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Culture - Exposition

Se réinventer, ensemble, de dix-sept manières différentes

Après une destruction quasi totale, suite à l’explosion du 4 août, la galerie Tanit rouvre ses portes et présente une exposition collective qui rassemble des artistes résidents au Liban. « Togetherness », ou comment peut-on à travers l’art redéfinir le concept de la solidarité et de la communauté.

Se réinventer, ensemble, de dix-sept manières différentes

Caroline Tabet et Clémence Cottard Hachem ont réalisé une œuvre à quatre mains et se sont penché sur les cosmogonies des plantes pionnières du Liban. Photo Dimitri Nassar

Être ensemble suppose de réfléchir et de créer ensemble. Sortir, par le haut, de ce chaos dans lequel nous ont plongés le Covid-19, la crise économique et la tragédie du 4 août, exige beaucoup de réflexion, d’introspection, de projection et d’imagination pour transcender les épreuves et redessiner un monde nouveau. Être ensemble suppose de développer l’envie de se réinventer dans tous les domaines. Être ensemble signifie être ouvert à la complémentarité pour rétablir la conversation, et permettre plus de croissance, profiter du processus en partageant une expérience enrichissante et alléger le poids des épreuves que nous traversons. Sous le thème de Togetherness (Vivre ensemble), dix sept artistes ont été choisis pour présenter un projet, avec comme critère-clé de la sélection : qu’ils résident au Liban. Dix-sept approches différentes et dix-sept langages artistiques différents pour décrire, questionner, défier et embrasser, chacun par sa propre interprétation, l’idée du vivre ensemble. L’exposition collective qui marque la réouverture de la galerie Tanit à Mar Mikhaël, après une destruction quasi totale suite à l’explosion du 4 août, rassemble les œuvres de Alaa Itani, Bettina Khoury Badr, Caroline Tabet & Clémence Cottard Hachem, Christian Sleiman, Christine Kettaneh, Cristiana de Marchi, Élias Nafaa, Eliesh, Jeanne et Moreau, Laetitia Hakim & Tarek Haddad, Manar Ali Hassan, Mayssa el-Khoury, Noël Nasr & Cliff Makhoul, Rayane Raidi, Sara Sehnaoui, Tarek Mourad et Zeina Aboul Hosn. À signaler, par ailleurs, la fresque murale de Chafa Ghaddar, devenue œuvre permanente à la galerie.

À chaque visiteur de s’imprégner des travaux, de se laisser émouvoir et de réfléchir à la thématique proposée. Sans vouloir amoindrir l’importance de l’ensemble des œuvres exposées, L’Orient-Le Jour vous propose ses trois coups de cœur.


Une œuvre signée Laetitia Hakim et Tarek Haddad. Photo Dimitri Nassar

La nature et son intelligence poétique

L’une est photographe et vidéaste, l’autre est chercheuse et historienne de la photographie. Caroline Tabet et Clémence Cottard Hachem ont réalisé une œuvre à quatre mains et se sont penché sur les cosmogonies des plantes pionnières du Liban.

Pour elles, la mauve, le cyclamen et le coquelicot réunissent tous les mythes et les usages médicinaux ainsi que des histoires qui s’articulent autour. Leur recherche tend à démontrer la nécessité d’être dans une anthropologie élargie des choses et à considérer tous les êtres vivants sur terre pour démontrer à quel point les choses sont reliées.

Leur projet est constitué de trois leporellos. Le leporello, également appelé livre accordéon, ou encore livre frise, est un livre qui se déplie comme un accordéon grâce à une technique particulière de pliage et de collage de ses pages. « Partant de ce que Marguerite Yourcenar appelait les grandes diagonales, précise Clémence Hachem, une cosmogonie réelle et imaginaire est déclinée autour de chaque plante. C’est ainsi que l’on va découvrir que les oreilles étaient soignées par le cyclamen, que ce même cyclamen avait la forme organique du cœur, que la mauve était capable de soigner toutes les maladies. Ce retour à la nature dans une approche écologique et la puissance de la poésie, nous a confirmé que la nature était parlante et qu’elle possède une grande forme d’intelligence poétique. » Pour démontrer « les possibilités photographiques d’une plante », les deux artistes ont eu recours à un procédé très ancien utilisant l’empreinte du soleil avec ses possibilités photo sensibles. Elles ont recueilli du jus de fleurs ou de plante et ont tiré des photos en argentique. Pour elles, la terre, le feu, l’air et l’eau s’imbriquent pour créer nos imaginaires collectifs et personnels.


Une fresque murale intitulée « Le cinquième mois » de l’artiste Chafa Ghaddar. Photo Dimitri Nassar


Un horizon les sépare

Ils collaborent ensemble depuis 2019. Laetitia Hakim a étudié l’architecture et la photographie, ce qui lui a permis d’appréhender dans son travail la notion de l’environnement des villes et son impact sur l’être humain ainsi que le sens intrinsèque du chez-soi. Tarek Haddad, installé en France depuis peu, a d’abord fait ses premiers pas dans l’informatique avant de se tourner vers la photographie. Son approche artistique questionne la relation entre l’homme et son environnement à l’échelle tant personnelle qu’individuelle et collective. Alors qu’ils sont séparés depuis quelque temps, le projet Togetherness a porté les deux artistes à réfléchir la notion d’être ensemble aujourd’hui. Alors, confie Laetitia, « l’idée que la mer était l’élément qui nous séparait est apparue comme une évidence et le projet est parti du fait que nous étions éloignés physiquement l’un de l’autre, mais réunis par la pensée. Nous avons donc imprimé une image de la mer libanaise sur un tissu double avant de l’étirer entre deux éléments en bois, autant que ses capacités textiles le permettaient, en nous posant les questions suivantes : pourrions-nous un jour être à nouveau réunis ? Et si nous lâchions le tissu étiré, reprendra-t-il sa forme initiale et notre relation avec ? Ou va-t-il s’adapter à une nouvelle forme de vie et rien ne sera plus comme avant ? ».

« Le cinquième mois »

À l’entrée de la galerie, sur un mur mitoyen qui fut témoin et probablement victime de la tragédie du 4 août, une fresque murale intitulée Le cinquième mois de l’artiste Chafa Ghaddar a été dévoilée. Elle représente l’étape de gestation au cinquième mois. « Elle est, confie l’artiste, une étape à mi-chemin entre la grossesse, l’accouchement et symbolise métaphoriquement la protection et le partage. »

Cette intervention publique a été initiée par l’artiste et dédiée à la galerie et au quartier de Mar Mikhaël, car « il y a encore des choses qui méritent d’être célébrées », estime la propriétaire de la galerie Naila Kettaneh Kunigk avant d’ajouter : « Sans l’envie de vivre ensemble, de créer, de développer des projets et des idées côte à côte, tout en laissant à chacun sa sensibilité et ses manières de formuler, le progrès n’est pas possible. Nous reconstruisons ensemble. »

Ainsi soit-il...

« Togetherness », à la galerie Tanit jusqu’au samedi 7 août 2021.

Horaires d’ouverture : du lundi au vendredi de 11h00 à 19h00.

www.galerietanit.com

Être ensemble suppose de réfléchir et de créer ensemble. Sortir, par le haut, de ce chaos dans lequel nous ont plongés le Covid-19, la crise économique et la tragédie du 4 août, exige beaucoup de réflexion, d’introspection, de projection et d’imagination pour transcender les épreuves et redessiner un monde nouveau. Être ensemble suppose de développer l’envie de se réinventer...

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