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Culture - En librairie

Ce fils né de père inconnu et de mère occasionnelle...

En moins de 200 pages, « Histoire du fils » de Marie-Hélène Lafon (éditions Buchet Chastel) embarque ses lecteurs dans une fresque romanesque qui embrasse un siècle d’histoire et raconte des secrets de famille et des destins contrariés, avec une infinie douceur.

Ce fils né de père inconnu et de mère occasionnelle...

Marie-Hélène Lafon raconte avec douceur les zones d’ombre ou encore les blancs d’une vie et d’une famille… Photo AFP

Malgré son prix Renaudot, Histoire du fils de Marie-Hélène Lafon (éditions Buchet Chastel) était passé un peu inaperçu parmi le flot de nouveautés de la dernière rentrée littéraire. Son titre laconique, sa minceur, sa couverture neutre dégageaient une sorte de réserve de bon aloi, quelque chose de l’ordre de la finesse, de la subtilité, totalement en accord avec ce que recèlent ses pages. Une délicatesse qui, de prime abord, ne pouvait concurrencer le fracas des romans à clef et autres poids lourds de l’édition française de la cuvée 2020. Maintenant que l’année est bien amorcée et que les Bernard Pivot (Mais la vie continue…), Emmanuel Carrère (Yoga), Raphaël Enthoven (Le temps gagné) et autres Camille Kouchner (La Familia grande) ont largement dévoilé leurs propos, il est temps de se pencher sur ce livre, disponible en librairie à Beyrouth*. Un petit bijou de roman qui fait renouer même les plus réfractaires avec le plaisir apaisant de la lecture.

Car il y a de la douceur dans cette Histoire du fils, une tendresse feutrée dans la description du cours d’une vie. De plusieurs vies, en fait… Celles des membres d’une même famille aux liens tissés ou distendus autour d’un secret dans leur généalogie.


Le prix Renaudot à « Histoire du fils », paru aux éditions Buchet Chastel. Parce qu’il le vaut bien... Photo DR

Une rencontre inattendue

Tout commence en 1908 dans le Lot, une région française encore paysanne en ce début de XXe siècle. Un premier drame, subrepticement évoqué, laisse rapidement la place à une rencontre, inattendue, entre le fils d’une famille de notables âgé d’une quinzaine d’années et l’infirmière de l’établissement scolaire où il est pensionnaire. La différence d’âge, la « montée » à Paris… (un début de romance qui pourrait évoquer une célèbre histoire française contemporaine, sauf que la ressemblance avec des personnages ayant réellement existé s’arrête là !) et la naissance d’un petit garçon, fruit de ces amours illicites, qui sera confié à sa tante maternelle et son époux, installent la trame centrale du roman.

Autour de cet enfant, André, « né de père inconnu et de mère occasionnelle », l’auteure va enchevêtrer des personnages aux destins divers. Certains pleins d’amour et habités par une grâce simple, d’autres plus contrariés, marqués par l’âpreté et une solitude sèche…

Ces lignées de l’ombre…

André va grandir en province, auprès de ses cousines, au sein d’une famille aimante. Choyé et heureux, il s’épanouit, se construit, entre deux retours annuels de la mère dans le giron familial. Cette mère à la fausse désinvolture de « Parisienne » qui ne dévoile rien de sa vie, pas plus le nom du père de l’enfant que son univers quotidien, « le fils » s’en accommode. C’est le père le grand absent, qui malgré la chaleureuse affection de la tribu qui l’entoure creuse un manque en lui. Une carence qui ne s’estompe ni avec le temps ni avec l’amour de Juliette et l’expérience de la paternité. Il ira donc à sa recherche…

« Sa place d’homme était faite auprès de Juliette et d’Antoine. Il aimait son métier qu’il n’avait pourtant pas choisi, il prenait de l’étoffe et des responsabilités, se dépliait, mais quelque chose, plus que quelqu’un, faisait défaut en coulisses, creusait un vide plus qu’un gouffre ; le gouffre était trop abrupt, même si, à l’approche de la quarantaine et depuis qu’Antoine était là, André sentait que, loin de se combler avec l’âge, comme il voulait à toute force le faire croire quand il avait vingt et trente ans, la faille allait s’élargir et se creuser ; le ver était dans le fruit. (…) On irait donc à Paris, à Pâques, humer les traces du père. »

À hauteur d’âme

D’une écriture élégante et travaillée, sans être prétentieuse, Marie-Hélène Lafon, professeure agrégée de lettres classiques, décrit par touches délicates, pudiques, pleines de tact et de sensibilité ces lignées de l’ombre, leurs quêtes silencieuses, leurs atavismes inconscients… Composée comme un tableau impressionniste, cette Histoire du fils alterne les allers-retours dans le temps, jongle avec les épisodes, revient en flash-back sur certaines scènes charnières dans les existences qu’elle décrit. Dans cette « presque saga » familiale qui s’étale sur un siècle – retracée, de 1908 à 2008, avec une fluide concision sur seulement quelque 170 pages –, l’auteure d’Histoires (Goncourt de la nouvelle en 2016) et de Nos vies (en 2017) dépeint avec une infinie douceur les non-dits, les manques, les demi-teintes, les zones d’ombre ou encore les blancs d’une vie et d’une famille… Abordés sans mièvrerie ni pathos, sans récriminations ni nombrilisme. Un roman tout simplement à hauteur d’âme.

*Disponible à la Librairie Antoine. 

Malgré son prix Renaudot, Histoire du fils de Marie-Hélène Lafon (éditions Buchet Chastel) était passé un peu inaperçu parmi le flot de nouveautés de la dernière rentrée littéraire. Son titre laconique, sa minceur, sa couverture neutre dégageaient une sorte de réserve de bon aloi, quelque chose de l’ordre de la finesse, de la subtilité, totalement en accord avec ce que recèlent...

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