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« Demandes d’un autre temps »

Des gesticulations résolument stériles, et toujours cet affairisme dégoûtant qui semble, en toile de fond, tenir lieu de politique. On imagine les pôles du pouvoir langue pendante, dans les galeries de notre économie asséchée, courant encore après quelque lichette à grappiller çà et là, par-dessus tout ce qu’ils ont déjà dévoré. Amasser des milliards en temps de paix équivaut à empiler des cadavres en temps de guerre, avec la même absence d’égards pour la population. Aujourd’hui, l’hyperinflation qui résulte de leurs vols inconsidérés, chacun ayant pompé à tour de rôle ce qu’il pouvait, est aussi létale que le déchaînement de leurs armes en leur cruelle jeunesse. En ce temps-là, ils avaient encore l’énergie de la fatuité pour se fendre de discours à même d’envoyer pêle-mêle au carnage des idéalistes, des désespérés ou de malheureux féaux auxquels ils avaient comme de coutume, à force de compromissions, bouché l’horizon. Aujourd’hui, ils savent qu’ils ne peuvent plus convaincre. Dans les deux situations, c’est la vie et la dignité des gens qu’ils ont mises en jeu, et un tel cumul de mauvaises décisions, de politiques obtuses et d’initiatives suspectes est difficile à pardonner, les excuses étant souvent pires que les forfaits.

La pauvreté est plus sournoise que la guerre. Elle rampe et fait ramper, donne le temps de réfléchir et de maudire les responsables jusqu’au jour où l’on commence à se dépouiller, d’abord de l’accessoire : le peu d’or reçu à quelque occasion, la voiture, la télévision ; et puis du nécessaire : l’assurance, la maison, le téléphone, l’instruction des enfants, ainsi de suite jusqu’à ne plus courir qu’après la nourriture. Depuis quelques mois, plus de la moitié des Libanais se trouvent dans ce vortex mortifère, et c’est un crève-cœur d’assister à des altercations dans les supermarchés pour un gallon d’huile ou un paquet de lait en poudre subventionnés, surtout entre nationaux et migrants. Ces disputes qui tournent à la violence sont exacerbées par la jalousie, oui, la jalousie des Libanais vis-à-vis des déplacés syriens qui reçoivent, eux, quelques miettes de l’Agence des Nations unies pour survivre. On a beau avoir perdu son toit, on ne peut avoir un statut de réfugié en son propre pays. En revanche, voici les opportunistes qui pointent le nez. Alors que des comités civils s’organisent avec les moyens du bord et les donations anonymes pour pourvoir à la misère qui les déborde, les mêmes partis qui ont contribué à l’effondrement du pays, les mêmes qui ont participé au siphonnage des banques, vidant sans vergogne les poches des contribuables, distribuent à présent qui des cartons alimentaires estampillés de leur logo, qui des cartes d’approvisionnement qui font la fierté (ce mot!) de leur communauté, tout en promettant de les étendre aux autres par ordre de priorité (entendre par degré d’allégeance) « en fonction des quantités disponibles ». Comment retenir les plus malheureux d’entre nous, prêts à toutes les soumissions pour ne pas voir leurs enfants dormir le ventre vide… Honte, mille fois honte à ceux qui profitent ainsi du désarroi de leurs compatriotes, les dépouillant de leur fierté et de leur libre arbitre pour des visées bassement électorales et populistes.

Tout prête à croire qu’il n’y aura pas de formation de gouvernement, et encore moins de législatives en perspective, tant que les uns et les autres n’y auront pas assuré leurs positions et le peu d’avenir qu’il leur reste. Soit, mais quel projet nous réservent-ils ? Quel futur pour nos enfants ? Tendre la main pour vivre, éternels otages de leur système crapuleux et verrouillé d’ennemis acolytes ? « Obstruction délibérée à toute perspective de sortie de crise », « demandes d’un autre temps » : le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian n’a fait que constater, à l’examen clinique, à quel point la tête de ce pays est frappée de sénile démence, tandis que son corps vibre encore d’une extraordinaire jeunesse impatiente de s’en libérer. Entre les deux, il s’agira de garder le corps en vie, le temps de sauver la santé mentale. À nos marques donc. Demain ne leur appartient pas.

Des gesticulations résolument stériles, et toujours cet affairisme dégoûtant qui semble, en toile de fond, tenir lieu de politique. On imagine les pôles du pouvoir langue pendante, dans les galeries de notre économie asséchée, courant encore après quelque lichette à grappiller çà et là, par-dessus tout ce qu’ils ont déjà dévoré. Amasser des milliards en temps de paix équivaut...

commentaires (3)

Merci pour cet article criant de vérité.

Hughes Leroy

17 h 01, le 15 avril 2021

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Commentaires (3)

  • Merci pour cet article criant de vérité.

    Hughes Leroy

    17 h 01, le 15 avril 2021

  • MAIS MADAME FIFI NOUS N,AVONS QUE DES CLIQUES MAFIEUSES ET DES MERCENAIRES CONTREBANDIERS QUI TIENNENT EN OTAGE CE PAYS. CES GENS NE CONNAISSENT NI PITIE NI SENTIMENTS. ILS MARCHERONT VOLONTIER SUR LES CADAVES DU PEUPLE. D,AILLEUS LES UNS DANS TOUS LEURS DISCOURS MENACENT LES AUTRES D,UNE NOUVELLE GUERRE CIVILE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 58, le 15 avril 2021

  • Désolée de le dire mais on a ce qu’on mérite. Le peuple libanais déçoit le monde par son laxisme face à ce pouvoir dictatorial.

    Sissi zayyat

    11 h 40, le 15 avril 2021

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