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Société - Port / Enquête

Les entraves possibles à la levée des immunités parlementaires

Selon un expert, le Parlement pourrait contourner la requête du juge Bitar en décidant de déférer les députés et ex-ministres concernés devant la Haute Cour de justice chargée de juger les responsables.

Les entraves possibles à la levée des immunités parlementaires

La double explosion au port de Beyrouth, le 4 août. Anwar Amro/Archives AFP

La demande de levée de l’immunité parlementaire des trois députés et ex-ministres Nouhad Machnouk, Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter, formulée vendredi par le juge d’instruction près la Cour de justice Tarek Bitar, chargé de l’enquête sur la double explosion du 4 août, a été transmise hier au bureau du Parlement par la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm. Celle-ci l’avait réceptionnée du parquet de cassation, lui-même notifié vendredi par le magistrat. Reste à savoir si cette requête sera satisfaite, d’autant que MM. Khalil et Zeaïter avaient en décembre dernier contourné une demande similaire du premier juge en charge de l’enquête, Fadi Sawan. Ces deux députés, proches de Nabih Berry, avaient alors invoqué le non-respect par le juge Sawan de la procédure nécessaire à l’engagement des poursuites avant de le faire récuser par la Cour de cassation pénale pour suspicion légitime quant à son impartialité.

C’est désormais au chef du législatif, Nabih Berry, de convoquer le bureau du Parlement et la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, présidée par Georges Adwan (Forces libanaises). Ils doivent examiner la requête du juge Bitar, puis, selon la loi, transmettre leur rapport à la Chambre réunie en séance plénière dans un délai maximal de quinze jours. Mais les députés pourraient s’accorder un délai supplémentaire, indique à L’Orient-Le Jour le directeur de la Fondation Justicia, Paul Morcos, soulignant qu’en l’absence d’une loi sur la durée de la prolongation, le délai doit être « raisonnable ». Les levées d’immunité doivent être votées à la majorité relative des députés présents, précise l’avocat.

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« Nous allons fournir tout le soutien nécessaire pour avancer dans la procédure légale des levées d’immunité », affirme à L’OLJ Georges Adwan. Une déclaration à interpréter comme une volonté d’empêcher les tentatives potentielles des députés concernés et de leur camp politique d’échapper aux poursuites. Pourtant, selon Kassem Hachem, député berryste, il ne devrait pas y avoir cette fois d’obstacle aux levées d’immunité. « Nabih Berry a été clair : tant que la requête judiciaire se conforme aux règles légales, le Parlement y donnera suite », affirme-t-il à L’OLJ, rappelant qu’« aussitôt les décisions du juge d’instruction annoncées, MM. Khalil et Zeaïter avaient suggéré de comparaître sans attendre l’autorisation du Parlement ». « Ils pourraient toujours le faire si M. Bitar y consent », avance encore M. Hachem. Un parlementaire souhaitant rester anonyme estime que de toute manière, « la pression des proches des victimes et de l’opinion publique ainsi que l’approche de la date des élections législatives (mai 2022) semblent inquiéter les députés et les encourager à se plier aux mécanismes légaux, d’autant que se dessinent des ébauches d’alternatives lors de cette prochaine échéance électorale ».

Et si le Parlement refusait de lever l’immunité des députés ? « Le juge d’instruction ne pourra pas les interroger », explique Paul Morcos, qui précise qu’« il devra attendre la fin de la session parlementaire pour pouvoir les convoquer sans autorisation ». La session devait normalement s’achever en mai dernier, mais tant que le gouvernement est démissionnaire, elle se poursuit en attendant la formation d’un nouveau cabinet. « Pendant toute la durée de la session, un député ne peut être poursuivi ou arrêté qu’avec l’autorisation de la Chambre, sauf s’il est pris en flagrant délit », note Me Morcos.

Crimes pénaux

L’avocat redoute par ailleurs que « le Parlement soit tenté d’invoquer l’article 70 de la Constitution qui lui permet de se saisir lui-même de l’affaire pour rejeter la demande de M. Bitar ». La qualité d’ex-ministres des députés Machnouk, Khalil et Zeaïter serait ainsi mise en avant pour les faire « bénéficier » dudit article qui donne le droit à la Chambre de mettre en accusation les ministres pour manquement grave aux devoirs de leur charge devant la Haute Cour de justice chargée de juger les présidents et les ministres. « Je crains que la loi ne soit interprétée de manière extensive en vue de contourner la compétence du juge d’instruction », indique Me Morcos, qui estime que « cette juridiction exceptionnelle ne concerne pourtant que les actes commis dans le cadre de l’exercice des fonctions ministérielles, à l’exclusion des crimes pénaux comme dans le dossier de la double explosion au port ».

Dans le cas où le Parlement déciderait de se saisir de l’affaire, le juge d’instruction serait déclaré incompétent, tandis que les chances que les trois députés fassent l’objet d’un recours sont très minimes. Une telle décision nécessiterait en effet un vote des deux tiers de l’Assemblée, un chiffre qui s’avère impossible à atteindre vu les alliances politiques. La Haute Cour de justice n’a d’ailleurs jamais procédé au jugement d’un ministre.

La demande de levée de l’immunité parlementaire des trois députés et ex-ministres Nouhad Machnouk, Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter, formulée vendredi par le juge d’instruction près la Cour de justice Tarek Bitar, chargé de l’enquête sur la double explosion du 4 août, a été transmise hier au bureau du Parlement par la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm. Celle-ci...

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