Hezbollah : la nouvelle dissuasion

À peine le secrétaire général du Hezbollah avait-il achevé son discours mardi soir que le département de l’information au sein de la « résistance » a diffusé une vidéo essentiellement adressée aux Israéliens et en particulier aux sionistes. Dans une parfaite synchronisation, la vidéo relaye les propos de Hassan Nasrallah relatifs à la nouvelle équation de dissuasion.

Si la plupart des médias libanais ont en effet repris le volet interne du discours du leader chiite, celui-ci comprenait une partie consacrée à la lutte contre Israël. Hassan Nasrallah s’y est notamment étendu sur la détermination du Hezbollah à mener une riposte appropriée à la mesure de toute attaque israélienne, expliquant ainsi qu’à chaque bombardement d’un village libanais correspondra, de la part de sa formation, le bombardement d’une colonie de peuplement de l’autre côté de la frontière. De même, le bombardement d’une ville libanaise provoquera celui d’une ville israélienne et ainsi de suite, dans ce que Hassan Nasrallah a appelé « la riposte équilibrée ».

L'edito de Gaby Nasr

Cirques divers

La vidéo diffusée par le Hezbollah, qui comporte des images satellitaires et reprend des extraits de discours du Premier ministre israélien et des déclarations de militaires, vise à montrer aux Israéliens que leurs villes, leurs villages et leurs colonies de peuplement abritent des sites militaires dangereux. Les images satellitaires accompagnées de commentaires explicatifs, et de ce qu’on appelle « les coordonnées militaires », montrent aussi que le Hezbollah connaît parfaitement l’emplacement de ces installations. À l’aide d’un chiffrage utilisé dans les cartes militaires, la vidéo montre que le parti chiite peut cibler toutes ces installations au cœur même des villes et des villages, si l’envie venait aux Israéliens de bombarder des cibles libanaises. La vidéo est très détaillée et explicite, indiquant la nature de la cible visée, qu’il s’agisse d’une position militaire, d’un dépôt d’armes ou même d’une usine de fabrication d’équipements militaires.

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À travers cette vidéo, Hassan Nasrallah a donc voulu répondre aux allégations de certains responsables israéliens, notamment le Premier ministre Benyamin Netanyahu qui avait à plusieurs reprises, cartes à l’appui, dénoncé ce qu’il avait appelé « les installations militaires du Hezbollah en pleines zones résidentielles ». Le secrétaire général du Hezbollah a déclaré en quelque sorte : « Vous nous accusez d’avoir des installations militaires dans les villes et les villages, mais regardez donc un peu chez vous ce qu’il y a. Nous connaissons toutes les cibles à la perfection et nous pouvons les atteindre grâce à nos missiles. »

Selon les sources proches du parti, cette formation cherche à utiliser à fond la stratégie de la dissuasion avec les Israéliens en s’adressant à l’opinion publique israélienne, à la fois pour la monter contre ses dirigeants (comme cherchent d’ailleurs à le faire les Israéliens avec l’environnement populaire du Hezbollah) et en même temps, pour montrer l’étendue des informations militaires détenues par la formation et la crédibilité de ses menaces.

Toutefois, selon les mêmes sources, la vidéo diffusée par le Hezbollah montre aussi que celui-ci prend au sérieux les menaces israéliennes de mener une attaque contre le Liban.

Il faut rappeler qu’il y a quelques jours, les Israéliens avaient effectué près de la frontière du Liban des manœuvres militaires appelées « jours de combats », selon une nouvelle stratégie militaire qui préconise de mener « une petite guerre » entre deux grandes.

Selon les informations de sécurité parvenues au parti pro-iranien, les Israéliens songeraient sérieusement à mener des attaques ciblées contre ce qu’ils qualifient d’installations militaires de la formation. Le but de ces attaques serait de détruire des dépôts ou des usines de fabrication de missiles, sans toutefois déclencher une guerre de grande envergure. D’où le nom de « petite guerre entre deux grandes ».

Selon les estimations du Hezbollah, cette option serait sérieusement envisagée en cette période de flottement avant les élections législatives en Israël prévues le mois prochain et surtout avant que la nouvelle administration américaine n’ait eu le temps d’ouvrir le dossier du conflit israélo-palestinien. Il faut préciser à cet égard que l’administration du président Joe Biden a fait savoir qu’elle comptait relancer dès que possible les négociations israélo-palestiniennes sur la base de la solution des « deux États », que Benjamin Netanyahu et son camp avaient acceptée à contrecœur lors du mandat du président Barack Obama, tout en faisant de leur mieux pour la rendre impossible à travers la multiplication des colonies de peuplement dans les zones qui devraient faire partie du territoire de l’État palestinien. Benjamin Netanyahu et son camp préféraient ainsi clairement le « deal du siècle » proposé par l’administration de Donald Trump, dont il n’est toutefois plus question aujourd’hui.

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Dans ce contexte aux contours encore imprécis, les Israéliens songeraient donc à lancer des attaques ciblées contre le Hezbollah au Liban, d’une part pour assurer une victoire claire à Benjamin Netanyahu aux prochaines élections et, d’autre part, pour créer un fait accompli avant que se précise la nouvelle politique américaine pour la région. Mais tout le principe de ces attaques est d’être ciblées, d’atteindre leurs objectifs et de ne pas provoquer une guerre de grande envergure. Les dernières manœuvres militaires israéliennes se concentraient d’ailleurs sur une action militaire rapide et décisive contre le parti chiite.

C’est pourquoi ce dernier a voulu montrer aux Israéliens qu’une telle option est impossible, car à toute attaque de leur part répondra une riposte de la même ampleur. La vidéo diffusée, qui comporte des données militaires, dépasse donc cette fois le cadre de la guerre psychologique. Elle s’adresse aussi directement aux responsables politiques et militaires israéliens qui sont en mesure de comprendre le langage quasiment codé de la vidéo, et de mesurer l’ampleur et la précision des données que possède le Hezbollah et sa détermination à riposter. Telle est la « nouvelle dissuasion » voulue par Hassan Nasrallah. Le message sera-t-il reçu par les Israéliens ? Les prochaines semaines le diront.