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Moyen-Orient - Éclairage

La communauté LGBTQ+ de nouveau prise pour cible en Turquie

La police d’Istanbul a arrêté samedi plus de vingt personnes rassemblées pour participer à la Marche des fiertés interdite par les autorités locales.

La communauté LGBTQ+ de nouveau prise pour cible en Turquie

Des manifestants interpellés par la police lors de la Marche des fiertés à Istanbul, en Turquie, le 26 juin 2021. Bulent Kilic/AFP

C’est un scénario bien connu de la communauté LGBTQ+ turque. Chaque année depuis 2015, ses membres bravent l’interdiction des autorités locales pour réclamer leurs droits à l’occasion de la Marche des fiertés organisée à travers le monde, non sans risques. « Beaucoup d’entre nous ont été gravement blessés par la police. J’ai eu de la chance de m’en tirer avec seulement quelques bleus et égratignures », confie Alaz Ada Yener. Ce samedi à 16h, la marche prévue dans le centre d’Istanbul n’a pas encore commencé que le jeune homme de 23 ans est frappé et arrêté aux côtés de 17 autres personnes. L’événement est prévu à 17h, mais la police barricade la zone dès le début de la journée pour empêcher les manifestants d’y accéder. « On y est donc allés vers 13h pour être sûrs de pouvoir y entrer », explique ce bénévole au sein de l’organisation turque Lambdaistanbul, qui lutte pour la libéralisation du statut des homosexuels.

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Assis dans le bar d’une rue située tout près de l’avenue Istiklal, rue principale du quartier central de Taksim – qui abritait avant 2015 la Gay Pride – Alaz Ada Yener et d’autres sont pris à partie par la police qui leur demande de se disperser. Or, ces derniers refusent, la police décide alors de les réprimer. « Nous étions installés dans des cafés sans slogans ni drapeaux et la police nous a quand même attaqués. Parce que l’existence même de notre communauté les dérange, dénonce Cüneyt Yılmaz, activiste de 37 ans. L’État ne peut même pas tolérer que nous soyons dans la sphère publique. »

« Contraire à l’ordre constitutionnel »

Les policiers passent à tabac des activistes, et parviennent à en menotter certains et à les emmener en bus au poste de police. « J’ai été détenu alors que j’essayais d’aider une amie, puis une artiste de danse moderne frappée au sol là où elle se produisait », témoigne Alaz Ada Yener qui passe alors la journée en garde à vue. Les policiers ne commettent pas de nouvelles violences lors de sa détention, mais le menacent et l’insultent toute la journée, avant de le libérer vers 22h30.

Des violences qui ne datent pas d’hier. Suite au vif succès de la Marche des fiertés de 2014, qui avait alors rassemblé plus de 100 000 personnes à Istanbul, les autorités turques ont décidé d’interdire cette manifestation annuelle. Depuis, les membres de la communauté LGBTQ+ ont continué à célébrer l’événement, s’attirant les foudres de la police. « Les violences de samedi étaient cependant plus graves que celles des années précédentes, estime Alaz Ada Yener. Elles démontrent une attitude plus hostile envers les personnes LGBTQ+ et nos droits à exister dignement. » Selon les médias turcs, au moins 20 personnes auraient été arrêtées en marge des manifestations. La police aurait notamment fait usage de gaz lacrymogène et de balles en plastique pour réprimer les militants répartis dans plusieurs quartiers d’Istanbul. Cependant, « aucune image des arrestations n’a été diffusée sur les chaînes de télévision turques », dénonce Cüneyt Yılmaz.

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Quelques jours plus tôt, les autorités avaient déjà fait preuve de violence à l’égard des membres de la communauté LGBTQ+. Mardi dernier, la police d’Istanbul a arrêté une personne après que le bureau du gouverneur du district ait interdit un pique-nique organisé dans le cadre de la semaine de la fierté, a rapporté le média truc Diken. « La police est entrée dans le parc et a arrêté tout le monde dans la violence, explique Cüneyt Yılmaz. L’un de nos amis a même eu le bras cassé. » Officiellement, les autorités ont justifié l’interdiction de la marche, l’estimant « contraire à l’ordre constitutionnel, à la santé générale et à la moralité ». « Je pense que le gouvernement adopte cette position incroyablement hostile, car il punit tous ceux qui ne se conforment pas à leur idéologie nationaliste extrémiste », fustige un étudiant de l’Université du Bosphore et activiste LGBTQ+ ayant requis l’anonymat.

Des fins politiques

La montée en puissance des arrestations et des attaques verbales du gouvernement à l’égard de cette communauté est vue par de nombreux Turcs comme le moyen de décrédibiliser les mouvements d’opposition au pouvoir qui sont soutenus par des personnes LGBTQ+. Début février, quatre étudiants de l’Université du Bosphore appartenant à cette communauté avaient été arrêtés en marge des manifestations contre la nomination par le reïs turc d’un de ses proches comme recteur de cette prestigieuse université. « Je pense qu’une partie de la population a une haine envers nous, bâtie sur des préjugés et de l’homotransphobie. Le gouvernement utilise cela pour inciter à la violence contre nous à des fins politiques », estime Alaz Ada Yener. Il y a quelques semaines, le ministre de l’Intérieur Süleyman Soylu avait qualifié les personnes LGBTQ+ de « dégénérés ». Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait de son côté appelé à ne pas écouter « ces lesbiennes, ou je ne sais quoi ».

Selon l’Association internationale lesbienne et gay (ILGA) documentant les droits des personnes LGBTQ+, la Turquie figurait en 2020 à la 48e place sur 49 dans la région Eurasie. Malgré ce chiffre, les militants comptent cependant bien continuer année après année à participer à la Marche des fiertés. « Il faut se disputer avec la police, avec sa famille, avec les commerçants, en somme avec tout le monde pour affirmer qui l’on est. Mais nous n’avons jamais eu peur de mener ce combat, les rues sont à nous », assure Cüneyt Yılmaz.

C’est un scénario bien connu de la communauté LGBTQ+ turque. Chaque année depuis 2015, ses membres bravent l’interdiction des autorités locales pour réclamer leurs droits à l’occasion de la Marche des fiertés organisée à travers le monde, non sans risques. « Beaucoup d’entre nous ont été gravement blessés par la police. J’ai eu de la chance de m’en tirer avec...

commentaires (1)

Je me demande pourquoi les États autorisent cette “marche des fiertés “. Fier de quoi?

Hughes Leroy

13 h 57, le 28 juin 2021

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Commentaires (1)

  • Je me demande pourquoi les États autorisent cette “marche des fiertés “. Fier de quoi?

    Hughes Leroy

    13 h 57, le 28 juin 2021

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