À l’heure où les rumeurs vont bon train concernant d’éventuelles démissions de certains blocs parlementaires et la possibilité d’organiser des législatives anticipées, les candidats des formations de l’opposition issues du soulèvement populaire du 17 octobre 2019 se disent prêts à relever le défi. Ces candidats potentiels, dont certains s’étaient présentés aux élections de 2018, risquent de faire de l’ombre aux partis traditionnels, sérieusement affaiblis par une crise économique et sociale sans précédent ainsi que par la contestation populaire qui a pointé du doigt les dysfonctionnements d’un système qui bat de l’aile. À condition d’être bien préparés pour faire face aux barons de la politique, rompus aux rouages des élections depuis des décennies, et qui n’hésiteront pas à tendre des pièges aux nouveaux venus.
Jad Dagher, président de l’assemblée générale du parti Sabaa, se dit « prêt à mener la bataille des législatives ». « Nous sommes parés à l’éventualité d’élections-surprises, nous nous préparons aussi vite que possible. Les partis au pouvoir pourraient penser qu’il serait dans leur intérêt de nous surprendre en organisant les élections au moment où nous ne nous y attendons pas, mais ils ne bénéficient plus de l’approbation de l’opinion publique et les Libanais contestent beaucoup leurs prises de position », analyse-t-il. « Nous prenons notre temps avant de nous lancer dans des alliances électorales, explique-t-il. Le but est de travailler avec d’autres groupes qui aspirent au changement, mais nous attendons d’avoir une vision un peu plus claire du paysage de l’opposition. Notre but est de nous présenter dans toutes les régions. En 2018, nous nous étions présentés aux élections, mais la situation était différente à l’époque. Ce scrutin a été un entraînement dont nous avons tiré les leçons. »
« Nous nous attendons à une percée au Parlement »
Même son de cloche du côté de Marc Daou, coordinateur du bureau politique du parti Takaddom, qui met également en garde contre les stratégies qui pourraient être déployées par les forces traditionnelles pour affaiblir l’opposition. « Soit les autorités vont essayer de tenir les élections le plus rapidement possible pour nous empêcher de nous organiser, soit elles vont essayer de les reporter », analyse M. Daou, candidat malheureux aux législatives de 2018. Il se prépare aujourd’hui à se présenter à nouveau, quelle que soit la date décidée pour les prochaines élections. M. Daou rappelle à L’Orient-Le Jour que Takaddom faisait partie des formations conviées à la réunion des forces de l’opposition tenue par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, lors de sa visite début mai à Beyrouth, et durant laquelle les législatives avaient été évoquées. M. Daou souligne par ailleurs que sa formation fait partie d’une coalition qui rassemble les groupes Khat Ahmar et Techrine, la formation Rebels ainsi que le parti Kataëb de Samy Gemayel et le Mouvement de l’indépendance de Michel Mouawad. Le parti travaille également avec le député démissionnaire Nehmat Frem. « Nous aspirons à être unis avec les autres grandes coalitions de l’opposition sur les mêmes listes électorales. Nous nous attendons à une percée au Parlement dans 4 ou 5 circonscriptions », dit-il, sans plus de précisions sur les circonscriptions dans lesquelles le parti pourrait se présenter.
Un deuxième front de l’opposition, formé de Tahalouf Watani – groupe mené par la députée démissionnaire Paula Yacoubian –, du Bloc national, de Menteshrin et de Beirut Madinati, prépare également ses candidats. « Nous nous préparons depuis un an au moins pour les prochaines législatives », confie Amine Issa, coordinateur politique du Bloc national, à L’OLJ. « Mais je ne pense pas que les partis au pouvoir soient prêts à mener la bataille électorale plus tôt que prévu », ajoute-t-il. « Nous sommes en train de former des alliances politiques avec ceux qui partagent les mêmes aspirations pour un État laïc et souverain », précise-t-il. M. Issa appelle par ailleurs à ne plus parler de groupes de la société civile, mais plutôt de mouvements et partis de l’opposition, car « la bataille est politique maintenant ». « Le nombre des déçus, dans le pays, ne cesse de croître, même au sein des partis traditionnels. C’est à nous de nous poser en tant qu’alternative critique. Nous verrons bien si les Libanais voteront pour les mêmes ou s’ils aspirent à un véritable changement », analyse-t-il.
Nécessité d’avoir un programme solide
Interrogé sur les scénarios possibles auxquels les nouvelles formations de l’opposition pourraient faire face, Ziyad Sayegh, expert en politiques publiques, lui-même militant au sein de la contestation, met en garde contre le fait que les autorités « pourraient essayer de ne pas organiser d’élections, tout simplement ». « Il faut également prendre en compte le fait que la loi électorale actuelle pourrait permettre aux mêmes personnes de revenir au Parlement, constate-t-il. L’opposition devra donc avoir un programme solide et se présenter sur des listes unifiées, mais pas forcément sur l’ensemble du pays. Les candidats de l’opposition vont devoir mener la bataille face à un État policier et face à des coalitions entre le pouvoir et les milices. » M. Sayegh rappelle par ailleurs que 51 % des électeurs avaient boycotté le scrutin de 2018. « Vont-ils voter cette fois-ci ? Et les 49 % qui restent, à qui accorderont-ils leurs votes ? Le défi, c’est que les gens votent pour le changement », souligne-t-il.
Ferris Wehbé, militant auprès des Libanais de la diaspora, assure pour sa part que le mouvement de la Coalition libanaise civique, qui rassemble de nombreux groupes opposés au pouvoir, dont des expatriés, n’a pas l’intention de se présenter aux élections. « La Coalition libanaise civique ne présentera pas de candidats aux législatives, mais elle travaillera à élargir les rangs de l’opposition au Liban et au sein de la diaspora », explique M. Wehbé à L’OLJ. « Si ce sont les mêmes qui vont superviser les élections, rien ne changera. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut baisser les bras. Nous devons continuer à préparer les prochaines législatives et insister pour que le Liban retrouve sa souveraineté et sa neutralité et que ce soit uniquement l’armée qui contrôle l’aspect sécuritaire dans le pays », insiste Ferris Wehbé.
Il faut à tout prix une alliance même tactique entre les forces souverainistes et les révolutionnaires. Il faut arrêter de savoir si la poule vient avant l’œuf ou vice-versa. La corruption et les armes illégales sont les 2 faces de la même médaille l’un protège l’autre et ne pourrait exister sans ce dernier.
18 h 11, le 03 juin 2021