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Économie - Initiative

Tri-pulley aide des citadins de Tripoli et de Beyrouth à joindre les deux bouts, et plus encore

Après avoir accompli les six mois de travail requis par l’organisation, le tout premier bénéficiaire de cette procédure d’entraide a décroché un emploi répondant à ses qualifications.

Tri-pulley aide des citadins de Tripoli et de Beyrouth à joindre les deux bouts, et plus encore

Déguisés en superhéros, les enfants ont pu exorciser le trauma de la double explosion du 4 août grâce à l’aide d’une travailleuse sociale sélectionnée par Tri-pulley. Photo DR.

Lancée en mai dernier, l’initiative Tri-pulley aide les habitants vulnérables de Tripoli (Liban-Nord), et ceux de Beyrouth touchés par la double explosion du 4 août, en associant des chômeurs qualifiés avec des familles dans le besoin. Son objectif : démultiplier la valeur des dons pécuniaires en créant des opportunités de travail sur le long terme pour sortir les bénéficiaires de l’engrenage de dépendance à l’action humanitaire et préserver leur dignité.

« Rentrée de l’étranger, j’ai été choquée de voir le nombre de plus en plus important de personnes dépendantes de colis alimentaires à Tripoli et que des ONG avaient modifié leur mandat en conséquence pour pouvoir participer à leur distribution », explique la fondatrice de Tri-pulley, Lamya Karkour. De fait, dans un Liban en déliquescence économique depuis plus d’un an, 55 % des Tripolitains se trouvent sous le seuil d’extrême pauvreté et 75 % sont au chômage, selon les chiffres de cette année de l’Institut Issam Farès de l’Université américaine de Beyrouth (AUB).

« Lors du dernier ramadan (entre avril et mai derniers, NDLR), il m’a été demandé d’aider financièrement une famille nombreuse. C’est alors que j’ai eu l’idée de Tri-pulley », poursuit-elle. En effet, parmi les neuf membres de cette famille, tous sans emploi, l’un d’eux possède un certificat d’intervenant à domicile et peut prodiguer des soins aux personnes âgées. « Je lui ai donc proposé de venir en aide à un couple de vieilles personnes contre une rémunération de ma part », poursuit-elle, évoquant un bénéfice réciproque qui dépasse le stade de l’assistanat. Six mois de travail plus tard, ce tout premier bénéficiaire a décroché un emploi adapté à ses qualifications.

« Donner – Agir – Élever »

De bouche à oreille, l’idée fait mouche et l’initiative prend rapidement de l’ampleur, notamment grâce à la diaspora libanaise. S’appuyant sur le triptyque « Donner – Agir – Élever », le système est simple. Avec des critères de sélection précis, tel l’objectif de travail sur le long terme, Tri-pulley offre un emploi à mi-temps payé au salaire minimum légal (d’un temps plein), soit 675 000 livres libanaises par mois, à un chômeur pour une durée de six mois (4 050 000 livres au total). Celui-ci peut alors mettre ses connaissances en pratique dans un domaine pour lequel il est qualifié – l’éducation, le commerce, la physiothérapie, l’aide sociale ou médicale, etc. – et aide de ce fait des groupes de personnes ciblés par Tri-pulley, comme les femmes, les jeunes, les enfants, les réfugiés, la communauté LGBTQ+ et bien d’autres.

Pour mémoire

Journée pacifique de contestation émaillée par des tensions à Tripoli

Durant cette période, l’équipe de Tri-pulley, tout en assurant le suivi de la mission proposée au chômeur, le prépare à entrer sur le marché de l’emploi en peaufinant son curriculum vitae, en le formant et en cherchant avec lui des opportunités de travail. « Quelqu’un qui n’a pas de perspectives d’avenir n’aura pas la “gnaque” (la combativité) pour se lancer seul et risquera de perdre sa dignité en restant dépendant de la charité. » Ainsi, le donateur « donne » le salaire mensuel au candidat sélectionné et celui-ci « agit » en travaillant pour des personnes vulnérables. À terme, l’impact socio-économique de sa mission permet à chaque bénéficiaire de « s’élever » au sein de sa communauté.

Selon ses derniers chiffres communiqués à L’Orient-Le Jour et accessibles sur son site internet, Tri-pulley a collecté, depuis son lancement, 139,66 millions de livres libanaises de 77 donateurs privés, locaux et internationaux, ainsi que 106 032 euros (129 218 dollars) venant de fonds partenaires. Grâce à ces sommes, 44 associations entre un chômeur et des personnes requérant une aide ont pu être effectuées, aidant 769 personnes membres de 313 familles.

De Tripoli à Beyrouth

Basée à Tripoli, Tri-pulley se devait d’aller à Beyrouth après la tragédie du port. « Avec la reconstruction des quartiers environnants, nous avons récemment commencé des associations entre un chômeur qualifié et un propriétaire de PME (petites et moyennes entreprises). En prenant en charge le salaire du premier pour six mois, cela offre une période de grâce à ce dernier, le temps de se remettre sur les rails, avec la possibilité, selon les cas, d’embaucher le travailleur au terme de la mise sous tutelle », explique Lamya Karkour.

Si l’impact de l’initiative se veut d’abord socio-économique, l’équipe de Tri-pulley a aussi dû s’adapter aux conséquences traumatiques de cette catastrophe. « Nous avons par exemple mis en contact deux bénéficiaires du quartier de la Quarantaine, situé juste en face du port. » Grâce à son expérience de terrain dans le domaine de la psychologie sociale, notamment avec les enfants, une jeune femme aide depuis août, trois fois par semaine, deux enfants traumatisés par l’événement via diverses activités. « Confectionnant des capes de “Superman” et “Superwoman”, ils se sont par exemple promenés dans les rues du quartier pour y rassurer eux-mêmes les habitants, exorcisant leur propre trauma. » La travailleuse sociale, elle, peut utiliser son revenu pour aider sa famille dont la maison et le commerce ont été détruits par la double explosion dans ce même quartier.

Pour autant, Tri-pulley se veut d’abord tripolitain. « La double explosion a détourné l’attention de Tripoli, et nombre d’ONG s’y trouvant se sont rendues à Beyrouth, suivant leurs donateurs mais réduisant alors leurs effectifs à Tripoli », note Lamya Karkour, ajoutant la nécessité de se coordonner entre ONG et de donner à chaque communauté les moyens de se valoriser. « Nous collaborons avec nombre d’autres organisations, telles Arcenciel, Nation Station, Abaad et, dernièrement, le réseau international Strong Cities, pour construire des ponts entre les communautés présentes dans ces quartiers. » En contact permanent avec toute association présente sur le terrain, Tri-pulley possède donc un plus grand champ d’action pour atteindre le plus grand nombre de personnes vulnérables.

Lancée en mai dernier, l’initiative Tri-pulley aide les habitants vulnérables de Tripoli (Liban-Nord), et ceux de Beyrouth touchés par la double explosion du 4 août, en associant des chômeurs qualifiés avec des familles dans le besoin. Son objectif : démultiplier la valeur des dons pécuniaires en créant des opportunités de travail sur le long terme pour sortir les bénéficiaires...

commentaires (2)

Très beau modèle d’aide dans la dignité. Bravo.

Michael

20 h 50, le 28 décembre 2020

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Commentaires (2)

  • Très beau modèle d’aide dans la dignité. Bravo.

    Michael

    20 h 50, le 28 décembre 2020

  • Bravo à Lamya Karkour et à toutes les ONG Merci pour tout ce que vous faites . Lutter contre L’assistanat à long terme est excellent

    sejean sejean

    15 h 02, le 28 décembre 2020

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