L’appel à la tenue d’une conférence internationale sur le Liban sous parrainage de l’ONU, lancé par le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, continue de faire son chemin.
Le dernier responsable étranger en date à l’avoir relayé serait l’ancien coordinateur spécial de l’ONU pour le Liban, Jan Kubis. Dans un appel téléphonique au patriarche demeuré confidentiel, M. Kubis aurait affirmé avoir transmis l’appel au secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lequel y aurait réagi avec compréhension. C’est du moins ce qu’avançait hier la MTV. Il n’a pas été possible à L’OLJ de confirmer cet appel de source indépendante proche de Bkerké. Toutefois, non seulement le siège patriarcal ne l’a pas démenti, mais en plus, le même jour, le chef de l’Église maronite recevait Najat Rochdi, bras droit de M. Kubis. Or Mme Rochdi a bien précisé qu’elle rencontre le patriarche « dans le sillage de l’appel qu’il a lancé » pour la tenue d’une conférence internationale sous parrainage de l’ONU. La coordinatrice résidente de l’ONU pour les Affaires humanitaires a précisé « avoir bien écouté le chef de l’Église maronite », ajoutant que « l’ONU se tient toujours aux côtés du Liban, qui en est un membre fondateur ». Par ailleurs, l’appel du patriarche continue de gagner en audience nationale. À cet égard, deux événements sont attendus cette semaine : la visite d’une délégation des Forces libanaises à Bkerké, mercredi, sachant que le chef des FL, Samir Geagea, semble être en contact hebdomadaire avec le patriarche maronite, et la visite d’une délégation populaire islamo-chrétienne, samedi, conduite par les anciens députés Farès Souhaid et Ahmad Fatfat.
Une initiative à double portée
Sollicité par L’OLJ, le député FL Pierre Bou Assi, ancien ministre des Affaires sociales, a livré son analyse de l’appel patriarcal. « L’initiative du patriarche est à double portée, estime-t-il. D’une part, il voit à quel point le processus constitutionnel est paralysé, et il appelle à une aide extérieure pour le débloquer, sachant que c’est la population qui en paie le prix fort ; d’autre part, le patriarche veut inverser un processus qui nous a isolés de la communauté arabe et internationale. Il voit bien que ceux qui veulent nous aider doivent forcer leur chemin jusqu’à nous, en l’absence d’un répondant interne. Regardez ce qui s’est passé avec le président français Emmanuel Macron. Il a voulu lancer un plan de sauvetage, il a demandé des réformes, en échange desquelles il s’est engagé à injecter des fonds dans notre économie exsangue, et personne n’a bougé. Nous sommes dans le discours confessionnel étroit, la culture de la peur de l’autre qui permet à certains de se poser en sauveur, alors même que le Liban ne trouve son rôle naturel que dans l’ouverture. »
L’ancien ministre trouve naturel que le Hezbollah s’oppose au projet patriarcal, un peu à la manière du régime syrien qui, durant la guerre civile, s’était opposé à toute internationalisation de la crise libanaise, considérant le Liban comme « sa chasse gardée ». « Mais nous n’allons pas mourir en silence, nous habituer à être traités comme des résidents et non comme des citoyens », ajoute-t-il.
Au sujet du concept de la neutralité du Liban, Pierre Bou Assi conçoit que l’initiative ne puisse déboucher sur du concret. « Tous les projets ne réussissent pas, dit-il. Les bonnes idées n’aboutissent que si le peuple se les approprie. Ce n’est qu’ensuite qu’un modus operandi est trouvé pour le faire. »
Démonstration d’appui
Par ailleurs, à l’appel des deux anciens députés Farès Souhaid et Ahmad Fatfat, le siège patriarcal sera samedi le théâtre d’une démonstration d’appui aux positions du patriarche Raï.
Réuni virtuellement, le rassemblement de Saydet el-Jabal de Farès Souhaid a appelé hier « à répondre à l’appel de Bkerké et à livrer à ses côtés la bataille pour la récupération de la souveraineté et la préservation de l’unité interne et de la paix civile, à agir en faveur du plus large appui international possible à l’application de l’accord de Taëf et des résolutions internationales concernant le Liban (1559, 1680 et 1701), et à sauver le pays de l’effondrement économique ».
Virulente réponse à cheikh Ahmad Kabalan
Notons enfin qu’en réponse à des critiques adressées avec une certaine virulence au patriarche par le mufti jaafarite cheikh Ahmad Kabalan, fils du président du Conseil supérieur chiite Abdel Amir Kabalan, le Centre catholique d’information (CCI), s’exprimant au nom de la commission épiscopale pour les médias de l’Assemblée des patriarches et évêques catholiques au Liban (APECL), s’est indigné de ce que des voix « s’obstinent à dénaturer les appels du patriarche ». « Une conférence parrainée par l’ONU n’a pas pour but de torpiller la formule libanaise ; ce qui menace cette formule, ce sont des projets étrangers à l’entité libanaise et importés d’un État par-çi et d’un projet par-là », peut-on lire dans le communiqué de la commission épiscopale. Et d’enchaîner : « Il n’est pas vrai qu’un congrès international a pour objectif l’occupation du Liban, mais ce qui est vrai, c’est qu’une telle conférence protégera le Liban de l’occupation et du mandat déguisé auquel il est soumis ; et il n’est pas vrai que certains ne voient le Liban qu’à travers les yeux de Tel-Aviv et de la résolution 1559 (NDLR : désarmement de toutes les milices), (…) mais ce qu’il faut exiger aujourd’hui, c’est que la puissance armée soit exclusivement aux mains des autorités légitimes afin de protéger le Liban d’un éclatement infernal en cantons. »
Et le communiqué de s’achever sur des interrogations : « Cherche-t-on à en finir avec l’accord de Taëf, avec le principe de la parité islamo-chrétienne ? Cherche-t-on à isoler le Liban de son environnement arabe ? Les avis du mufti Ahmad Kabalan reflètent-ils les opinions du Conseil supérieur chiite ? »
commentaires (5)
Mr. Kabalan est ce qu'il y a une identité libanaise? Que faire avec vos amis iraniens qui ont détruit notre pays .
Eleni Caridopoulou
18 h 54, le 23 février 2021