Détournements de camions-citernes, coupures de routes... La colère des Libanais explose

C’est un franc chaos qui prévaut désormais au Liban. Hier, les incidents se sont multipliés partout dans le pays, à l’heure où la pénurie de carburant qui perdure depuis plusieurs mois risque de s’aggraver avec la levée des subventions sur les hydrocarbures annoncée mercredi et le flou qui entoure l’application de cette mesure. Des citoyens excédés et que rien ne semblait pouvoir calmer se sont, dans ce contexte, mis à détourner des camions-citernes chargés de fuel pour alimenter les groupes électrogènes de quartiers et villages qui n’arrivent plus à fonctionner faute de mazout. De nombreuses routes étaient parallèlement bloquées par des manifestants en colère et nombre de restaurants, commerces et entreprises annonçaient la cessation temporaire de leur activité, la fermeture d’une branche ou l’arrêt de la climatisation, faute de carburant pour faire tourner les générateurs. En somme, une ambiance d’effondrement total règne dans le pays.

C’est donc par crainte d’une augmentation folle des prix de l’essence et du mazout, mais aussi à cause de leur frustration de voir passer sous leur nez des camions chargés de fuel alors qu’ils sont privés d’électricité, que les Libanais sont descendus dans la rue hier pour exprimer leur colère et leur désarroi. Des axes routiers ont ainsi été bloqués aux différentes entrées de Beyrouth, à Dora et Jnah.

Des manifestants ont temporairement empêché la circulation le long de la route Chtaura-Masnaa et des agriculteurs de Qaa ont pour leur part bloqué la route principale du village, afin de protester contre le rationnement de mazout imposé à leur filière. À Tripoli, au Liban-Nord, où de nombreuses routes ont été coupées, des riverains se sont rués sur un camion-citerne, arrêté par un groupe d’hommes, pour remplir leurs bidons en plastique d’essence. Ce nouveau phénomène s’est aussi produit au Akkar, toujours dans le Nord, à Baysariyyé, à Nabatiyé et à Kfarremmane, dans le Sud, mais aussi dans la banlieue de Beyrouth, sur la route de l’aéroport. En l’absence de nouveaux tarifs, la plupart des stations-service du pays étaient fermées, tandis que des files interminables d’automobilistes se pressaient devant les quelques établissements encore ouverts.

Risques sécuritaires accrus

Interrogé par L’Orient-Le Jour, un responsable au sein des Forces de sécurité intérieure (FSI) a évoqué des « risques sécuritaires » au cas où la crise perdurait. « Les incidents auxquels nous assistons (la prise d’assaut de camions citernes, NDLR) ne se produisaient jamais auparavant. Ils sont dus à la dégradation de la situation dans le pays et peuvent devenir dangereux », prévient ce militaire, sous le couvert de l’anonymat. « Nous avons ouvert des enquêtes concernant les incidents survenus, notamment au sujet de la réquisition de camions-citernes, et procédé à de nombreuses arrestations. Nous avons peur que les propriétaires de camions-citernes ne commencent à éviter les régions éloignées de la capitale, de crainte d’être attaqués, ce qui accentuera encore plus la crise des hydrocarbures », ajoute-t-il.