Alors que la journée de samedi a été marquée par une nouvelle chute subite de la livre libanaise face au dollar, les Libanais sont descendus par centaines dans les rues de Beyrouth et sur les routes de plusieurs régions en province, afin de crier leur colère et leur désespoir face à la crise et à l'inertie des dirigeants.
A Beyrouth, des dizaines de protestataires se sont rassemblés sur la place des Martyrs, lieu symbolique du soulèvement populaire du 17 octobre 2019, et y ont réinstallé des tentes afin de protester contre les crises sans précédent qui frappent le pays et leurs répercussions socio-économiques dramatiques sur la population. Les contestataires ont brandi des drapeaux libanais et scandé des slogans contre la crise et la corruption de la classe politique. Un porte-parole du groupe "Le front du 17 Octobre" a appelé, pendant le sit-in, à "poursuivre la révolution jusqu'à ce que toutes ses revendications soient entendues et que tombent les dirigeants corrompus au pouvoir". "Il est temps que tout le monde manifeste sur les places publiques", a-t-il lancé.
De son côté, l'ancien général Sami Rammah a appelé les Libanais à "descendre dans la rue pour faire tomber les responsables qui négligent le peuple". "La faim est aux portes et les politiques continuent à piller et à appliquer la politique des quotes-parts", a-t-il déploré, en référence aux blocage dans la formation du gouvernement. Il a affiché la solidarité des vétérans de la troupe avec l'armée libanaise, qui subit aussi les retombées de la crise, tel que l'avait déclaré lundi son commandant en chef, le général Joseph Aoun.
Selon la chaîne locale LBCI, des protestataires sont arrivés à Beyrouth de plusieurs régions du pays, notamment de la Békaa et de Tripoli. Plusieurs tentes ont en outre été installés par des groupes de manifestants. Au plus fort du mouvement du soulèvement populaire, de nombreuses tentes avaient été installées sur la place des Martyrs. On y offrait de la nourriture ou des soins aux manifestants. Certaines tentes étaient dédiées aux débats d'idées. Elles avaient été démantelées par l'armée et les forces de l'ordre en février 2020.
Tensions devant le Parlement
Au son de chants révolutionnaires diffusés par des haut-parleurs, les protestataires se sont ensuite mis en route vers le port de Beyrouth. Des slogans ont été lancés appelant à faire éclater la vérité sur la double explosion du 4 août, à préserver l'indépendance de la justice et dénonçant la "négligence meurtrière" des dirigeants. Des contestataires ont par ailleurs brièvement réussi à pratiquer une ouverture dans l'une des fortifications en métal installées pour empêcher tout accès au siège du Parlement. Ils se sont aussitôt retrouvés face aux blocs de béton érigés pour empêcher tout accès au Parlement. Les forces de sécurité déployées de l'autre côté de ce mur se sont défendues en tirant du gaz lacrymogène, dispersant rapidement les manifestants. Les tensions ont repris en fin de journée, faisant un blessé, avant que les manifestants ne quittent les lieux.
Dans le quartier de Hamra, plusieurs dizaines de jeunes se sont assis, dans l'après-midi, à même le pavé devant le siège de la Banque du Liban (BDL) et ont jeté des projectiles en direction du bâtiment. A Sin-el-Fil, à la sortie nord de Beyrouth, un sit-in a eu lieu devant le domicile du président de l'Association des banques Salim Sfeir, à l'appel de groupes représentant les déposants qui subissent des restrictions bancaires illégales.
Sit-in à Tyr et Saïda
A Tyr, au Liban-Sud, une marche a été organisée dans les rues de la ville, afin d'appeler à la chute de la classe dirigeante, drainant des centaines de manifestants, selon notre correspondant Mountasser Abdallah. A Saïda, des dizaines de manifestants du mouvement "la volonté du peuple" se sont rassemblés sur la place des Martyrs avant de partir en procession vers le siège local de la BDL. En chemin, ils ont scandé des slogans contre les dirigeants politiques et le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé, qu'ils ont accusés d'être des "voleurs".
A Adonis, dans le Kesrouan, un supermarché a été pris d'assaut par plusieurs dizaines de personnes vêtues de noir, qui s'en sont pris aux employés, rapporte en outre l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle). Les pillards se sont rués sur les rayons alimentaires de l'enseigne locale du "Charcutier", provoquant la panique des clients se trouvant dans l'établissement.
Dans de nombreuses régions du pays, des routes ont été coupées par des protestataires, notamment en plusieurs points de l'autoroute menant vers le Sud ainsi que dans la Békaa.
Parallèlement à ce mouvement, des proches des pompiers tués lors de la catastrophe au port se sont rendus au siège de l'ONU à Yarzé afin, selon eux, d'attirer l'attention de la communauté internationale sur cette affaire. Prenant la parole lors de ce sit-in, William Noun, frère de l'une des victimes, a déclaré "avoir entendu assez de promesses en l'air". Il a réclamé que les images-satellites captées début août par d'autres pays leur soient remises, afin d'aider à faire avancer l'enquête.
Soulignant que la justice libanaise est "devant un grand défi", il a mis en garde contre une escalade du mouvement lancé par les proches de victimes pour obtenir la vérité. Ces parents de victimes ont ensuite déposé devant le siège de l'ONU des dizaines de bouteilles en plastique contenant des messages adressés à l'ONU et réclamant que justice soit faite.
commentaires (5)
Pourquoi l’armée et les forces de l’ordre s’activent à démanteler les tentes où des citoyens civils et pacifiques se retrouvent pour discuter du sauvetage du pays? Après ils prétendent protéger les citoyens. Les foules dispersées devraient se donner RV dans un endroit précis pour former un convoi vers les institutions étatiques pour déloger les traitres voleurs. TOUS SANS EXCEPTION. Le Liban n’est pas leur propriété et ne veulent pas entendre ça. Ils y vont de discours en décisions nuls à leur image et se barricadent derrières des enceintes en béton quand ça n’est pas dans un bunker.
Sissi zayyat
13 h 21, le 14 mars 2021