Une fois de plus, le patriarche maronite aura mis le doigt sur la plaie. Si la justice tombe, c’est le pays qui tombera avec elle, a souligné sans détour le cardinal Béchara Raï dans sa dernière homélie dominicale. L’allusion au couac enregistré dans l’enquête sur la tragédie du 4 août ne fait aucun doute.
Cela paraissait une évidence dès le départ. Il était d’emblée très peu probable que la justice libanaise ait les moyens technologiques ainsi que l’entière latitude de faire TOUTE la vérité sur les causes véritables et les responsabilités directes de la double explosion apocalyptique du port. Et pour cause : selon toute vraisemblance, une force (très peu) occulte a assuré manu militari pendant plus de six ans une « couverture » totale et intouchable à la présence des 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium, et peut-être bien aussi d’autres équipements sensibles et substances hautement explosives ; et en toute logique également, l’explosion aurait été provoquée par un facteur externe, très probablement une action menée par une puissance non libanaise possédant les moyens technologiques qui auraient provoqué l’hécatombe dont le pays mettra du temps à se remettre. Si cette théorie se confirme, excluant par le fait même la thèse (peu plausible) d’un simple accident, il faudrait dans ce cas se résigner à admettre une réalité amère, à savoir qu’on ne doit pas s’attendre à des investigations poussées en toute transparence jusqu’à leur dernier retranchement, permettant de dévoiler publiquement et de faire toute la lumière sur les deux facteurs éventuels (interne et externe) à l’origine de l’explosion. Dans le contexte présent, la justice n’est pas encore en mesure de dénoncer sans détour, et au grand jour, aussi bien la « force occulte » locale que la puissance étrangère qui seraient incriminées. Un tel réalisme, aussi frustrant soit-il, ne diminue en rien l’importance de la mise en garde lancée par le patriarche maronite, car malgré ce double paramètre contraignant, il serait suicidaire et moralement inacceptable, voire résolument irresponsable, de traiter ce dossier de manière à risquer de discréditer la justice libanaise. Et cela joue dans les deux sens. D’une part, le juge d’instruction se doit de refuser tout « arrangement politique » dans le déroulement de l’enquête, même si au final la « raison d’État » l’empêcherait de dénoncer ouvertement les deux acteurs directement responsables de cette tragédie du 4 août, bien au-delà du rôle de certains fonctionnaires, aussi haut placés soient-ils.
Mais plus important encore pour l’autorité et la crédibilité de la justice est le comportement des responsables officiels à l’égard des décisions du juge d’instruction, quelles qu’elles soient. On ne peut pas à longueur de journée insister sur l’importance de l’indépendance de la magistrature et dans le même temps bafouer sciemment son autorité, surtout lorsque l’on assume des charges officielles. Le refus par le chef du gouvernement démissionnaire Hassane Diab et les anciens ministres Ali Hassan Khalil, Ghazi Zeaïter et Youssef Fenianos de comparaître devant le juge d’instruction en charge du dossier de l’explosion est une faute politique grave, quel que soit le prétexte invoqué, d’autant que ce refus a été affiché publiquement, sans scrupule. Le plus grave, et c’est sans doute ce qui aurait suscité la prise de position du patriarche Raï, c’est que le quadruple affront ministériel à l’autorité de la magistrature s’est accompagné d’une injustifiable campagne de dénigrement et d’allusions malveillantes portant atteinte à la crédibilité et à l’autorité de la justice. Même si certains éléments de l’appareil judiciaire, pris dans sa globalité, ne sont pas toujours blancs comme neige, une telle campagne paraît d’autant plus suspecte qu’elle coïncide avec des entreprises soutenues de déstabilisation, menées depuis plusieurs années, visant diverses institutions et plusieurs secteurs vitaux du pays.
Sous le couvert de contestation populaire et s’appuyant sur des slogans populistes et démagogiques primaires, certaines parties ont pris systématiquement pour cibles ces derniers mois, à titre d’exemple, le secteur bancaire dans son ensemble ainsi que la Banque du Liban avec une assiduité suspecte que ne sauraient justifier des erreurs de perception ou de gestion de la part des banques. Sans compter les postures guerrières et les attitudes belliqueuses de certains à l’égard des États du Golfe et des pays traditionnellement amis du Liban, qui ont eu pour effet de torpiller de larges pans de l’économie du pays et de déstabiliser gravement la monnaie nationale, avec toutes les conséquences désastreuses que l’on sait sur les secteurs vitaux des universités, des établissements scolaires, des hôpitaux, du tourisme et du commerce qui ont constitué historiquement les fondements de la spécificité du Liban dans cette partie du monde. Rien d’étonnant, à l’ombre d’une telle opération de sape multidimensionnelle, à ce que d’aucuns mettent en garde, dans le sillage du patriarche maronite, contre d’éventuelles velléités de porter, aussi, un coup de Jarnac à l’appareil judiciaire, dans une tentative sournoise de changer en profondeur l’image ainsi que la vocation libérale et humaniste du pays du Cèdre.
commentaires (3)
LA JUSTICE DOIT POURSUIVRE L,IMPORTATEUR ET PROPRIETAIRE DU NITRATE BIEN CONNU DANS DES PAYS ETRANGERS OU DES LIBANAIS PARTISANS FURENT ARRETES AVEC DES QUANTITES DE NITRATE TRAFIQUEES DES 2750 TONNES INITIALES. ET ON CONSTATE QUE DES ANCIENS DES DOUANES ET D,AUTRES QUI PROBABLEMENT ONT DES INFOS SUE CETTE AFFAIRE SONT ABATTUS.
LA LIBRE EXPRESSION
11 h 59, le 22 décembre 2020