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Culture - Rencontre

Aïda Sabra, une étoile qui brille dans la nuit noire

L’actrice libanaise a reçu le prix de la meilleure actrice pour le court métrage « Al-Najma » du jeune réalisateur Gilbert Karam, au festival « Les Regards de l’ICART » en France.

Aïda Sabra, une étoile qui brille dans la nuit noire

Aïda Sabra a toujours conjugué le mot scène au mode combat pour un monde meilleur où l’art occupe les premiers bancs. Photo Gilbert Karam

Elle évolue sur scène sous les feux des projecteurs. Elle chante, danse et interprète un rôle, des rôles multiples et divers. Elle est applaudie, ovationnée, adulée par le public. Mais quand elle rejoint les coulisses, enlève son maquillage et ses habits de scène, elle redevient elle-même, une femme seule, qui n’a pas de quoi donner à manger à son chat et qui rentre chez elle sous la pluie. Dans ce court métrage de dix minutes intitulé Al-Najma (la star) et réalisé par Gilbert Karam, Aïda Sabra incarne le rôle-titre.

Tourné en 2019 au théâtre Picadilly, jadis haut lieu de la culture à Beyrouth aujourdhui tombé en décrépitude, le film a valu récemment à la comédienne le prix de la meilleure actrice au festival Les Regards de l’ICART, compétition internationale de courts métrages organisée par une équipe d’étudiants de l’ICART (France). « Cette salle de théâtre signifie beaucoup pour moi, confie la comédienne à L’OLJ. D’abord parce que j’y ai vu beaucoup de pièces dans ma jeunesse. Et ensuite parce que j’y ai moi-même interprété un rôle dans Nezha rifiyya ghayr morakhass biha de Yaacoub el-Chadraoui, présentée à l’occasion des 60 ans du Parti communiste, aux côtés de grands noms de la scène comme Boutros Rouhana, Maged Afiouny, Bdour, Paul Chaoul, Élias Khoury… ». Pour l’actrice, ce théâtre aux sièges cassés, aux coulisses brûlées et aux murs moisis ressemble en beaucoup de points à la triste situation des artistes libanais. « Le choix du Picadilly a été une véritable inspiration pour moi et pour la charge émotionnelle que je peux traduire et partager avec les spectateurs », indique Sabra.

Une artiste pluridisciplinaire

Du mime à la danse et du théâtre au cinéma, la comédienne, metteuse en scène et chorégraphe aura fait le tour des arts scéniques. Elle répond toujours « présent » dès qu’on fait appel à elle. Des planches aux plateaux de films, elle récolte les prix avec toujours la même humilité et la même modestie.

Aïda Sabra s’est fait remarquer au cinéma dans Taxi Ballad de Daniel Joseph en 2011, Stable unstable, de Mahmoud Hojeij en 2013, Le Voyageur de Hadi Ghandour en 2016 ou Matloubin de Nibal Arakji en 2019 mais, comme toute grande comédienne, sa porte reste toujours ouverte aux jeunes réalisateurs, si le scénario l’interpelle.

L’artiste a toujours conjugué le mot scène au mode combat pour un monde meilleur où l’art occupe les premiers bancs. Ces dernières années et depuis 2011, on la retrouve soit dans la rue, soit sur scène. Manifestant d’un côté contre le système confessionnel et contre la corruption.

Ou aux côtés de la jeunesse et des disciplines artistiques sous toutes leurs formes comme langage universel qui embrasse toutes les communautés.

Mais après le 4 août 2020, et l’effondrement accéléré du pays, Aïda Sabra, qui n’avait jamais pensé quitter le pays, fait ses valises et part pour le Canada. L’air est plus sain sous d’autres cieux et plus calme, dira cette artiste qui s’est entièrement consacrée à son art et à son pays. « De plus, je suis allée rejoindre mes enfants et dernièrement, mon mari et moi étions sans travail à cause de la crise au Liban. »

Par chance, Aïda Sabra a l’occasion de jouer dans une pièce locale à son arrivée. Son combat continue car, même loin de son pays, elle se sent toujours proche et impliquée : « Nous voulons que notre pays ressemble à nos rêves », soupire-t-elle. Si la comédienne a accepté de jouer le rôle de la Najma dans un film-projet de diplôme, c’est parce que le scénario l’a beaucoup interpellée et qu’elle a fait confiance à ce jeune réalisateur talentueux. « Gilbert Karam est un jeune homme très doué et dévoué au cinéma. Il est très travailleur et ça a été une belle rencontre, dit Sabra. Son film de master parle de notre réalité libanaise. Ces artistes qui vivent sur scène des moments de joie, de gloire et sont ovationnés alors qu’en coulisses et hors-champs, ils vivent une réalité plus amère. J’ai tout de suite compris où Gilbert allait m’emmener alors je lui ai tendu la main », poursuit l’actrice. « Je me souviens qu’à l’université, nos maîtres nous tendaient la main et nous faisaient confiance.

Ce film a participé à plusieurs festivals, je suis contente d’avoir eu ce prix autant pour lui et son film que pour moi. » À signaler que Sabra a été récompensée du prix de la meilleure actrice pour ce même rôle, au Beirut short films. « Mais l’événement coïncidait avec le 4 août et nous avons préféré passer cette nouvelle sous silence. Aujourd’hui, même si la situation du pays n’est pas meilleure, je suis contente de partager ce prix avec tous les Libanais. Comme un message de foi en nos talents et en l’avenir. Il suffit de ne pas perdre l’espoir. »

Car une étoile brille toujours, malgré la noirceur de la nuit.

Elle évolue sur scène sous les feux des projecteurs. Elle chante, danse et interprète un rôle, des rôles multiples et divers. Elle est applaudie, ovationnée, adulée par le public. Mais quand elle rejoint les coulisses, enlève son maquillage et ses habits de scène, elle redevient elle-même, une femme seule, qui n’a pas de quoi donner à manger à son chat et qui rentre chez elle sous...

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