Depuis l’Antiquité, c’est-à-dire depuis le temps où l’histoire humaine fut répertoriée, le concept de bouc émissaire était une solution ou une diversion abusée au nom de la stabilité du royaume. Ce concept, qui peut à l’extrême englober les sacrifices humains, dont les noms des victimes étaient tirés au sort dans certaines cultures comme « solution » face aux sècheresses, maladies ou famines, pourrait aussi ressembler à l’affaire Dreyfus à une époque plus contemporaine. Un officier fut alors choisi pour être accablé injustement afin de sauver l’honneur de l’armée française et, derrière elle, la IIIe République, suite à l’annexion de l’Alsace-Lorraine par l’Empire allemand. Dreyfus fut innocenté au terme de 12 ans de crise et de scandales judiciaires durant lesquels le pays était divisé entre dreyfusards et antidreyfusards. Cette affaire marque toujours l’histoire récente de la France et est présente dans la mémoire collective française.
Je ne prétends pas être l’Émile Zola de Samir Geagea (S.G.), mais j’« accuse » quand même le côté noir de la nature humaine d’avoir voulu « offrir » S.G. comme bouc émissaire en pâture à une foule en quête de rédemption, même et surtout au prix de la vérité.
Tour en croyant ferme que les Forces libanaises et, avant elles, les partis et milices du Front libanais ont écrit les chapitres les plus honorables de notre histoire, il est devenu nécessaire et tout simplement juste de démystifier les rumeurs, mensonges et autres fausses nouvelles répétées par des jeunes qui ignorent la vérité, mais encore plus grave par ceux et celles qui connaissent la vérité. Pour cela, j’ai décidé d’écrire un livre qui retrace la dynamique destructrice qui a sévi dans notre jeune pays depuis 1958 jusqu’à ce jour.
Mais avant cela, bien que je ne fasse pas partie du cercle des intimes de S.G., j’ai toujours ressenti ce devoir de vérité et de justice face à cet effort, concerté ou pas, d’offrir S.G. comme offrande ou bouc émissaire.
Non, S.G. n’a pas participé à l’attaque du bus de Aïn el-Remmané, considéré, à tort, comme le déclencheur des guerres libanaises.
Non, S.G. n’a pas participé aux massacres du Samedi noir.
Non, S.G. n’a pas participé au vol du port de Beyrouth en 1975/1976.
S.G. a défendu Qnat et Balla, et tout le front nord.
Non, S.G. n’a pas décidé de l’attaque d’Ehden en 1978 et surtout n’a jamais eu accès à la villa Frangié.
Non, S.G. n’a pas participé le 7 juillet 1980 à l’attaque contre Safra, Aquamarine, Rabieh Marine, etc.
Non, S.G. n’a rien à voir avec les massacres de Sabra et Chatila.
Non, S.G. n’avait jamais décidé l’envoi des troupes FL au Chouf et encore moins à l’est de Saïda.
Non, ce n’est pas S.G. qui a causé la perte du Chouf et de l’est de Saïda, et, par conséquent, le déplacement forcé des habitants de ces régions.
S.G. a fait échouer l’accord tripartite parrainé par le régime Assad.
S.G. et les FL ont offert les trois meilleures années (1986,1987, 1988) depuis 1975 aux Libanais habitant les régions libres et autres. Trois années de stabilité, prospérité et sans guerre, des années résultant d’une réflexion stratégique pragmatique à long terme visant à imposer un État de fait.
Oui, les FL depuis 1975 et plus tard sous S.G. prélevaient des taxes et exploitaient le 5e bassin du port afin d’assurer la gestion et la défense des régions libres.
Non, ni S.G. ni les FL n’ont enterré des produits toxiques à Chnaniir. Ces produits ont été renvoyés en Italie illico presto sur ordre de S.G.
Non, il n’existe pas et il n’y a jamais eu de fosses communes dont S.G. est responsable. Les seules fosses communes étaient celles creusées par les amis et alliés des détracteurs de S.G.
Non, ce n’est pas S.G. qui a déclaré la stupide « guerre de libération » en 1989.
Non, ce n’est pas S.G. qui a commencé la guerre d’élimination des FL qu’il commandait en 1990.
Non, S.G. et les FL n’ont pas fait la guerre contre l’armée libanaise. À part certaines escarmouches avec l’armée légale durant la période antécédente à l’élection de Hraoui, ils ont fait la guerre aux soldats déserteurs de Aoun qui ne faisaient plus partie de l’armée et étaient considérés comme rebelles par celle-ci une fois que René Moawad et après lui Élias Hraoui furent élus consécutivement présidents.
Non, ce n’est pas S.G. qui a perpétré l’attaque contre l’église du Saint-Sauveur à Zouk.
S.G. a pu ou pas commanditer certains assassinats politiques dans le cadre du conflit national. Nous ne saurons jamais la vérité qui peut différer des verdicts d’un tribunal qui ressemblait, sous l’hégémonie syrienne, étrangement au tribunal de Dreyfus.
J’attends avec impatience que le parti Kataëb dise la vérité sur l’attaque d’Ehden en 1978, innocentant ainsi S.G. des accusations mensongères.
J’attends de même avec impatience que les anciens camarades de S.G. montent au créneau et disent la vérité concernant tous ces sujets, refusant ainsi de s’accommoder du statut de bouc émissaire de S.G.
J’accuse le régime juridico-policier qui prévalait dans les années 1990 et la première partie de la nouvelle décennie qui a suivi.
J’accuse Michel Aoun, Gebran Bassil et leur foule d’avoir diabolisé les FL et S.G. en répétant des mensonges et propageant de fausses rumeurs.
J’accuse Michel Aoun et ses partisans de l’époque d’avoir détruit les régions libres où il faisait bon de vivre.
J’accuse chaque Libanais qui a voté pour les aounistes ou le Hezbollah, et je le tiens pour responsable direct de notre dépression actuelle.
J’accuse S.G. d’avoir fait une erreur de jugement et je l’accuse de crédulité pour avoir cru une fois de trop en Michel Aoun un certain 18 janvier 2016 (et non pas pour avoir porté Aoun à la présidence, puisque ce n’est pas vrai). Aoun aurait été élu tôt ou tard avec ou sans les FL. Il aurait été préférable qu’il le fût sans les FL. Ammar Moussaoui l’a bien dit : « C’est notre fusil qui l’a fait président. »
J’accuse avec déception et amertume ces nouveaux groupuscules qui s’autoproclament « thaoura » et qui, dans un effort de se faire une place au soleil, perpétuent ce ballet de mensonges et de diabolisation dont les FL et S.G. sont victimes.
Et enfin, je suis prêt à écouter n’importe quel « fait » qui contredirait ce plaidoyer.
Roger BEJJANI
Ancien combattant FL
(juillet 1975 – septembre 1983)
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commentaires (3)
j'aurais cru - un long moment- lire des propos propres a pti gendre ! en y apportant bien sur les amendements necessaires quant aux noms et les evenements. pour le reste ?
Gaby SIOUFI
11 h 05, le 19 mai 2021