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Politique - Reconnaissance US du génocide

Une « victoire diplomatique » saluée par les Libanais d’origine arménienne

Des descendants de victimes voient dans les propos du président américain un motif d’espoir, même si les réticences turques demeurent.

Une « victoire diplomatique » saluée par les Libanais d’origine arménienne

Durant la commémoration du génocide arménien au Liban samedi. Photo Joao Soussa

La 106e commémoration du génocide arménien de 1915 a, cette année, un caractère différent. Les paroles prononcées samedi par le président américain Joe Biden, premier chef d’État de la superpuissance mondiale à reconnaître officiellement et publiquement que les massacres d’Arméniens par les Ottomans en 1915 sont bien un génocide, ont représenté pour les Arméniens de la diaspora et pour les Libanais d’origine arménienne en particulier une victoire dans leur longue lutte pour leurs droits et la mémoire de leurs ancêtres.

« Les Américains honorent tous les Arméniens ayant péri dans le génocide, qui a commencé il y a 106 ans aujourd’hui », avait écrit Joe Biden dans un communiqué. « Nous affirmons l’histoire. Nous ne faisons pas cela pour accabler quiconque, mais pour nous assurer que ce qui s’est passé ne se répétera jamais », a-t-il ajouté.

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Les Arméniens estiment qu’un million et demi des leurs ont été tués de manière systématique pendant la Première Guerre mondiale par les troupes de l’empire ottoman, et commémorent ce génocide chaque année le 24 avril. Une version contestée par la Turquie actuelle, qui reconnaît « des massacres » dans le cadre d’une guerre civile, mais pas de génocide. Cette reconnaissance américaine fait suite à des années de lobbying par la communauté arménienne dans ce pays et dans le monde. En 2013 déjà, un texte de loi a été voté de manière symbolique par le Congrès et le Sénat américains.

Un très grand pas

Interrogés sur la portée de la déclaration de Joe Biden, différentes personnalités libanaises d’origine arménienne saluent l’initiative, même si celle-ci est venue « avec beaucoup d’années de retard », selon le député du Tachnag Hagop Terzian. « Cela nous donne cependant une motivation supplémentaire pour poursuivre notre lutte, sachant que nous sommes des militants infatigables », dit-il. Pour le député, « si le texte voté par le Congrès et le Sénat depuis des années est enfin signé par le président américain, cela représentera une nette avancée dans la pression sur les Turcs en vue d’une reconnaissance du génocide ». « Sans compter que l’effet le plus immédiat de cette déclaration serait d’encourager d’autres pays à faire de même », conclut-il.

La reconnaissance américaine du génocide a eu une résonance particulière dans l’esprit des personnes interrogées. Arpie Manganassian, directrice de l’association Badger et fille de parents centenaires nés peu après le drame, exprime sa satisfaction et salue une « victoire diplomatique », tout en restant prudente. « Cette déclaration américaine nous fait chaud au cœur, dit-elle. Nous avons attendu pareille reconnaissance officielle de la part de plusieurs présidents américains, mais Joe Biden a tenu parole. » Elle rend hommage à l’initiative mais déclare que sa mère et elle « attendent que cela se concrétise ».

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Pour le compositeur Guy Manoukian, très impliqué dans sa communauté au Liban, lui-même descendant de victimes du génocide, la victoire est en premier lieu morale. « Joe Biden l’a bien dit, il s’agit de s’assurer que pareils génocides ne se répéteront pas à l’avenir. Il s’agit du premier président américain à avoir mis de côté ses intérêts avec la Turquie pour prononcer le mot génocide, après des décennies d’activisme de la communauté arménienne aux États-Unis. Cette avancée n’est pas négligeable, car ce pays est pas moins que le leader du monde libre et il sera suivi par d’autres à n’en point douter », dit-il.

La déclaration américaine inspire au maestro Harout Fazlian un mot-clé : l’espoir. « Pour les Arméniens, cette reconnaissance a une signification énorme, dit-il. J’ai moi-même connu des grands-parents et des aïeuls qui me racontaient les affres de cette période-là, qui est gravée dans nos gènes. J’ai 58 ans, et je sens que j’ai lutté toute ma vie pour cette cause, comme nos aînés et comme nos enfants. Mais l’espoir, c’est surtout pour l’humanité toute entière et pour tous les peuples qui réclament leurs droits sans relâche. »

C’est ce que ne contredit pas l’acteur et comédien Pierre Chamassian, qui voit dans cette étape cruciale « un espoir d’arriver à nos fins, si ce n’est durant notre vie, du moins durant celle de nos enfants ». C’est un « très grand pas » dans cette lutte séculaire, insiste-t-il.

Apporter un dénouement

Car ce qui importe vraiment dans cette lutte vieille de plus de cent ans, c’est de faire justice aux morts et d’apporter ce que Guy Manoukian appelle « un dénouement » à cette tragédie qui a marqué tout un peuple. « Or cette plaie ne peut se refermer que s’il y a, enfin, une reconnaissance turque du génocide arménien », ajoute-t-il.

Mais les Turcs sont-ils prêts à franchir le pas ? Une fois de plus, leur réaction aux propos de Joe Biden ne suggère pas un changement d’attitude. Mais pour Arpie Manganassian, les déclarations des officiels turcs ne refléteraient pas l’état d’âme de tout leur peuple. « Il existe une opinion publique en Turquie qui reconnaît les faits de 1915, ce que j’ai pu constater de par mes contacts », raconte-t-elle. Elle cite le petit-fils même de Jamal Pacha, l’instigateur du génocide : il s’appelle Hassan Jamal et a écrit, en 2015, un ouvrage sur le génocide qu’il n’a pas hésité à appeler par son nom. Quant à Guy Manoukian, il estime que « la Turquie ne peut pas réellement se développer sans faire la paix avec son passé ».

Harout Fazlian fait référence à ce qui pourrait effrayer la Turquie dans la reconnaissance de sa responsabilité historique dans le génocide et l’exode qui a suivi : d’éventuelles indemnisations à verser et une possible réclamation de terrains par des descendants de victimes tombées sous les coups des Ottomans. Pierre Chamassian lui-même affirme que sa famille détient des titres de propriété dans l’actuel territoire turc. « Voilà pourquoi je ne suis pas surpris de la réaction turque et je pense que la route est encore très longue », reconnaît-il.

« Il faut continuer d’espérer des changements en Turquie et ne jamais cesser d’agir », affirme Harout Fazlian. « Après tout, ce que prouve cette victoire aujourd’hui, c’est bien que la persévérance est payante », lâche-t-il enfin.

La 106e commémoration du génocide arménien de 1915 a, cette année, un caractère différent. Les paroles prononcées samedi par le président américain Joe Biden, premier chef d’État de la superpuissance mondiale à reconnaître officiellement et publiquement que les massacres d’Arméniens par les Ottomans en 1915 sont bien un génocide, ont représenté pour les Arméniens de la...

commentaires (4)

Harout Fazlian a raison

Eleni Caridopoulou

18 h 41, le 26 avril 2021

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Commentaires (4)

  • Harout Fazlian a raison

    Eleni Caridopoulou

    18 h 41, le 26 avril 2021

  • la naivete de cet article est confondante ! la Turquie ne reconnait rien, ne regrette rien...PIRE, la Turquie s'en glorifie. il y'a a peine quelques mois Erdogan, admirateur revendiqué des Ottomans, traitait les Armeniens de "restes de l'epée".. vous vous rendez compte de ce que sa dit sur la mentalité turque, ou a tout le moins du regime actuel ?!?

    Lebinlon

    16 h 34, le 26 avril 2021

  • C’est une prise de conscience un peu tardive mais combien salutaire ! Ne jamais oublier conjointement,Les centaines de milliers d’assyro-Chaldeens et syriaques qui ont connu le même sort et dont personne n’honore leur mémoire, dommage !

    Wow

    11 h 54, le 26 avril 2021

  • Hitler a dit aux généraux planifiant la « solution finale », qui se rappelle du Genocide Arménien ? Aujourd’hui je me rappelle du frère de mon grand père, Artine Moumdjian , qui fut égorgé, démembré et envoyé dans un sac de jute à son frère le dr Mihran moumdjian A Constantinople. Aujourd’hui nous écoutons la respiration des mémoires ,comme nous l ´a Bien appris Nadia Tueni . Robert Moumdjian MD Professeur de Neurochirurgie Montréal, Canada Libanais de descendance Arménienne

    Robert Moumdjian

    05 h 50, le 26 avril 2021

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