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Économie - Restrictions bancaires

Seuls 16 % des 100 millions de dollars dédiés aux industriels ont été débloqués, selon l’AIL

Le Fonds Cedar Oxygen lancé en juillet a récemment commencé à octroyer des prêts au secteur.


Seuls 16 % des 100 millions de dollars dédiés aux industriels ont été débloqués, selon l’AIL

Les industriels réclament la mise en place d’un contrôle formel et équitable des capitaux. Photo P.H.B.

Majoritairement obligés de se confiner depuis hier et pour une dizaine de jours comme le reste du pays, les industriels ont réagi à une déclaration de leur ministère de tutelle sur un tout autre sujet : celui de l’enveloppe de 100 millions de dollars mis à leur disposition pour pouvoir effectuer des transferts à l’étranger malgré les restrictions bancaires en vigueur depuis le début de la crise qui s’aggrave depuis un an et demi, sur fond d’effondrement de la livre.

Dans un court communiqué, le ministère a en effet « rappelé » que les bénéficiaires devaient transférer de l’étranger vers leurs comptes en banque sur le territoire libanais une partie du produit des marchandises fabriquées avec les matières premières qu’ils avaient pu importer via ce dispositif institué en mai dernier par la circulaire n° 556 de la Banque du Liban (BDL).

Si cette déclaration n’a rien de problématique en soi, le vice-président de l’Association des industriels libanais (AIB) a souhaité en profiter pour clarifier certains points concernant ce dossier, en commençant par le fait que la banque centrale n’avait jusqu’à présent débloqué que 16 % des 100 millions prévus. « Le ministère de l’Industrie, qui a été d’un grand soutien, a validé des demandes englobant une enveloppe de 51 millions de dollars selon les procédures prévues, mais la BDL n’a finalement validé que 16 millions », a ainsi regretté Ziad Begdache. « Ce n’est qu’il y a environ quatre mois que les choses ont commencé à bouger, alors même que le dispositif devait en principe être actif depuis mai », relève encore M. Begdache, qui ajoute que le secteur parvient toujours à exporter 200 millions de dollars de marchandises par mois.

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Contacté, le département chargé du dossier à la BDL n’était pas disponible pour vérifier ces éléments. Une source bancaire a pour sa part confirmé que le processus de validation des dossiers était « compliqué » et que très peu de dossiers avaient été validés. Ziad Begdache ajoute que le rappel du ministère a été publié après que certains médias locaux eurent relayé mercredi soir, en citant des sources à la BDL, que les industriels avaient utilisé cette enveloppe pour exfiltrer leur argent du pays. Une accusation que l’Association rejette catégoriquement.

Mise au point

La mise au point de l’AIL ne s’arrête pas là. L’industriel rappelle d’abord que l’enveloppe de 100 millions de dollars réservée dans le cadre de la circulaire n°556 n’est « ni un don ni une subvention mais bien une enveloppe de liquidités en devises que la BDL a débloquée pour permettre aux industriels d’utiliser une partie de leur propre argent retenu par les banques ». « Je le répète : cet argent est celui des industriels, qui sont déjà bien assez patients compte tenu de la situation dramatique dans laquelle les banques et les politiques ont plongé le pays », a-t-il encore souligné.

Il ajoute que les industriels sont contractuellement tenus de respecter l’obligation de rapatrier une partie des fonds générés par leurs exportations comme le prévoit la circulaire, selon laquelle le montant minimum rapatrié doit au moins égaler ceux correspondant au coût des matières premières utilisées dans la fabrication du produit. « S’il y a des infractions, les institutions chargées de contrôler l’application de cette mesure – le ministère de l’Industrie, les banques et la BDL – ont les moyens de les détecter et de sanctionner les contrevenants au cas par cas », commente Ziad Begdache.

L’industriel précise que les marchandises qui sont fabriquées avec des matières premières importées via le dispositif du « panier alimentaire élargi » (la circulaire n° 572 de juillet) ne peuvent pas être réexportées. « Les industriels ne peuvent pas jouer sur les deux tableaux. C’est le ministère de l’Économie et du Commerce qui y veille », ponctue-t-il. Le texte, qui amende la circulaire n°557 publiée le même jour que la n° 556, permet aux importateurs d’une liste de produits divers d’acheter des dollars à la BDL à un taux de 3 900 livres, largement inférieur à celui atteint sur le marché des changes (qui n’est plus passé sous la barre des 6 000 livres depuis le printemps dernier).

Faux débat

À travers Ziad Begdache, l’AIL déplore enfin que ce faux débat concernant la mise en œuvre de la circulaire ne détourne l’attention des véritables problèmes du pays. Outre le fait qu’elle juge les modalités du confinement trop restrictives pour l’industrie – seules les minoteries, les industries agroalimentaires et pharmaceutiques sont autorisées à ouvrir – l’Association juge que la priorité doit être de mettre en place un contrôle formel et équitable des capitaux, pour normaliser le fonctionnement de l’économie. « Il n’y a actuellement aucune garantie concrète, à part la circulaire n° 150 de la BDL publiée en avril, que les dollars frais que déposent ou transfèrent les industriels dans leurs banques au Liban ne soient pas également confisqués par les banques pour être décaissés en livres, peu importe le taux, comme c’est le cas pour les dépôts bloqués depuis le début de la crise. Le véritable problème de fond est là », a encore martelé Ziad Begdache. Le Parlement, à qui il incombe d’adopter une loi formalisant les restrictions bancaires, a soigneusement esquivé le sujet depuis le début de la crise. Le secteur bancaire est, lui, à l’aube d’une vaste restructuration dont les contours sont encore flous.

Selon les données d’une présentation récemment publiées par le Fonds Cedar Oxygen, l’industrie libanaise est actuellement composée de 4 700 entreprises qui génèrent autour de 14 % du PIB (lequel a drastiquement baissé en 2020) et 93 % des exportations libanaises (soit 3,17 milliards de dollars par an). Les besoins à court terme du secteur s’élèvent à 3 milliards de dollars selon les données du Fonds lancé en juillet pour soutenir le secteur. Le Fonds, domicilié au Luxembourg et qui s’est fixé pour objectif d’octroyer des crédits aux industriels libanais afin de financer leurs importations de matières premières, a signé le 6 janvier dernier un protocole d’accord avec l’AIL et a visé en priorité les entreprises qui n’ont pas bénéficié des autres mécanismes mis en place par la BDL. Selon ses opérateurs, le fonds a déjà validé en décembre un premier dossier, celui de la Lebanese Roasting Group sal, qui commercialise la marque Castania.


Majoritairement obligés de se confiner depuis hier et pour une dizaine de jours comme le reste du pays, les industriels ont réagi à une déclaration de leur ministère de tutelle sur un tout autre sujet : celui de l’enveloppe de 100 millions de dollars mis à leur disposition pour pouvoir effectuer des transferts à l’étranger malgré les restrictions bancaires en vigueur depuis le...

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