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Culture - Quoi qu’on en lise

Théo Angelopoulos ne sait pas

Dans « Théo Angelopoulos, le temps suspendu » (Institut Lumière/Actes Sud), une retranscription d’entretiens avec l’écrivain Yorgos Archimandritis diffusés sur France Culture en 2009, le cinéaste se raconte. Ou pas.

Théo Angelopoulos ne sait pas

Théo Angelopoulos, 1935-2012. Photo AFP

« Je ne sais pas », répond souvent le réalisateur grec Theódoros Angelopoulos (plus connu sous le nom de Théo Angelopoulos) aux questions du journaliste Yorgos Archimandritis, dans un long entretien diffusé sur France Culture en 2009 qui vient d’être retranscrit dans un livre intitulé Théo Angelopoulos, le temps suspendu. « Comptez combien de fois j’ai dit : “Je ne sais pas” », ajoute même le réalisateur à la fin de l’entretien. Ce fameux grand mystère de la création artistique réside peut-être dans ce « je ne sais pas ». Les artistes ne savent pas, ils admettent ne pas savoir et voilà pourquoi ils créent. Pour tenter en vain d’en savoir un peu plus. À regarder Angelopoulos de plus près, il en est toujours au même point. Après plus de vingt films réalisés, il ne sait toujours pas. Pourtant, Angelopoulos en a traversé des événements.

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Né à Athènes en 1935, il aura vécu la dictature d’Ioánnis Metaxás, la prise de contrôle de la Grèce par la Wehrmacht, la dictature des colonels et même la crise financière qu’a connue son pays en 2008. Il a été confronté, très jeune, à la mort. Sa sœur âgée de onze ans est décédée quand lui en avait treize. Il a même cherché avec sa mère le corps de son père. « Avec ma mère, nous nous sommes mis à chercher son cadavre, mais nous n’avons rien trouvé. Nous sommes alors sortis d’Athènes pour aller dans le quartier de Péristéri, “Colombe”, où il y avait des terrains sur lesquels étaient organisées les exécutions. Nous le cherchions donc parmi les cadavres. C’est ce qui m’a le plus marqué dans ma vie. » Trois mois plus tard, son père vêtu « d’habits très abîmés » réapparaissait dans la rue devant lui. Il n’avait pas été exécuté, mais pris en otage par l’armée allemande. « L’image que je garde d’Angelopoulos, disait une assistante qui l’a accompagné dans ses derniers films, c’est celle d’un homme qui reste des heures à sa fenêtre. Et qui pleure. » En se penchant sur sa vie, on comprend mieux pourquoi.

Livre vs film

Je fais partie de ceux qui aiment le cinéma contemplatif d’Angelopoulos sans vraiment le connaître. Je n’ai aucun doute que ces films me plairont, mais j’attends le bon moment pour m’y pencher pleinement, organiser entre mon écran et moi une semaine dédiée à son œuvre. En attendant cette occasion, je me suis jeté sur ce petit livre d’entretiens coédité par Actes Sud et l’Institut Lumière. Comme Angelopoulos, « je considère encore qu’un livre exerce plus de pouvoir sur moi qu’un film », et après avoir exprimé cette pensée, je pourrais bien ajouter : « Je ne sais pas. » Je ne sais pas si réellement un livre exerce plus de pouvoir sur moi qu’un film, je me dis parfois le contraire. Que le cinéma est plus fort et Angelopoulos ne me démentirait pas. Au fond, on ne sait pas lequel des deux arts exerce le plus d’effet. Question vaine, comme celle de savoir si la vie est plus forte que l’art ou l’inverse. L’un se sert de l’autre, l’un ne peut exister sans l’autre, et Angelopoulos a passé sa vie à divaguer de la vie au cinéma, du cinéma à la vie. Pour écrire ses films, il s’inspirait d’anecdotes vues ou vécues, et pour répondre aux questions d’Archimandritis sur son histoire, le réalisateur cite souvent des extraits de ses films. Je pense que lui-même ne savait plus si sa vie n’était pas la fiction qu’il s’était inventée. Est-ce d’ailleurs un hasard s’il a trouvé la mort lors du tournage de son dernier film, l’Autre Mer ? On ne sait pas.

Théo Angelopoulos, « Le temps suspendu » Yorgos Archimandritis,

Institut Lumière/Actes Sud.

« Je ne sais pas », répond souvent le réalisateur grec Theódoros Angelopoulos (plus connu sous le nom de Théo Angelopoulos) aux questions du journaliste Yorgos Archimandritis, dans un long entretien diffusé sur France Culture en 2009 qui vient d’être retranscrit dans un livre intitulé Théo Angelopoulos, le temps suspendu. « Comptez combien de fois j’ai dit :...

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