Dans un discours virulent, dans lequel il s'est penché sur les défis de l'armée libanaise dans le cadre de la crise socioéconomique et financière actuelle, le commandant en chef de la troupe, le général Joseph Aoun, a interpellé lundi les dirigeants libanais et leur a demandé ce qu'ils comptaient faire pour lutter contre l'effondrement du pays, affirmant avoir préalablement mis en garde contre une situation "explosive". Lors d'une réunion avec des cadres militaires, il a déploré que le budget de la troupe est toujours plus réduit d'année en année et que les militaires "comme le peuple souffrent et ont faim". Le général Joseph Aoun a encore dénoncé des "campagnes" politiques et médiatiques lancées contre l'armée par "certaines parties" qu'il n'a pas nommées.
Soulignant lors d'une réunion avec les chefs d'état-major et des commandants d'unités que le pays se trouve "dans une situation très dangereuse", enfoncé dans une crise économique, sociale et politique, il a assuré que l'armée "continuerait à accomplir ses missions" pour préserver la sécurité.
"Le pays entier souffre à cause de la situation économique actuelle. Tout comme le peuple, les militaires souffrent et ont faim, et leurs salaires ont également perdu de leur valeur", a déclaré le commandant en chef, estimant que le blocage politique que connaît le pays a "des répercussions négatives à tous les niveaux et surtout au niveau économique". Le général Joseph Aoun a toutefois démenti des informations qui avaient circulé dans la presse ces dernières semaines concernant des désertions au sein de l'armée en raison de la crise économique. "Où allons-nous ? Qu'attendez-vous ? Que comptez-vous faire ?" face à la crise, a-t-il lancé à l'attention des responsables", rappelant avoir plusieurs fois mis en garde contre une reprise des manifestations et une "explosion" de la situation. "Voulez-vous une armée qui peut se tenir sur ses deux pieds ou pas ?", a-t-il ajouté, déplorant le fait que, chaque année, le budget de la troupe baisse, ce qui "impacte négativement sur le moral des militaires". "Nous avons beaucoup discuté de cette question avec les responsables concernés, sans résultat. L'armée et les souffrances des militaires ne les intéressent pas !", a-t-il regretté. "Nous n'accepterons aucune atteinte à nos droits", a-t-il affirmé, soulignant que l'Etat avait "l'obligation" de respecter ces droits, entre autres en assurant les soins de santé aux militaires et à leurs familles.
Le général Joseph Aoun, qui a évoqué une "politique d'austérité" mise en place depuis plusieurs années par l'armée libanaise pour éviter la crise, a par ailleurs répondu aux "campagnes" lancées contre la troupe, comme celles qui critiquent le fait qu'elle accepte des donations de plusieurs pays étrangers. "Sans ces aides, la situation aurait été bien pire", a-t-il déclaré, soulignant que les militaires "en avaient grand besoin".
Campagnes politiques et médiatiques
Il a également dénoncé d'autres "grandes campagnes" politiques et médiatiques menées contre l'armée. "Certains voudraient que l'armée soit plus docile, mais tant que je serai là, cela n'aura pas lieu. La troupe est une institution qui a ses particularités et il est interdit de s'ingérer dans ses affaires internes", a-t-il déclaré, soulignant que cela "dérange certaines parties". "Nous n'accepterons pas que l'armée soit un défouloir pour qui que ce soit", a-t-il encore indiqué, affirmant avoir "la conscience tranquille" et n'avoir "aucun objectif caché". Le but de ces attaques, selon le commandant en chef, est de porter atteinte à l'armée et de nuire à sa réputation. "Nous ne permettrons pas que ces campagnes impactent notre moral et notre mission", a-t-il toutefois garanti.
Le général Joseph Aoun a par ailleurs déploré que l'on demande aux militaires d'accomplir des missions qui ne relèvent normalement pas de leurs compétences et d'"assumer les responsabilités d'autres institutions sécuritaires", notamment au niveau des frontières, dans le cadre du suivi des explosions du 4 août, ou en ce qui concerne l'encadrement des manifestations. En ce qui concerne la surveillance de la frontière avec la Syrie, il a souligné le gros travail fourni par les militaires, qui ont pu "limiter les opérations de trafic" malgré le terrain difficile. Au sujet des manifestations qui ont repris en force dans tout le pays depuis une semaine, en réaction à la chute record de la livre libanaise, le général Aoun a souligné être "en faveur de la liberté d'expression pacifique, qui est consacrée dans la Constitution et les conventions internationales, mais nous nous opposons aux attaques contre les biens publics et privés et ne permettrons aucune atteinte à la stabilité et à la paix civile", a-t-il ajouté. Concernant la question des négociations sur la délimitation de la frontière maritime entre Israël et le Liban, Joseph Aoun a rappelé que le rôle de l'armée y est "technique et limité". "Nous voulons parvenir à une solution qui protège nos droits et nos ressources", a-t-il poursuivi.
AU COMMANDANT JOSEPH AOUN JE POSERAIS LA MEME QUESTION. QUE COMPTE=T=IL FAIRE POUR SAUVER LE LIBAN ?
21 h 38, le 09 mars 2021