Les photos et les vidéos d’un abattage d’arbres à grande échelle dans la région de Ghodress, au Kesrouan, ont permis de révéler un nouveau scandale écologique : des centaines de troncs d’arbres coupés sont visibles sur les clichés partagés par des habitants de la région, qui sont à l’origine de la plainte contre le propriétaire d’un grand projet dans le secteur. Celui-ci aurait, selon les habitants de la région, obtenu un permis d’exploitation sur l’ensemble de la colline où a eu lieu récemment ce carnage, un permis concédé par un grand propriétaire terrien. « Si cet individu poursuit sur sa lancée, nous risquons de voir bientôt toute la colline déboisée », déplore un habitant sous le sceau de l’anonymat.
Un millier d’arbres, des chênes et d’autres espèces, ont été abattus, selon les plaignants. Une source du ministère de l’Agriculture certifie cependant à L’Orient-Le Jour que ce délit ne restera pas impuni. « Nous avons dépêché des contrôleurs sur les lieux et avons dressé un procès-verbal, précise-t-on. Nous avons aussi saisi les scies qui ont servi à couper les arbres. Quant au bois qui a résulté de l’abattage, une quarantaine de tonnes environ, nous n’avons pu le saisir en raison du manque de moyens, mais l’exploitant ne peut en disposer avant que le juge n’émette sa décision. »
Car le ministère de l’Agriculture, dans des cas comme celui-là, transfère le dossier au juge pénal unique de la région donnée, en l’occurrence celui relevant du parquet du Mont-Liban. « On peut s’attendre à un jugement en faveur d’une vente du bois aux enchères, mais parfois dans ces cas-là, le juge peut permettre au contrevenant de disposer du bois en échange d’une amende à payer », souligne cette source. Et pourtant, poursuit-elle, la loi sur les forêts est claire et précise les montants des amendes pour chaque tonne de bois coupée illégalement, prévoyant non seulement des pénalités, mais des peines de prison dans certains cas. Les jugements ne sont malheureusement pas toujours proportionnels à la gravité des actes.
À la question de savoir pourquoi ce n’est pas l’avocat général statuant dans les affaires d’environnement qui se saisit de cette affaire, la source précitée souligne que la procédure impose au ministère de se diriger vers le parquet général. Alors que le parquet environnemental peut être saisi par toute partie qui s’estime lésée par de tels actes et qu’il a la prérogative de prendre une décision immédiate d’arrêt des travaux controversés.
Interrogée sur le permis dont disposait le contrevenant, cette source précise qu’il avait un « permis d’élagage », qu’il a largement outrepassé puisqu’il a été jusqu’à purement et simplement abattre les arbres. « Nous avons eu du mal à obtenir un arrêt effectif des travaux, étant donné que ceux-ci s’interrompaient régulièrement avant l’arrivée de nos contrôleurs qui ont besoin de temps pour parcourir la distance qui les sépare des contrevenants dans ces bois difficiles d’accès, poursuit la source du ministère de l’Agriculture. Les travaux d’abattage reprenaient ainsi souvent l’après-midi, après le départ de nos équipes. Nous avons dû les envoyer plus tard en journée pour épingler enfin les coupables. »
À noter qu’il n’a pas été possible de contacter le principal individu mis en cause dans cette affaire, dont le numéro est apparemment hors service.
Les forêts ont récemment payé le prix d’une série de facteurs qui ont aggravé les agressions dont elles font traditionnellement l’objet en (presque) toute impunité : les confinements successifs qui ont ralenti l’activité des gardes forestiers, la crise économique qui a poussé les habitants à recourir au bois de chauffage avec la hausse des prix du mazout et les tempêtes qui ont provoqué la perte de nombreux arbres, ce qui rend difficile d’estimer l’ampleur de l’abattage proprement dit. Sans compter les convoitises des uns et des autres qui font perdre au Liban ce qui reste de sa couverture végétale.
commentaires (16)
Impossible de construire un ETAT dans ces conditions. Chacun ouvre une boutique à son compte ou il veut quand il veut. Comme toujours les Darak attendent patiemment la fin des travaux avant d’intervenir pour dresser un avertissement oral, puis ils verbalisent, ensuite ils reviennent vérifier si les travaux ne sont pas arrêtés, et enfin ils préviennent les autorités compétentes genre expert juge etc… tout cela trop tard avec un effet irréversible puisqu’il n’y a plus de forêt! c’est comme ceci que ça se passe depuis toujours . Les mauvaises habitudes ont la peau dure.
Le Point du Jour.
22 h 53, le 15 avril 2021