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Pays message

Le Liban officiel célèbre, aujourd’hui 25 mars, une fête singulière. Au-delà d’une manifestation religieuse, une fête voulue de réconciliation et de reconnaissance mutuelles : l’Annonciation, dans son caractère islamo-chrétien. De nombreux artisans de bonne volonté, dont mon propre père, ont œuvré à concrétiser ce récit commun aux Évangiles et au Coran en un jour férié, signe extérieur de tolérance pour le « pays message » loué par le pape Jean-Paul II.

« Signe extérieur de tolérance » est dit ici sans ironie. Le peuple libanais n’a jamais connu autre chose que la mixité. Elle lui a toujours été naturelle, vécue sur un mode civil et cordial, quand la politique et autres instrumentalisations ne s’en sont pas mêlées. Or cette fête est précisément un symptôme de la tolérance perdue, comme tout le reste d’ailleurs, comme tout ce qui a toujours fait le charme de ce pays et que des enchaînements tragiques de mauvais choix ont emporté. L’Annonciation à la libanaise ne fait pas autre chose que monter en épingle un problème artificiel.

Quand on a vu, lors des premières manifestations de l’automne 2019, des chefs religieux de diverses confessions (ou était-ce quelques idéalistes qui voulaient faire joli) parader bras dessus, bras dessous parmi les protestataires, nombre d’entre nous ont perçu l’incongruité du geste. Au milieu d’une foule en colère, bigarrée comme jamais, soudée comme jamais face à une classe gouvernante ayant atteint un niveau himalayen d’incompétence et de corruption, comme jamais terrorisée devant le spectacle de son propre pays donnant de premiers signes d’effondrement inexorable, dévastée de voir son passé, son présent et l’avenir de ses enfants compromis par autant d’égoïsme et de fatuité, la présence naïve de ces séraphins de bazar faisait tache : faux, hors sujet.

La liberté de culte n’a jamais posé problème sous nos latitudes. Mosquées et églises se sont toujours embrassées, on a toujours vu clochers et minarets détacher leurs silhouettes entremêlées sur la toile du crépuscule, cherchant ensemble à toucher le ciel et parfois jouant des coudes et des coudées pour y parvenir. On a toujours reconnu dans nos villes, les yeux fermés, l’aube et le coucher du soleil à la grande rumeur des prières et des carillons qui les accompagne, portée sur les ailes furtives des pigeons attardés regagnant leurs colombiers.

Dans mon collège catholique, à l’appel du muezzin, l’institutrice suspendait le cours et nous invitait au recueillement. Nous n’avons jamais eu besoin de fêtes islamo-chrétiennes pour comprendre spontanément que toutes les religions ne célèbrent, in fine, qu’un même Dieu à travers des rituels et des récits différents qui parfois se recoupent, comme cette annonce faite par l’archange Gabriel à Marie qu’elle sera mère du Christ. Le Coran, en sa sourate III et sa sourate XIX, fait état lui aussi de ce moment gracieux entre tous où Marie, modeste jeune femme, voit apparaître un être parfait qui lui dit cette chose incroyable : qu’elle sera enceinte d’un fils et que celui-ci sera le signe de Dieu envoyé aux hommes.

Alors oui, après une guerre fratricide, plutôt de clans politiques téléguidés par les puissances régionales que cette guerre interreligieuse qu’on a choisi de mettre en avant, peut-être pour cacher l’inavouable sous un tapis de prière ; après une période de prospérité relative où, étrangement, le conflit religieux, du moins islamo-chrétien, a disparu des radars ; et en plein cœur d’une crise polycéphale sans précédent, le peuple libanais a d’autres chats à fouetter que les soucis de culte, de dogme, de traditions ou d’appartenance.

Qu’on laisse à chacun sa foi et ses pratiques, mais qu’on laisse d’abord ce pays s’épanouir avec ses innombrables talents, et son message se diffusera de lui-même. Un aussi petit pays n’est pas si compliqué ni à éclairer ni à nourrir. Rien au monde ne justifie au Liban ni banqueroute ni famine. Sauf une gestion catastrophique et une indifférence totale aux difficultés des gens. Un changement de direction s’impose, dans le plein sens de « direction ».

Le Liban officiel célèbre, aujourd’hui 25 mars, une fête singulière. Au-delà d’une manifestation religieuse, une fête voulue de réconciliation et de reconnaissance mutuelles : l’Annonciation, dans son caractère islamo-chrétien. De nombreux artisans de bonne volonté, dont mon propre père, ont œuvré à concrétiser ce récit commun aux Évangiles et au Coran en un jour...

commentaires (6)

Pays message, un morceau du ciel, pays du vivre ensemble, de la tolérance, du respect de l'autre, etc. Il en est rien, c'était de la propagande, la seule nouveauté est que le monde nous découvre, effaré par le degré du délitement auquel nous arrivons. Le fait d'appeler dans le dernier paragraphe "Qu'on laisse....." résume la situation; puisqu'on réclame des faveurs qui sont en réalité des droits fondamentaux, partout dans le monde, que chacun est supposé en jouir sous les lois actuels du pays !

Shou fi

13 h 05, le 26 mars 2021

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Commentaires (6)

  • Pays message, un morceau du ciel, pays du vivre ensemble, de la tolérance, du respect de l'autre, etc. Il en est rien, c'était de la propagande, la seule nouveauté est que le monde nous découvre, effaré par le degré du délitement auquel nous arrivons. Le fait d'appeler dans le dernier paragraphe "Qu'on laisse....." résume la situation; puisqu'on réclame des faveurs qui sont en réalité des droits fondamentaux, partout dans le monde, que chacun est supposé en jouir sous les lois actuels du pays !

    Shou fi

    13 h 05, le 26 mars 2021

  • Cet article émanant d’une bonne foi ressemble plutôt à un fantasme que les libanais évolués et patriotes ont et cet espoir qu’ils caressent depuis l’existence de ce pays mais qui n’arrive pas à être réel quoi que l’on dise. Il y a toujours des acteurs actifs sur la scène libanaise qui inculquent la haine et nourrissent les complexes chez tous pour diviser et ensuite mieux s’accaparer du pays et de son peuple pour leur propre intérêt et certains libanais continuent à n’y voir aucun mal à l’ existence de ces êtres sectaires et sanguinaires et en redemandent et sont là pour les défendre et porter leur bannière. Ceci est valable pour toutes les confessions.

    Sissi zayyat

    16 h 18, le 25 mars 2021

  • ALLAH YIRHAMOU LA LEBNEN PAYS MESSAGE. AUJOURD,UI IL EST PAR LA TETE DE L,ECHELLE ET LES MERCENAIRES REUNIS DEVENU UN PAYS BORDELIQUE DE M(A)SSAGES MAFIEUX ET UN HAVRE DE LA PAUVRETE ET DE LA FAIM LES ECONOMIES DU PEUPLE AYANT ETE DILUES DANS LES M(A)SSAGES DES MAFIEUX. MEME DANS LES BORDELS LES PATRONNES QUI ECHOUENT A BIEN LES GERER DEMISSIONNENT ET DEGAGENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 20, le 25 mars 2021

  • Ou encore plus loin : """le conflit religieux, du moins islamo-chrétien, a disparu des radars ;"""------ Pour réapparaître quand ? C’est drôle ! Comment écrire et penser le Liban après l’accident (selon certains éditorialistes) du 4 août 2020. Dans l’archipel libanais, on n’a jamais connu des dérives meurtrières, jamais un conflit confessionnel, (jamais un voisin n’aura l’idée d’incendier un lieu de culte), et la guerre en cours ne fait pas de victimes. Jamais de meurtre, ce mot de """""Intellectocide""""", qui vient à ma mémoire, car depuis la mort de Lokman, les sectes sataniques s’en prennent à toute pensée qui relève du libre-examen. Nous sommes un pays message, un pays modèle, et il faut le croire.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    10 h 36, le 25 mars 2021

  • Ah oui, ""LE LIBAN OFFICIEL CELEBRE, AUJOURD’HUI 25 MARS, UNE FETE SINGULIERE"".-------- Le 25 mars, non seulement c’est mon anniversaire, et donc une fête nationale pour mes amis, mais c’est aussi la journée mondiale de la procrastination, et c’est l’occasion pour moi de reporter l’examen de conscience, à plus tard, et de mettre en pause mes "idées contraires" et de remettre à plus tard toute réflexion sur notre enfer quotidien. Mais un commentaire sur, je vous cite : ""MOSQUEES ET EGLISES SE SONT TOUJOURS EMBRASSEES, ON A TOUJOURS VU CLOCHERS ET MINARETS DETACHER LEURS SILHOUETTES ENTREMELEES SUR LA TOILE DU CREPUSCULE, CHERCHANT ENSEMBLE A TOUCHER LE CIEL ET PARFOIS JOUANT DES COUDES ET DES COUDEES POUR Y PARVENIR"". Je ne sais pas si c’est un canular, mais il faut être Libanais pour le croire.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    10 h 27, le 25 mars 2021

  • Parfaitement !

    WARDE Nada

    09 h 22, le 25 mars 2021

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