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Économie - Augmentation de capital

Le secteur bancaire demande un nouveau délai à la BDL pour assurer ses arrières

Si la date butoir à fin février rendait effective la faillite ou la mise sous tutelle des banques qui n’auraient pas répondu aux demandes de la banque centrale, elles risqueraient une enquête sur leur défaut revenant sur une période dite « suspecte » et précédant le 17 octobre 2019.

Le secteur bancaire demande un nouveau délai à la BDL pour assurer ses arrières

L’Association des banques du Liban (ABL) a envoyé une requête officielle à la banque centrale pour prolonger une nouvelle fois le délai accordé par la BDL pour une recapitalisation. Photo João Sousa

Avec une dernière échéance prévue à fin février 2021, la recapitalisation des banques libanaises, imposée dès novembre 2019 par la Banque du Liban (BDL) et nécessaire à leur maintien sur le marché pour un assainissement du secteur désormais vital, semble se confirmer comme une mission impossible dans le temps imparti pour la majorité d’entre elles. Une situation qui a finalement poussé l’Association des banques du Liban (ABL) à envoyer une requête officielle à la banque centrale pour prolonger une nouvelle fois le délai accordé par cette dernière afin de leur permettre de souscrire à cette obligation.

Si cette démarche était prévisible, la surprise vient plutôt de l’argumentaire utilisé pour l’appuyer. Dans son courrier, dont L’Orient-Le Jour a pu consulter une copie, l’ABL invoque en effet la récente législation relative à la suspension de tous les délais légaux, judiciaires et contractuels, et dont l’application, selon l’étude juridique annexée à cette demande, s’étendrait au secteur bancaire.

« S’il existe des arguments plaidant pour l’indulgence de la BDL quant à ses délais imposés aux banques pour leur restructuration, retarder encore l’échéance revient à jouer à l’autruche alors que le secteur est proche de la faillite, pour ne pas dire déjà en faillite ! » s’indigne une source juridique contactée par L’Orient-Le Jour. Mais une autre, proche de l’ABL, souligne à la fois qu’« aucune des banques n’a jusqu’à présent été en cessation de paiement », rejetant ainsi la présomption de banqueroute des banques, et que « la loi s’applique à tout le monde », pour justifier que le secteur bancaire puisse bénéficier des aménagements votés par le Parlement en cette période de crise, aggravée par la pandémie de Covid-19 et par l’explosion dévastatrice au port de Beyrouth le 4 août dernier.

Encore un an, au minimum

Au cœur de la tempête économique et financière que traverse le Liban depuis plus d’un an, le secteur bancaire se débat pour sa survie au détriment des déposants libanais dont l’accès à leurs économies est, indûment et de manière informelle, restreint depuis l’été 2019. Une pratique qui s’est généralisée dans le sillage de la contestation contre la classe dirigeante enclenchée le 17 octobre de la même année. C’est également à cette période que la BDL, consciente de la détérioration de la situation, a demandé aux banques du pays, via la circulaire n° 532 du 4 novembre, d’augmenter leur capital de 20 % par rapport à fin 2018, obligation se devant alors d’être finalisée à fin juin 2020.

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Constatant l’échec de ce processus, à peine entamé pour la plupart des banques, le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, a décidé de sa prolongation jusqu’à fin février 2021 en publiant, le 27 août dernier, la circulaire n° 154, tout en y ajoutant des obligations supplémentaires, comme le placement auprès de leurs banques correspondantes à l’étranger d’au moins 3 % des dépôts libellés en devises que les établissements bancaires possédaient au 31 juillet 2020.

Un nouveau délai qui va finalement se révéler tout aussi insuffisant que le premier, alors que l’activité du secteur se résume à tenter d’honorer les demandes de retrait des déposants. Selon plusieurs sources au sein du secteur, rares sont en effet les banques qui ont réussi à rapatrier assez d’argent pour satisfaire les exigences de la BDL, tandis que les rumeurs faisant état d’une demande d’un délai supplémentaire se sont intensifiées depuis le début de l’année. C’est dans ce contexte qu’intervient la nouvelle requête de l’ABL, dont le courrier a fuité dans la presse peu après sa rédaction.

Dans son étude, l’ABL invoque plus spécifiquement le droit de bénéficier de la suspension des délais légaux, administratifs et contractuels mis en place en mai dernier par la loi n° 160 sur la période allant du 28 octobre 2019 au 30 juillet 2020. Une loi prolongée en août par la loi n° 185 jusqu’à fin décembre 2020. Selon l’étude juridique de l’ABL, ces lois successives ont donc suspendu le délai prévu par la circulaire n° 532 et mis sur pause la tâche de restructuration des banques. Enfin, en raison du nouveau confinement entamé le 7 janvier 2021, la loi

n° 212 a de nouveau mis en vigueur la prorogation des mêmes délais. Ainsi, poursuit l’ABL, en tenant compte de la suspension des délais, les banques n’ont eu, en tout et pour tout, que six jours, entre le 1er et le 6 janvier 2021 inclus, pour s’atteler à leur augmentation de capital. De ce fait, « il leur reste presque toute la période qui leur avait été octroyée par la BDL pour remplir leurs différentes obligations et qui a été pratiquement prorogée suite aux différentes lois qui ont suspendu les délais », décrypte la source proche de l’ABL. Au moins un an donc, à compter de la fin de cette nouvelle période de bouclage.

Une approche rejetée par un juriste contacté qui critique cet argumentaire en soulignant que l’une des dispositions de cette loi exclut du bénéfice de la suspension les délais « accordés par l’administration ou ceux prévus par celle-ci et qui relèvent de sa discrétion ». Or, « l’étude de l’ABL reconnaît le pouvoir réglementaire, donc administratif, des circulaires de la BDL pour le lui dénier ensuite sous prétexte de cette loi », explique-t-il.

Une échéance trop risquée

Selon cette interprétation, les à-coups de la crise, entre le mouvement de contestation, la pandémie et l’explosion au port, et la législation sur les délais auraient donc permis aux banques de gagner un temps précieux quant à leur restructuration et de repousser par là une possible faillite ou mise sous tutelle. En effet, la circulaire n° 154 prévoit clairement des sanctions pour les banques qui ne parviendraient pas à appliquer les règles édictées, dont celles prévues à l’article 208 du Code de la monnaie et du crédit (du simple avertissement à la suppression de la liste des banques). Le texte mentionne également les dispositions prévues par les lois n° 2 de 1967 de mise en faillite des banques et n° 110 de 1991 de leur mise sous tutelle. Une loi déjà utilisée par Riad Salamé lors des sanctions par le Trésor américain sur Lebanese Canadian Bank en 2011 et Jammal Trust Bank en 2019. « Il s’agissait là de banques pourtant bien portantes, alors pourquoi ne l’appliquerait-il pas sur celles dont la santé est plus que défaillante ? » poursuit la source juridique susmentionnée.

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« Une mise sous tutelle ne signifie pas une faillite mais, dans les deux cas, les biens, les actifs et les comptes de l’ensemble des dirigeants, administrateurs, fondés de pouvoir et commissaires aux comptes des banques concernées qui étaient en poste pendant une période rétroactive de 18 mois, dite “suspecte”, sont gelés et saisis (saisie conservatoire) et le secret bancaire levé sur leurs comptes. Un tribunal spécial est chargé par la BDL d’enquêter sur tout ce qui pourrait engager leur responsabilité dans le défaut de leur banque. Une commission spéciale est également nommée où sont représentés les créanciers afin d’établir un inventaire précis des actifs, passifs et droits pour être transférés à la BDL qui se subrogera à la banque en difficulté et paiera les dus par le biais de l’Institut national de garantie des dépôts », détaille la même source. Ainsi, si la date butoir du 28 février 2021 rendait effective la faillite ou la mise sous tutelle des banques qui n’auraient pas répondu aux demandes de la banque centrale, « cela reviendrait à enquêter sur une période précédant le 17 octobre 2019 », calcule-t-elle. Un risque que les banques ne semblent pas prêtes à prendre.

Un jeu dangereux

Pour autant, et au-delà de la question des délais, les décisions de la BDL pour une recapitalisation du secteur présentent des problèmes d’équité entre les banques, mais aussi entre les déposants. En effet, une autre disposition de la circulaire n° 154 appelle les banques à convaincre leurs clients qui ont transféré plus de 500 000 dollars à l’étranger, entre le 1er juillet 2017 et le 27 août dernier, d’en rapatrier au moins 15 % dans un compte bloqué pendant cinq ans, tout en fixant ce ratio à 30 % pour les membres des conseils d’administration des banques, les grands actionnaires et les personnes politiquement exposées. Un jeu dangereux pour les déposants qui « se laisseraient convaincre », selon Jean Riachi, PDG de la FFA Private Bank. En effet, « la conversion de dépôts en titres de capital sous une forme volontaire crée des problèmes juridiques et d’équité parmi les déposants et actionnaires, sachant que la recapitalisation des banques à ce stade se fait sur base d’une évaluation des pertes irréaliste, sous-estimée par la banque centrale », explique-t-il.

Pour rappel, aucun consensus sur cette estimation n’a été trouvé entre l’exécutif et le secteur bancaire courant 2020, tous deux divergeant sur la manière de comptabiliser ces pertes.

Un problème d’équité entre les déposants qui ne pourrait être résolu que par « une loi de résolution bancaire nécessaire à la recapitalisation et aux autres mesures liées à la restructuration du secteur » et permettant, entre autres, d’éviter le précédent espagnol de la banque Bankia il y a une décennie. De fait, « après de grosses pertes, cette banque a essayé d’augmenter son capital auprès du marché et des banques d’investissement pour ensuite se tourner, après refus, vers ses déposants. Ceux-ci se sont finalement retrouvés, après transfert et conversion de leurs dépôts en capital, avec des actifs à valeur nulle à cause d’une estimation insuffisante des pertes de la banque », illustre-t-il. Le scandale se transformant en procès, avec des dirigeants de la banque espagnole passant par la case prison. « En dehors de toute estimation réelle des pertes, d’un plan gouvernemental cohérent et d’un cadre législatif de résolution bancaire via une entité indépendante, la recapitalisation est tout bonnement impossible », conclut le banquier. Peu importent les délais donc.



Avec une dernière échéance prévue à fin février 2021, la recapitalisation des banques libanaises, imposée dès novembre 2019 par la Banque du Liban (BDL) et nécessaire à leur maintien sur le marché pour un assainissement du secteur désormais vital, semble se confirmer comme une mission impossible dans le temps imparti pour la majorité d’entre elles. Une situation qui a finalement...

commentaires (2)

Retardez autant que vous voulez, vous ne perdez rien au change. Vous finirez bien par nous rembourser notre argent, and dollars sonnants! Eh, vous savez quoi? Le Libanais est fou, il est armé, et il sait où vous habitez...

Gros Gnon

12 h 52, le 01 février 2021

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Commentaires (2)

  • Retardez autant que vous voulez, vous ne perdez rien au change. Vous finirez bien par nous rembourser notre argent, and dollars sonnants! Eh, vous savez quoi? Le Libanais est fou, il est armé, et il sait où vous habitez...

    Gros Gnon

    12 h 52, le 01 février 2021

  • Le gangster en chef n’arrive pas à faire respecter ses règles aux autres gangsters notamment ceux des banques dites alpha alors qu’elles sont à peine zeta

    Lecteur excédé par la censure

    07 h 59, le 01 février 2021

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