Dans un entretien fleuve accordé au magazine de la Sûreté générale, le président libanais, Michel Aoun, a une nouvelle fois défendu son bilan à la tête de l'Etat, près d'un an avant la fin de son mandat, rejetant la responsabilité des échecs en cours sur ses adversaires, sans les nommer. Le chef de l'Etat a ainsi estimé une nouvelle fois qu'un "système" en place empêche la lutte contre la corruption et la sortie du Liban de la grave crise socio-économique qui le frappe depuis bientôt deux ans. Il a toutefois promis de recouvrer l'Etat des mains de ceux qui le corrompent.
Commentant dans ce contexte l'impasse gouvernementale en cours, alors que le pays est sans cabinet actif depuis bientôt dix mois, Michel Aoun a affirmé avoir "présenté toutes les facilités" pour la naissance de ce gouvernement, rejetant ainsi la responsabilité sur le Premier ministre désigné, Saad Hariri, avec qui il entretient des relations politiques et personnelles qui ne cessent de se détériorer.
Corruption et bonne gouvernance
"Nous avons pu accomplir de nombreux exploits politiques et économiques, mais ils ont malheureusement été éclipsés par la crise actuelle. Il s'agit notamment de la nouvelle loi électorale pour les législatives, du lancement des travaux de forage pour l'exploitation des hydrocarbures, de la victoire contre le terrorisme, de la stabilité sécuritaire, du vote de budgets pour la première fois depuis 2005, ainsi que du pourvoi des postes diplomatiques vacants", a énuméré le président.
"Jusqu'au dernier instant de mon mandat, j’œuvrerai, avec ce qui reste de personnes dignes dans ce pays, à recouvrer l'Etat des mains de ceux qui l'ont miné par la corruption et qui ont sapé les bases de la bonne gouvernance", a promis le chef de l'Etat.
"Character assassination"
Revenant sur la crise financière aiguë que connaît le pays, et qui a plongé plus de la moitié de la population sous le seuil de la pauvreté, le président a pointé du doigt "un système" qu'il tient pour responsable. "Certains auteurs de l'effondrement financier criminel sont encore au pouvoir et tentent désespérément d'échapper à la reddition des comptes", a estimé M. Aoun.
Le chef de l'Etat et le parti qu'il a fondé, le Courant patriotique libre (CPL) dirigé par son gendre Gebran Bassil, sont régulièrement taxés de corruption par leurs adversaires et par une frange considérable de la population. Des accusations rejetées par les intéressés qui affirment être empêchés de lutter contre cette corruption. "Le système corrompu est enraciné en politique et en dehors de celle-ci", a estimé M. Aoun, dont le camp politique est pourtant au pouvoir depuis une quinzaine d'années. Il a aussi affirmé que M. Bassil était la cible de diffamations contre sa personne, utilisant l'expression anglaise "character assassination".
Gouvernement
Le président Aoun a en outre évoqué la formation du gouvernement, un dossier qui se trouve plus que jamais dans l'impasse, malgré les tentatives de médiations du président du Parlement, Nabih Berry.
"Il y a des difficultés intérieures et extérieures, comme je l'ai déjà dit", a rappelé M. Aoun. "Pour ma part, en tant que chef de l'Etat, j'ai œuvré, depuis la désignation du Premier ministre Saad Hariri, à apporter toutes les facilités nécessaires à la formation du gouvernement, le plus vite possible", a insisté le chef de l'Etat."Mais le Premier ministre désigné n'a pas respecté le principe de partenariat prévu par le Pacte national et les prérogatives du chef de l'Etat dans ce processus ont été outrepassées", a-t-il estimé. "Aujourd'hui, tout le monde doit faire des concessions. Il nous faut une vraie prise de conscience pour accélérer la naissance du gouvernement, en mettant de côté les calculs politiques étroits", a plaidé M. Aoun.
Elections
Il a enfin abordé la question des élections législatives prévues l'année prochaine. Une année durant laquelle le Parlement devra également élire un nouveau président, sans oublier la tenue des municipales qui doivent avoir lieu elles aussi en 2022. Plusieurs observateurs craignent qu'aucun de ces scrutins n'ait lieu en raison de la crise profonde dans le pays, alors même que ces derniers jours, plusieurs groupes parlementaires, notamment le CPL et le Courant du Futur de M. Hariri, laissent planer la menace d'une démission de la Chambre pour provoquer des législatives anticipées. De la surenchère politique, selon certains milieux.
"Je l'ai déjà affirmé à plusieurs reprises et je le répète : les élections législatives et municipales de 2022 se tiendront aux dates prévues", a promis le chef de l'Etat. "Si certains ont l'intention de bloquer la formation du gouvernement pour imposer une situation de fait accompli avant les élections, ceux-là portent ainsi atteinte au Liban et à son système démocratique", a estimé M. Aoun, dans une critique à peine voilée contre M. Hariri. "Je ne permettrai pas cela, car j'ai promis de protéger la Constitution et les lois libanaises en tant que président de la République", a conclu le chef de l'Etat.
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16 h 52, le 05 juin 2021