorte à faire barrage aux tentatives de l’affaiblir et à obtenir, lors de la première réunion du nouveau cabinet, le limogeage de Riad Salamé. Ce dernier se prépare à l’attaque compte tenu des révélations qu’il s’apprête à faire sur l’affaire des subventions et autres, dans le cadre d’une interview radio diffusée aujourd’hui. Vue sous cet angle, la mission du Premier ministre désigné, lui-même issu d’un camp adversaire, peut se voir compliquée de nouveau.


On ne sait plus aujourd’hui ce qui est plus grave au Liban : la jungle qu’est devenu le pays ou le chaos qui prévalait avec la multiplication des pénuries est devenu pratiquement incontrôlable depuis que la Banque centrale a décidé de lever les subventions sur les carburants afin de pouvoir financer l’achat de fuel sans toucher à ses réserves obligatoires ; ou la crise...

commentaires (4)

Pour éviter de subir la pression populaire à cause du blocage fait par Aoun dans la formation du gouvernement, il a lancé la patate chaude au gouvernement démissionnaire pour qu’e ce dernier gère la situation. Ainsi, AOUN aura les mains libres et pourra même bloquer non stop toute nouvelle formation qui ne sera pas décidée par lui-même. Évidemment, comme d’habitude, il n’assume pas ses responsabilités et c’est TOUJOURS la faute des autres. Plusieurs candidats au poste de premier ministre ont jeté l’éponge à cause de son entêtement. Le pays est déjà en faillite mais, il croit ( mal conseillé ?) que son entêtement c’est du courage et de la volonté alors que c’est tout simplement une bêtise monumentale et un crime envers les libanais. Merci pour la publication

LE FRANCOPHONE

11 h 42, le 14 août 2021

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Commentaires (4)

  • Pour éviter de subir la pression populaire à cause du blocage fait par Aoun dans la formation du gouvernement, il a lancé la patate chaude au gouvernement démissionnaire pour qu’e ce dernier gère la situation. Ainsi, AOUN aura les mains libres et pourra même bloquer non stop toute nouvelle formation qui ne sera pas décidée par lui-même. Évidemment, comme d’habitude, il n’assume pas ses responsabilités et c’est TOUJOURS la faute des autres. Plusieurs candidats au poste de premier ministre ont jeté l’éponge à cause de son entêtement. Le pays est déjà en faillite mais, il croit ( mal conseillé ?) que son entêtement c’est du courage et de la volonté alors que c’est tout simplement une bêtise monumentale et un crime envers les libanais. Merci pour la publication

    LE FRANCOPHONE

    11 h 42, le 14 août 2021

  • HAHAHAHAHA ! une fois n'est pas coutume, j'ai tres bien commence ma journee a imaginer le "face a cul" du duo aoun & diab. vraiment tres drole de les imaginer se creper le chignon -quoique le pres n'en a presque plus - ceci dit, Me Rizk Zgheib semble insister sur l'anti constitutionnalité du refus de diab vs la demande aoun , alors qu'il oublie combien ce dernier en a commis depuis 1988. mais bon je suis habitue a de telles errances. MAIS L'ESSENTIEL est de rappeler a m. zgheib que lois & constitutions sont faites pour etre lues,assimilees et appliques par des personnes Honnetes & consciencieuses, pad par nos irresponsables mafieux.

    Gaby SIOUFI

    11 h 08, le 14 août 2021

  • Un grand plaisir de citer les personnalités qui apportent leur expertise. Dans la mesure où la politique n'a jamais été le point fort du Liban et des Libanais, il ne serait pas bête de laisser (beaucoup) plus de place aux sciences humaines et sociales dans l'analyse de la situation que vit le pays

    Georges Olivier

    10 h 56, le 14 août 2021

  • La question est simple faut il prendre le reste de l argent des déposants et là le Liban est mort pour mille ans ou résister et attendre un hypothétique gouvernement retardé par le gendre et le beau-père ?

    PROFIL BAS

    09 h 48, le 14 août 2021

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