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Économie - Crise au Liban

S&P pense qu’un bail-in est virtuellement inévitable

L’agence de notation américaine estime que la restructuration de la dette va coûter entre 30 et 134 % du PIB libanais, selon le scénario adopté.

S&P pense qu’un bail-in est virtuellement inévitable

L'agence de notation américiane Standard & Poor's (S&P) appelle à une restructuration de la dette publique libellée en livres et en devises. Photo Stan Honda/AFP

L’agence de notation financière Standard & Poor’s a affirmé dans la note de présentation d’un rapport sur le Liban publié lundi soir que le coût de la restructuration de la dette publique libanaise et la dépréciation des actifs des banques pourrait représenter à ces dernières jusqu’à 134 % du PIB estimé pour 2021, “avant une potentielle dévaluation (officielle) de la monnaie”.

Cette configuration combinée au fait que les banques “luttent pour lever du capital” rend plus que “probable” la nécessité d’imposer un “bail-in” des déposants “sous quelque forme que ce soit” - conversion d’une partie des dépôts en capital voire le paiement de ces dépôts à un taux inférieur à celui du marché, afin d’absorber ces coûts élevés, selon l’analyste de S&P, Mohammed Damak, cité dans le rapport. S&P juge que ce bail-in sera nécessaire dans la mesure où la contribution des actionnaires des banques et le possible déblocage d’une aide financière externe seront “probablement insuffisants” pour compenser les pertes des banques.

“Nous pensons que la véritable ampleur des pertes des banques libanaises ne se matérialisera qu’une fois que la restructuration de la dette publique sera lancée” a encore estimé S&P, notant que plus d’un an s’est écoulé depuis le défaut annoncé par le gouvernement de Hassane Diab sur le paiement des obligations d’État du Liban en devises (les eurobonds) - qui représentent un tiers environ de la dette totale (en tenant compte de la valeur de la portion en livre au taux officiel de 1 507,5 livres pour un dollar).

Trois scénarios

L’Orient-Le Jour a pu consulter le rapport, intitulé “Calculating the cost of Lebanon’s bank sovereign doom loop” (estimation du coût du “cercle vicieux” de l’exposition des banques libanaises à la dette souveraine), le secteur détenant avec la Banque du Liban une importante portion de cette dette. Selon S&P, la BDL détient 61 % de la dette en livres (64,4 milliards de dollars à fin février selon les chiffres de la banque centrale), et 16 % de celle en devises (36,5 milliards). Les banques commerciales en détiennent, elles, respectivement, 26 % et 30 %. Ce sont les non résidents qui possèdent la plus grande part des eurobonds (53 %).

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L’agence rappelle qu’aucun plan de restructuration de la dette n’a encore été négocié avec les créanciers en raison des “querelles politiques”, laissant ainsi le marché dans l’obscurité concernant le montant de ces pertes. L’approche à privilégier pour estimer ces pertes et les traiter a d’ailleurs constitué le principal point d’achoppement entre le gouvernement d’un côté, les banques, la BDL et certains députés qui ont pris leur parti, de l’autre. Ce bras de fer a d’ailleurs été la cause principale de l’échec des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) sollicité en mai 2020 par le Liban dans le but d’activer un programme d’assistance financière. S&P a aussi rappelé que la proposition de l’exécutif consistait à déprécier la valeur de la dette publique et à faire une remise sur une partie des dépôts. Les banques et la BDL avaient elles articulé leur contre-proposition sur la potentielle mobilisation des actifs de l’État pour combler une partie des pertes. Sans prendre partie pour l’une ou l’autre approche, S&P considère, via un autre de ses analystes, Zabahia Gupta, que la résolution du blocage politique au Liban est “essentielle” pour entamer le processus de restructuration et que “tout délai supplémentaire pourrait compliquer le rétablissement du pays”.

Le gouvernement souhaitait restructurer uniquement la dette en devises. Mais, selon l’agence, la dette en livres devra également subir une décote, car “même en effaçant tous les eurobonds, l'exécutif se retrouverait avec un ratio dette/PIB de 107 %, selon les chiffres de fin 2020”.

L’agence affirme enfin avoir élaboré “trois scénarios” dans lesquels le coût, pour les banques, d’une restructuration de leurs créances vis-à-vis de la BDL (qui atteignent plusieurs dizaines de milliards de dollars en dépôts et certificats de dépôts notamment de près de 87 milliards de dollars à fin mars), mais aussi de leur portefeuille de titres de dette publique ainsi que des autres actifs qu’elle détiendraient, oscillerait entre 30 et 134 % du PIB libanais estimé pour 2021 avant une probable dévaluation officielle de la monnaie. S&P estime que le PIB se contractera de 10 % cette année, contre 25 % en 2020. La Banque mondiale l’avait estimé à -20,3 % l’année passée. L’agence considère que les banques libanaises pourront difficilement continuer de fonctionner longtemps dans la mesure où la fuite des déposants se poursuivra et que des banques correspondantes couperont les ponts, laissant alors le pays avec un secteur bancaire incapable de soutenir une reprise économique”, conclut Zabahia Gupta. S&P indique que le fait que la BDL ne rembourse pas sa dette envers les banques (ce qui est déjà le cas depuis décembre 2019 à travers la circulaire n°536) aura une plus forte répercussion sur le secteur bancaire que la dévaluation officielle de la livre.

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La crise libanaise, qui a commencé il y a deux ans, est principalement liée à l’explosion de sa dette publique consécutive à l'accumulation de plusieurs déficits - balance des paiements et budget de l’État en priorité - pendant des années.

Alors que la livre était officiellement arrimée au dollar depuis 1997 avec une parité entretenue par la BDL de 1507,5 livres pour un dollar, la crise de liquidités en devises qui a commencé à se manifester il y a près de deux ans et le développement du marché noir ont favorisé l’émergence de plusieurs taux : l’officiel, celui du marché parallèle (plus de 12 000 livres pour un dollar ces dernières semaines) ainsi qu’un taux intermédiaire réservé aux retraits de dollars bloqués par les restrictions mises en place illégalement par les banques pendant cette période.

A noter que le décaissement des dépôts à une valeur inférieure à celle du marché évoquée par S&P a déjà lieu depuis plus d’un an avec la circulaire numéro 151 de la BDL adoptée au printemps dernier et qui “permet” aux déposants dont les fonds en devises sont illégalement retenus par les banques d’en retirer une partie à un taux de 3900 livres qui a toujours été inférieur à celui du marché parallèle. Un processus assimilé par plusieurs analystes libanais à une “lirification”, forcée des dépôts voire un “haircut” (ponction sèche sur les dépôts) qui ne dit pas son nom.

Le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, continue lui de se défendre de toute responsabilité majeure dans la crise, pointant notamment du doigt le défaut de paiement annoncé par le gouvernement en mars 2020 sans que des négociations préalables avec les créanciers n’aient abouties. Un argument qu’il a une nouvelle fois avancé lundi soir dans un entretien diffusé par la chaîne saoudienne Al-Hadath. Le gouverneur est également revenu sur une mesure annoncée il y a quelques semaines concernant le remboursement des dépôts à hauteur de 50 000 dollars — 25 000 en devises et le reste en livres au taux du marché, pour les dépôts de moins de 50 000 dollars —, indiquant alors que cela devrait concerner près d’un million de déposants. Cette proposition a été soumise aux banques, qui ont jusqu’au 30 juin pour donner leur avis.

L’agence de notation financière Standard & Poor’s a affirmé dans la note de présentation d’un rapport sur le Liban publié lundi soir que le coût de la restructuration de la dette publique libanaise et la dépréciation des actifs des banques pourrait représenter à ces dernières jusqu’à 134 % du PIB estimé pour 2021, “avant une potentielle dévaluation (officielle) de la...

commentaires (6)

La vraie maladie de ce pays c’est son confessionalisme nauséabond qui permet à ces élites pourries de faire ce qu’elles ont envie de faire avec notre vie notre argent notre avenir tout en quelque sorte ! Gare à celui qui se révolte car immédiatement les doctrines confessionnelles enfouies dès notre enfance dans notre subconscient ressurgissent et vous rappellent à l’ordre!

PROFIL BAS

10 h 58, le 26 mai 2021

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • La vraie maladie de ce pays c’est son confessionalisme nauséabond qui permet à ces élites pourries de faire ce qu’elles ont envie de faire avec notre vie notre argent notre avenir tout en quelque sorte ! Gare à celui qui se révolte car immédiatement les doctrines confessionnelles enfouies dès notre enfance dans notre subconscient ressurgissent et vous rappellent à l’ordre!

    PROFIL BAS

    10 h 58, le 26 mai 2021

  • Face a des situations similaires, (Espagne, Grece, Chypre etc...) les pays qui se respectent mettent en place des mesures de reglement de crise qui commencent par les fusions des banques et la fermeture de celles qui ne peuvent faire face a leurs obligations. On fait payer en premier lieu les etablissements bancaire en cause en confisquant leurs fonds propres. Puis les membres des conseils d'administrations en confisquants leurs avoirs personnels. Ce n'est qu'en dernier recours et apres ces mesures que l'on touche a une partie des depots des clients en leur offrant compensation (ex: les actions des banques). Au Liban, la BDL et son "genie" de la finance, ainsi que l'ABL et les crapules bancaires ont decide de faire payer les seuls deposants apres avoir "evade" leurs avoirs propres a l'etranger.

    Michel Trad

    10 h 24, le 26 mai 2021

  • Ce que prédit S&P est déjà réalisé. Notre argent a déjà subi un haircut officiel d’un facteur 2.6. Et ce n’est que le début. Il ne faut pas confondre l’implacable réalité économique avec les fanfaronnades des uns et des autres. Le Liban est en faillite car le système bancaire dans son entier est boulonné à la BDL qui n’a plus rien pour rembourser. Imaginez un Titanic avec toutes les banques à bord, mais aussi l’EDL, le « Daman » etc,,,

    El moughtareb

    01 h 51, le 26 mai 2021

  • Que SP garde ses délires pour lui et que le mis en examen par la Justice Suisse se taise et se fasse plus discret. Les épargnants n’ont pas à payer l’argent pillé, volé et dilapidé par les dirigeants politiques des 30 dernières années et je n’exclus personne. Osez toucher à l’épargne des libanais et je peux vous assurer que les foules vous lyncheront en moins de temps qu’il faut pour l’écrire

    Lecteur excédé par la censure

    21 h 02, le 25 mai 2021

  • CHERS LECTEURS, J,AI POSTE UNE LIBRE EXPRESSION CONTRE LES MAFIEUX ET VOLEURS BIEN CONNUS QUI ONT DELESTE BLA CLASSE MOYENNE DU PAYS ET LES PAUVRES AFFAMES ET VEULENT LEUR SOUTIRER LE TRES PEU QU,IL LEUR RESTE POUR SUBSISTER. JE LES NOMME DES MALEDICTIONS ET DES PLAIES POUR LE PAYS DES UNS MAIS SANS INNOCENTER LES AUTRES MAFIEUX AUSSI. NI OBSCENITE NI INSULTE ET NI SALETE DANS MA LIBRE EXPRESSION. POURTANT CENSUREE. OLJ, JE VOUS PRIE DE PUBLIER CE MESSAGE FRANC ET DE BONNE FOI. MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 38, le 25 mai 2021

  • Pas de bail in, ni de bail out, avant d' avoir nettoye la place de toutes ces vermines et le systeme avec ! Il faut que l' Etat commence a exister d' abord. Puis il faudra qu' ils passent a la caisse ensuite, voir ce qu' ils ont cache sous les matelas...!

    LeRougeEtLeNoir

    16 h 07, le 25 mai 2021

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