Les grandes lignes d’un large front d’opposition au président de la République, Michel Aoun, et son camp continuent de se dessiner lentement mais sûrement. Des efforts sont déployés dans ce sens de la part d’anciens Premiers ministres, notamment Fouad Siniora, Nagib Mikati et Tammam Salam, mais aussi du Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt. Sauf que pour garantir le succès de leur démarche, les personnalités concernées entendraient y inclure les partis chrétiens hostiles au pouvoir. Mais cette tâche semble jusqu’ici difficile.
Les quatre premières années du sexennat Aoun ont clairement départagé les principales formations chrétiennes entre les deux camps opposant et loyaliste. Le Courant patriotique libre constitue naturellement le principal appui au président Aoun, son fondateur. En face, les Forces libanaises, les Kataëb et les Marada de Sleiman Frangié en sont de farouches opposants, mais pour des motifs variés, ce qui rend difficile leur unification dans le cadre d’un même front.
Les rapports entre le tandem Baabda-CPL d’une part et les FL de l’autre sont pratiquement rompus, depuis la mise en échec de l’accord de Meerab conclu entre les deux partis en 2016. Depuis, Samir Geagea multiplie les signes de son opposition au pouvoir, en commençant par démissionner du gouvernement Hariri et en se rangeant parmi ceux qui plaident pour la tenue de législatives anticipées, comme le veut le mouvement de contestation. « Nous sommes convaincus que c’est la seule façon d’opérer le changement attendu », affirme à L’Orient-Le Jour un responsable du parti. Mais il semble conscient qu’une telle démarche ne peut s’opérer d’une manière unilatérale. « Nous avons donc décidé de mener des contacts avec tous les protagonistes hostiles au pouvoir en place, y compris le Futur, le PSP, les Kataëb et les anciens Premiers ministres, pour que soit mis sur pied une opposition unifiée qui plaiderait surtout en faveur de législatives anticipées », explique encore le responsable FL.
À travers ce genre de discours principalement articulé autour d’un changement qui débuterait par le Parlement, le parti de Samir Geagea semble éviter de plaider ouvertement pour le départ anticipé de Michel Aoun. Le chef des FL est d’ailleurs convaincu que le camp détenant la majorité (le 8 Mars) n’élira pas un président dont les convictions différeraient de celles de Michel Aoun. « En 2005, tous les protagonistes, y compris les chrétiens, ont convergé sur l’appel à la démission d’Émile Lahoud. Mais il n’a quitté son poste qu’en 2007 », rappelle le responsable FL, insistant sur l’importance de l’unification des efforts des opposants.
Il reste que la mise sur pied d’une telle alliance élargie suppose la relance des contacts entre les FL et les Kataëb, dont les rapports sont en dents de scie depuis 2016. « Les divergences observées entre les partis ne devraient pas entraver les contacts portant sur l’unification des opposants », commente toutefois le responsable au sein de la formation de Samir Geagea.
De leur côté, les Kataëb, opposés à Michel Aoun depuis 2016, ne semblent pas au courant de la réunion tenue il y a quelques jours au domicile de Tammam Salam en présence de Fouad Siniora, Nagib Mikati et Walid Joumblatt. « Nous ne pouvons pas prendre une décision avant que l’on nous explique les détails », se contente de souligner à L’OLJ une source haut placée du sein du parti. Il n’en demeure pas moins que les Kataëb plaident eux aussi pour des élections anticipées. Et leur chef, Samy Gemayel, multiplie les appels à ce que « les forces du changement » forment un front, afin de donner à leur action plus d’efficacité.
A contrario, les Marada n’entendent aucunement se joindre aux opposants au président de la République. « Il s’agit d’une position de principe », commente un proche de Sleiman Frangié, rappelant qu’en dépit de leur opposition aux aounistes, les Marada partagent avec le tandem Baabda-CPL la même ligne stratégique et les mêmes alliances. Une façon d’éviter de mettre le Hezbollah au pied du mur entre ses deux alliés chrétiens, même si les rapports entre les partis de Hassan Nasrallah et Gebran Bassil ne sont pas au beau fixe, du moins pour le moment.
La position de Bkerké
Pour Karim Bitar, directeur de l’Institut des sciences politiques de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, « il sera difficile de pousser les chrétiens à rejoindre un front hostile à Michel Aoun, parce que le patriarcat maronite a une position de principe au sujet de la démission du président ». « On a beau reprocher au patriarche Nasrallah Sfeir son opposition à la fameuse manifestation qui devait servir à faire tomber le mandat Lahoud (en 2005), rappelle M. Bitar, il n’est pas facile de former une opposition chrétienne, parce que Michel Aoun possède encore le soutien d’une partie de la rue chrétienne qu’il pourrait mobiliser. » « À cela s’ajoute le fait que certains chrétiens s’opposent à M. Aoun pour des motifs aussi bien politiques que personnels et présidentiels », ajoute-t-il dans une pique tant à Samir Geagea qu’à Sleiman Frangié.
commentaires (18)
unifier les Chrétiens.? Unifier les musulmans.? et pourquoi pas unifier les libanais? C'est triste.
PPZZ58
18 h 02, le 16 janvier 2021