Dans son discours de mardi, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s’est senti en devoir de clarifier certaines choses. « Une internationalisation de la crise libanaise, au nom du chapitre VII de l’ONU, équivaudrait à une déclaration de guerre », a-t-il dit sur un ton menaçant. Par ces propos, Hassan Nasrallah réagissait en fait à une déclaration exacerbée du député Anouar el-Khalil (Amal), qui a formulé cette menace pour forcer le chef de l’État, Michel Aoun, à signer le décret de formation du nouveau gouvernement. Il s’en était excusé peu après.
« Cette proposition était aussi légère qu’absurde, estime un analyste proche du Hezbollah qui réclame l’anonymat. Une telle résolution se serait heurtée automatiquement à un veto de la Russie ou de la Chine. » Le chapitre VII de la Charte des Nations unies crée le cadre dans lequel le Conseil de sécurité peut prendre des mesures coercitives et recourir à des mesures militaires « pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».
Mais le secrétaire général du Hezbollah ne faisait-il pas d’une pierre deux coups et ne répondait-il pas aussi subtilement à l’appel récent du patriarche Béchara Raï en faveur de la tenue d’une conférence internationale sur le Liban sous l’égide de l’ONU ?
L’ancien ministre Roger Dib, un proche du patriarche maronite, ne le pense pas. « Les deux propositions sont tout à fait distinctes, dit-il. Je comprends qu’une demande d’internationalisation dans le cadre du chapitre VII de l’ONU soit perçue par le Hezbollah comme une tentative d’éliminer la résistance et soit rejetée. Mais la proposition du patriarche n’a rien à voir avec cela et le Hezbollah n’a jamais réagi officiellement à la campagne en faveur de la neutralité du Liban. Oui, le patriarche souhaite la tenue d’une conférence internationale qui aiderait le Liban à recouvrer sa libre décision, sa souveraineté et son indépendance, qui sont toutes trois confisquées. Le Hezbollah est donc directement visé, mais il l’est au même titre qu’il le serait par cette conférence de dialogue interne sur une stratégie de défense toujours promise et jamais tenue, qui le contraindrait à revenir dans le giron de l’État. »
Équilibre défavorable
« Constatant l’échec interne à résoudre cette crise et la prépondérance croissante d’un équilibre de forces politiques défavorable à l’État, le patriarche laisse explicitement à l’ONU le soin de trouver les moyens juridiques de s’acquitter de son devoir envers l’État libanais », ajoute M. Dib, qui rapproche la demande du patriarche des propos tenus il y a quelques jours par le pape François. Recevant au Vatican les membres du corps diplomatique accrédités auprès du Saint-Siège, le pape a demandé « un engagement politique (…) international renouvelé pour favoriser la stabilité du Liban traversé par une crise interne, qui risque de perdre son identité et de se trouver encore plus impliqué dans les tensions régionales ».
Le patriarche, reprend M. Dib, défend de toutes ses forces le Liban-message, c’est-à-dire un Liban « pluriel » selon les termes du pape, où la présence chrétienne n’est pas « réduite à une minorité qu’il faut protéger ». Et de poursuivre : « Face à la crise économique et financière et à ses conséquences en termes d’émigration et d’exode de cerveaux et constatant la menace que constitue une possible naturalisation des réfugiés sur l’équilibre démo-confessionnel du pays et le risque d’une dérive fondamentaliste signalée par le pape, le patriarche ne peut rester les bras croisés. Il fait ce qu’il est en son pouvoir de faire. Il est normal que, face à tous les dangers que le Liban court, y compris en raison de l’engagement régional du Hezbollah, le patriarche crie au secours et en appelle à la communauté internationale. »
« Face à Israël, poursuit M. Dib, le Hezbollah assure qu’il possède désormais une force de dissuasion, mais nous ne savons pas quand cet équilibre peut être rompu et se transformer en confrontation, sans compter qu’une stratégie de confrontation doit être soutenue par une économie de guerre dont nous n’avons ni les moyens ni le désir. »
Et M. Dib de conclure : « Le patriarche réclame une conférence internationale sur le Liban et laisse à l’ONU le soin d’en trouver les moyens juridiques, et non militaires. Il le fait, à mon sens, en désespoir de cause et ne demanderait pas mieux que les Libanais soient en mesure de régler leurs problèmes sans l’aide de la communauté internationale. Mais voilà des années que l’on tente de le faire sans y parvenir. Finalement, il ne peut que constater la justesse du diagnostic du président Emmanuel Macron qui, lors d’une rencontre avec la presse le 27 janvier dernier à l’Élysée, a déclaré que l’initiative française pour la formation d’un gouvernement au Liban est toujours en vigueur, mais a dénoncé un “système libanais qui se trouve dans l’impasse du fait de l’alliance diabolique entre la corruption et la terreur”. L’ambassadrice de France, Anne Grillo, qui a récemment été reçue à Bkerké, a réaffirmé que la France se tient aux côtés du patriarche. Que celui qui a une meilleure proposition l’avance ! »
Que ne s'est-il reveillé plus tôt? Il a encensé aoun et son parti pourri des années durant, de ce fait, il est aussi coupable.
23 h 44, le 18 février 2021