
Walid Joumblatt et Nabih Berry à Aïn el-Tiné, hier. Photo ANI
Dans son discours prononcé mardi soir, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a adressé un message politique important au Premier ministre désigné, Saad Hariri, mais aussi et surtout à son allié, le leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, interdisant explicitement à ce dernier de disposer, aux côtés de Baabda, du tiers de blocage dans le gouvernement en gestation depuis des mois.
En contrepartie, Hassan Nasrallah a voulu concéder comme un lot de consolation à M. Bassil, en prenant position en faveur de ce dernier dans le bras de fer qui l’oppose au leader druze Walid Joumblatt dans la Montagne. Concrètement, le secrétaire général a proposé d’élargir la future équipe à 20 membres, voire 22, afin notamment d’y intégrer un ministre druze qui serait choisi par le chef du Parti démocratique libanais, Talal Arslane, principal adversaire du leader de Moukhtara sur la scène druze. Face à un Saad Hariri de plus en plus déterminé à mettre sur pied une équipe restreinte de 18 ministres sans tiers de blocage, le numéro un du Hezbollah a ainsi cherché à désamorcer cet enjeu-là, choisissant soigneusement ses mots aussi bien pour plaider pour une mouture gouvernementale élargie que pour couper l’herbe sous les pieds de Gebran Bassil. Il a donc affirmé « comprendre les craintes de Saad Hariri » concernant le fait qu’une formation quelconque détienne à elle seule le tiers de blocage, estimant qu’« augmenter le nombre de ministres à 20 ou 22 permettrait d’arrondir les angles ».
Hassan Nasrallah disait ainsi de manière explicite ce que le secrétaire général adjoint du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem, suggérait déjà récemment. Dans une interview accordée à la radio al-Nour (média gravitant dans l’orbite du parti chiite), le 5 février, ce dernier avait appelé le président de la République et le chef du gouvernement désigné à « arrondir les angles » de manière à faciliter la mise sur pied d’un cabinet. C’est donc la première fois que le Hezbollah se prononce aussi clairement contre l’attribution du tiers de blocage au CPL, rejoignant ainsi l’ensemble du spectre politique. Mais il reste que son lot de consolation à Gebran Bassil pourrait déclencher une nouvelle bataille politique avec Walid Joumblatt. Farouche opposant au tandem Baabda-CPL ainsi qu’au Hezbollah, le chef druze a multiplié récemment les signes de soutien indéfectible à Saad Hariri, dans sa lutte pour un gouvernement conforme aux dispositions de l’initiative française en faveur du Liban. Il avait même appelé M. Hariri à jeter l’éponge et « laisser le camp adverse gouverner » le pays.
Les prémices du nouveau round de cette offensive politique contre Walid Joumblatt sont apparues avant même le discours de Hassan Nasrallah. Quelques heures auparavant avant son discours, des personnalités druzes pro-8 Mars s’étaient réunies sous l’égide de Talal Arslane à Khaldé et avaient plaidé pour « une représentation équitable des druzes », ce qui signifie leur rejet d’un monopole joumblattiste de la représentation druze au sein d’un cabinet de 18.
Mais au lendemain du discours de Hassan Nasrallah, le président de la Chambre, Nabih Berry, a reçu M. Joumblatt à Aïn el-Tiné. Il s’agit du premier entretien entre les deux hommes depuis que M. Berry est sorti de son silence et a appelé, dans un communiqué publié le 1er février, à ce qu’aucun camp n’obtienne le tiers de blocage. L’entretien d’hier a-t-il constitué une occasion pour M. Berry de calmer les appréhensions de M. Joumblatt ? Le flou entoure la réponse des milieux de Aïn el-Tiné qui se contentent d’assurer qu’aucun camp n’aura le tiers de blocage.
Calculs minutieux
Cependant, élargir le cabinet de 18 à 20 ou 22 ministres bute sur des obstacles significatifs. Lors de son discours incendiaire prononcé dimanche à l’occasion de la commémoration de l’assassinat de son père, Rafic Hariri, le Premier ministre désigné a renouvelé son attachement à la mise en place d’une équipe de 18 sans tiers de blocage. Au sein d’un tel cabinet, les ministres seraient répartis à raison de six pour le duo Hariri-Joumblatt, six pour le tandem Aoun-CPL, et six pour le Hezbollah, Amal et leurs alliés, Marada et Parti syrien national social. Monter à 20 (par l’ajout d’un ministre druze et d’un autre grec-catholique) en attribuant le druze aux aounistes reviendrait à accorder à ces derniers le tiers de blocage (7 sur 20), ce qui est absurde puisque le chef du Hezbollah rejette lui-même cette option. Reste donc la formule de 22 ministres (ou plus). Dans ce cas, point de tiers de blocage pour Baabda et le CPL, mais un petit casse-tête d’ordre confessionnel, dans la mesure où cette formule susciterait un déséquilibre entre les diverses communautés, sauf si au grec-catholique et au druze, on ajoute un membre des minorités chrétiennes et un alaouite (dans ce dernier cas ce serait une première). Le plus simple alors serait de passer à 24 (les 18 initiaux + un ministre pour chacune des six plus grandes communautés)
La position joumblattiste
Quoi qu’il en soit, l’éclaircie n’est pas pour demain, les protagonistes politiques campant sur leurs positions traditionnelles et se renvoyant les accusations de blocage.
De son côté, et en attendant un déblocage au niveau local, Saad Hariri a entamé hier au Qatar une tournée qui devrait le mener en Irak et aux Émirats arabes unis. À Doha, M. Hariri s’est entretenu avec le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Mohammad ben Abdel Rahman ben Jassem al-Thani. Ce dernier s’était rendu à Beyrouth, le 9 février, mais n’avait pas rencontré le chef du gouvernement désigné, alors en déplacement à Paris.
Dans l’attente des résultats de cette visite, les aounistes préfèrent ne pas commenter le discours de Hassan Nasrallah. Assurant que le dossier gouvernemental est entre les mains du président de la République et du Premier ministre désigné, ils attendent, en outre, la conférence de presse de Gebran Bassil, prévue dimanche.
Tout comme les aounistes, les joumblattistes renvoient la balle gouvernementale dans le camp de MM. Aoun et Hariri. Ils disent donc ne pas être concernés par les appels à l’élargissement du cabinet. Mais un proche de Walid Joumblatt tient à préciser qu’en cas de formation d’un cabinet de 20, le second ministre druze devrait faire partie du lot joumblattiste aussi, et ce suivant le critère du poids parlementaire des protagonistes.
Encore une fois il ne s‘agit pas de projets mais d’individus. Qu‘est ce que feront les élus ou plutôt désignés. Que font nos députés, maires etc Est-ce que quelqu’un a un projet quelconque? Quand est-ce qu’on apprendra comme d‘autres pays à élire un projet et non un individu l‘un plus ignoble que l‘autre.
13 h 06, le 18 février 2021