Le président libanais Michel Aoun a demandé samedi, à l'occasion de la 106ème commémoration du génocide arménien, que justice soit rendue aux victimes de ce massacre perpétré par l'Empire ottoman en 1915, et exhorté les pays ne l'ayant pas encore fait à le reconnaître.
"Nous nous tenons aux côtés du peuple arménien, qui lutte pour que sa cause soit reconnue", a déclaré le chef de l'État, qui a appelé à "lever le voile du déni et de la négligence" au sujet de la reconnaissance du génocide. Michel Aoun s'est entretenu au téléphone dans la journée avec le catholicos arménien Aram Ier, puis avec le patriarche des arméniens-catholiques, Grégoire Bedros XX.
Saluant la mémoire des victimes du génocide, il a demandé que "justice soit faite", estimant que ces massacres "pèsent sur la conscience du monde, sans toutefois le pousser à agir et à prendre une décision historique, permettant de distinguer le bourreau de la victime". Avec ces propos, Michel Aoun fait implicitement allusion à la Turquie et aux pays qui n'ont pas reconnu le génocide arménien.
Le 24 avril correspond à la date d'une rafle d'intellectuels à Constantinople, aussitôt assassinés par le pouvoir ottoman. Selon les estimations, entre 1,2 et 1,5 million d'Arméniens ont été tués pendant la Première Guerre mondiale par les troupes de l'Empire ottoman, alors allié à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie.
"Ceux qui ont frappé le peuple arménien au moyen d'une épée ont également affamé le peuple libanais, à seulement un an d'intervalle", a ajouté Michel Aoun, en référence à la grande famine de 1915 – 1918, qui avait provoqué la mort du tiers de la population du Mont-Liban. Cette tragédie a été provoquée par l'embargo mis en place par les Ottomans sur toutes les denrées alimentaires, auquel s'est ajouté une invasion de sauterelles qui ont détruit les récoltes et des épidémies comme le choléra, la variole et la fièvre typhoïde.
En 2019, un discours prononcé par le président pour le lancement de la commémoration du centenaire de l’État du Grand-Liban avait créé des tensions avec Ankara, lorsqu'il avait déclaré que "le terrorisme d’État des Ottomans envers les Libanais, surtout lors de la Première Guerre mondiale, avait fait des centaines de milliers de victimes, tuées soit par la famine, la servitude ou la conscription". La Turquie avait dénoncé des propos "malveillants" et accusé le chef de l'État libanais de "révisionnisme politique".
Ohanian à Erevan
Présente à Erevan, où elle représente le président libanais pour la commémoration qui y est organisée, la ministre sortante de la Jeunesse et des Sports, Varty Ohanian, a de son côté exhorté la Turquie, héritière de l'Empire ottoman, "reconnaître ses actes, présenter des excuses et indemniser les victimes". "Les martyrs du génocide arménien restent dans nos consciences", a-t-elle affirmé dans une allocution prononcée depuis le mémorial dédié aux victimes.
"Entre les peuples arménien et libanais, il y a plus d'un point commun : les tourments, les sacrifices et les souffrances. Vous avez été massacrés par le tranchant de l'épée, et nous avons été massacrés par la faim et l'assiègement. L'auteur (du crime) est le même", a estimé Mme Ohanian. "Les relations libano-arméniennes se sont renforcées lorsque des centaines de milliers d'Arméniens se sont installés sur le territoire libanais au début du siècle dernier. Ils sont devenus une composante essentielle de notre nation et y prennent pleinement part à la vie politique et aux progrès économique, social et culturel. (...) Ils ont fait preuve d'une loyauté totale à l'égard du Liban sans abandonner leur attachement à l'Arménie", a affirmé la ministre, elle-même d'origine arménienne. "Le Liban insiste sur la nécessité de respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Arménie", a-t-elle encore fait savoir. La veille, lors de réunions avec différents officiels, elle avait rappelé que le pays du Cèdre avait été le premier dans le monde arabe dont le Parlement a reconnu le génocide arménien.
Le conflit au Karabakh
Vendredi soir, des cérémonies commémoratives ont eu lieu dans le quartier arménien de Bourj Hammoud et sur la place des Martyrs, à Beyrouth. Des dizaines de bougies ont été allumées à la mémoire des victimes et disposées de manière à écrire "24 avril, 106", selon des images de notre photographe Joao Sousa. La commémoration de cette année faisait par ailleurs un parallèle avec le récent conflit au Haut-Karabakh entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et des affiches déploraient que le génocide de 1915 se soit "répété" lors de ces affrontements. "1915-2021, le monde a de nouveau regardé les Arméniens se faire massacrer", pouvait-on lire sur une banderole sur laquelle étaient accrochées des photos de combats au Karabakh.
La communauté arménienne au Liban compte environ 140.000 personnes, issus de parents arrivés pour la plupart de l'actuelle Turquie après 1915.
Armé par la Turquie, l'Azerbaïdjan a infligé en automne une défaite humiliante à l'Arménie, qui avait vaincu les forces de Bakou lors d'une première guerre dans les années 1990. L'Arménie a ainsi dû céder d'importants territoires dans le Haut-Karabakh en vertu d'un cessez-le-feu négocié sous l'égide de Moscou, qui a déployé ses soldats de maintien de la paix dans la région. Durant la guerre, l'Arménie a accusé la Turquie d'être impliquée directement dans les combats, ce qu'Ankara dément.
commentaires (10)
BIEN SUR MICHEL AOUN FAIT CET APPEL. IL EST PARES TOUT RECONNU UNIVERSELLEMENT EN TANT QUE DEFENSEUR DES FAIBLES
Gaby SIOUFI
12 h 02, le 25 avril 2021