Alors qu’elle était l’apanage des Forces libanaises qui préconisaient, il y a quelques mois déjà, la nécessité d’une démission au moins semi-collective du Parlement pour provoquer des élections législatives anticipées, cette option semble avoir fait du chemin depuis. Après le Courant patriotique libre (CPL) qui a évoqué cette possibilité, quoique timidement, il y a une semaine, c’était au tour du courant du Futur de lui emboîter le pas mardi. Le bloc haririen a en effet envisagé cette option qu’il a liée à celle de la récusation du Premier ministre désigné Saad Hariri si le bras de fer entre Baabda et la Maison du Centre autour de la formation du gouvernement devait persister. Cette hypothèse, qui constitue une solution radicale, supposerait également la création d’un gouvernement transitoire qui aurait pour unique fonction d’organiser des élections anticipées. Autant de pistes qui restent, pour l’heure, très aléatoires et qui ressemblent plus à des menaces camouflées qu’à une volonté réelle de renverser la table déjà branlante.
Largement conspués depuis la révolution du 17 Octobre, les partis traditionnels ne semblent pas vraiment prêts à remettre leur légitimité en jeu. Certains pourraient toutefois faire le calcul qu’ils auraient peut-être moins à perdre aujourd’hui que dans un an, considérant le fait que l’opposition n’est pas encore prête. L’option ressemble toutefois à un pari hasardeux que certains partis assument ne pas vouloir prendre. C’est le cas du Parti socialiste progressiste (PSP), mais également du tandem chiite Amal-Hezbollah. « Celui qui veut démissionner ne menace pas de le faire, mais s’exécute immédiatement », lance Bilal Abdallah, député du bloc joumblattiste. Pour le PSP, c’est sans aucun doute une « manœuvre » politique qui vise à inverser les priorités. « Celui qui parle de démission veut dire en même temps qu’il ne veut pas de gouvernement. La question est de savoir quelle est l’option la plus urgente aujourd’hui : la reconstitution du pouvoir ou le redressement d’une situation économique en lambeaux? » s’interroge le parlementaire, selon qui il s’agit d’un nouvel arsenal que aounistes et haririens utilisent dans leur « guerre d’élimination ».
« Ce n’est pas un choix que l’on considère sérieusement »
Toute démission proche ou lointaine, qu’elle soit limitée à un ou deux blocs ou quasi collective, supposerait au moins plusieurs mois de préparatifs avant que les autorités ne puissent organiser des élections, partielles – une option peu réaliste du point de vue des délais – ou anticipées. Cela signifierait que la mise en place d’un gouvernement chargé des réformes et du redressement de la situation économique serait encore reportée.
Conscients qu’ils ont créé un emballement qu’eux-mêmes ne sont pas prêts à gérer, le CPL et le courant du Futur cherchent désormais à tempérer les ardeurs. « Ce n’est pas un choix que l’on considère sérieusement. Nous ne l’avons même pas évoqué mardi lors de la réunion du bloc », confie le député Mario Aoun (CPL) à L’Orient-Le Jour. Il laisse toutefois entendre que si les aounistes ne feront pas le premier pas, ils pourraient suivre si le courant du Futur décidait de démissionner. Il y a deux jours, le député CPL Alain Aoun avait bien précisé qu’il s’agit d’un « second choix », la priorité devant être accordée pour l’heure à la formation du gouvernement. Du côté haririen, c’est avec la même réserve que cette question a été abordée. À part son vice-président, Moustapha Allouche, qui a effleuré cette éventualité il y a deux jours, le courant du Futur ne s’est pas officiellement exprimé sur ce sujet. Selon des fuites médiatiques vraisemblablement voulues, Saad Hariri l’aurait évoqué lors de la réunion du bloc mardi soir comme une option ultime. On laisse toutefois entendre, dans ces milieux, que Saad Hariri ne souhaite pas contrarier le chef du législatif, opposé à cette éventualité et actuellement au cœur des tractations gouvernementales puisqu’il cherche à jouer les médiateurs entre les deux parties.
Le CPL aurait les mêmes considérations à l’égard du Hezbollah qui ne veut pas non plus en arriver là. Le parti chiite a d’ailleurs conseillé à Gebran Bassil de patienter et de ne pas se ruer dans cette direction. Selon une source proche des deux partis chiites, la question a été évoquée par le tandem, mais uniquement sous l’angle d’un choix extrême qu’il pourrait prendre seulement une fois qu’auraient été épuisées toutes les autres options. Le chef du législatif, qui avait juré que le Parlement continuerait de fonctionner, même avec deux ou trois députés, serait probablement acculé à revoir ses calculs dans le cas de figure où le CPL et les FL, les deux composantes chrétiennes principales, se retireraient. Cela constituerait en effet une atteinte au pacte national dont se prévaut sans cesse Nabih Berry.
Renversement des équilibres
Des élections anticipées pourraient redistribuer les cartes et générer potentiellement un nouvel équilibre au sein du Parlement. Les aounistes aussi bien que les haririens craignent aujourd’hui d’autant plus le vote populaire qu’ils sont accusés d’avoir échoué à s’acquitter de la tâche la plus élémentaire depuis plus de sept mois : la mise en place d’un cabinet susceptible d’extirper les Libanais de leur cauchemar. Un argument suffisant pour égratigner leur image aux yeux d’un bon nombre d’électeurs que l’esprit de la contestation a déjà gagnés.
Or, à part les Forces libanaises et les Kataëb, les seuls partis traditionnels à ne pas se sentir véritablement menacés par les urnes dans la mesure où ils ont rallié relativement tôt le camp de l’opposition, les autres formations ne semblent pas disposées à s’aventurer sur ce terrain. Même si certains instituts de sondage estiment que les partis n’y perdront pas autant de plumes que l’on pourrait le penser, le fait de s’engager sur cette voie dans un contexte aussi explosif offre peu de garanties. Selon les premiers résultats d’un sondage sur les intentions de vote effectué par les Kataëb, 45 % des gens qui ont voté pour des partis en 2018 assurent qu’ils ne le feront plus cette fois-ci.
Les FL, qui attendent impatiemment que l’une des composantes de l’hémicycle se prononce en faveur de la démission, ne rateront pas le coche et s’embarqueront avec les premiers démissionnaires. Pour l’heure, le paysage est encore brouillé, et toute tendance reste incertaine tant que les enjeux ne sont pas encore clairement définis.
Le pari est lancé et on peut miser gros sur la lâcheté de tous ces protagonistes qui ne démissionneraient pas demain puisque chacun attendra que l’autre le fasse avant lui pour être sûr de réussir leur coup. Mais vu les antécédents de chacun de ces partis qui n’ont de but que de piper les dés et trahir pour rester au pouvoir rien ne se fera. Le CPL a le beau rôle en poussant tout le monde à la démission pour rester dans le jeu et il ne sera pas à sa première trahison. Alors tenez-le pour dit, tout ce magma puant restera collé au super glu tant que les libanais n’ont pas exprimé clairement et collectivement leur volonté de les voir tous déguerpir. Pour cela il faut qu’un seul peuple se prononce et non des peuples où chacun chantera son refrain et brouille les pistes. Allez les libanais il s’agit de votre pays à tous alors pour l’amour de celui que vous vénérez allez sauver votre pays de ces pourris qui empoisonnent votre vie et détruisent votre seul pays qui n’aura pas de remplaçant s’ils arrivent à le détruire et vous mettre sur les rues de l’exode comme tant d’autres peuples avant vous.
11 h 57, le 03 juin 2021