Critiques littéraires

Vieillir dans le bonheur

Vieillir dans le bonheur

© Baltel / SIPA

…Mais la vie continue de Bernard Pivot, Albin Michel, 2021, 224 p.

À quatre-vingt-quatre ans, Bernard Pivot nous sert une anthologie de la vieillesse, avec assez de trucages d’identité pour se dissimuler. Ainsi, il avoue être éditeur mais ne souffle mot sur son long et célèbre parcours d’animateur culturel à la télévision. On ne trouve nulle part dans ce livre le mot « Apostrophes ». Mais tout est dit sur la réaction des octogénaires face au temps qui passe. Ils font équipe, un vrai club puisqu’une des leçons à tirer de cette fin de vie, c’est de ne pas s’isoler (pour vieillir heureux, il ne faut pas vieillir caché).

Jusque-là, Pivot s’est contenté de publications à valeur compilatoire : Dictionnaire amoureux du vin (2006), Les Dictées de Bernard Pivot (2002) ou Les Mots de ma vie (2011). Ici, il rédige sur le tard un récit avec un thème central et une composition quasi-romanesque. Le résultat semble bien mitigé : un texte si facile à lire qu’on aimerait bien le voir mieux creuser dans les mécanismes de l’âme humaine et dépasser le côté anecdotique (surtout) en cette phase où la mort domine les consciences ; un dictionnaire du troisième âge avec des consignes sous forme d’engagements : conserver le moral sans se plaindre, rester curieux, profiter tout en affirmant qu’autrefois ce n’était pas mieux qu’aujourd’hui, rêver de demain sans nostalgie ou ajouter à sa vie en l’embellissant et même en s’abonnant à Twitter. Bref, avec Pivot alias Guillaume Surus, la vieillesse ne doit pas ressembler au naufrage dont on a tant parlé.

Bien sûr, vieillir c’est être confronté en permanence à son corps : On échange presque tous les jours entre amis un véritable bulletin de santé, on expose ou tait ses dérèglements. On a surtout peur d’Alzheimer qui s’installe sans s’annoncer, « il est aux vieilles personnes ce que l’ogre est aux enfants ».

La bande mixte, les hommes et leurs compagnes semblent préservés des grandes maladies, alors on s’amuse, on boit, on fait semblant que tout va bien même si le mouvement des membres est devenu lent, les oublis de noms propres de plus en plus fréquents et la curiosité émoussée, la surdité menace et les visites aux toilettes sont bien plus pressantes. Tout dans …Mais la vie continue est familier de l’expérience de l’âge, comme cette scène (à laquelle rares sont les vieux qui y ont échappé) de la belle jeune fille qui vous cède sa place dans le bus ou le métro alors que vous lui avez juste jeté un regard admiratif. Ou la mise en scène de ce couple, membres des Jeunes Octogénaires parisiens qui se chamaillent toujours en public sans jamais être brouillés pour de bon. Ils se querellent pour un rien, façon de prouver qu’ils sont bien en vie. La référence aux livres est toujours présente entre les amis et aussi les mots, rares ou précieux, clin d’œil à la longue aventure de Bernard Pivot entre idiomes et dictées.

C’est chez Michel de Montaigne et plus précisément au dernier passage des Essais qu’il faut trouver le fin mot de l’histoire : « C'est une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être : les plus belles vies, sont à mon gré celles qui se rangent au modèle commun et humain avec ordre : mais sans miracle, sans extravagance. Or la vieillesse a un peu besoin d'être traitée plus tendrement. Recommandons-là à ce Dieu, protecteur de santé et de sagesse. »

…Mais la vie continue de Bernard Pivot, Albin Michel, 2021, 224 p.À quatre-vingt-quatre ans, Bernard Pivot nous sert une anthologie de la vieillesse, avec assez de trucages d’identité pour se dissimuler. Ainsi, il avoue être éditeur mais ne souffle mot sur son long et célèbre parcours d’animateur culturel à la télévision. On ne trouve nulle part dans ce livre le mot...

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