C’est dans un champ truffé de mines que le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, tente d’avancer pour débloquer la formation du gouvernement. Poursuivant son initiative auprès du chef de l’État et du Premier ministre, Bkerké tente de concilier l’inconciliable tout en prenant soin de ne pas afficher un parti pris pour l’un ou l’autre des protagonistes. Le premier voudrait garantir un gouvernement au sein duquel sa formation politique pourrait avoir une prépondérance certaine – que ce soit à travers un tiers de blocage ou, à défaut, un nombre substantiel de ministères régaliens qui leur donnerait les coudées franches dans plusieurs secteurs. Le second insiste pour une formule réduite de 18 ministres au profil indépendant– à l’exception des portefeuilles alloués au tandem chiite qui aura son mot à dire plus que les autres pour le choix de ses candidats – sans qu’aucune partie ne puisse détenir un quelconque veto au sein de l’exécutif. En somme une formule qui puisse concorder a minima avec l’initiative française.
Pour l’heure, la démarche du patriarche n’a suscité que peu d’optimisme. Du côté de Baabda on laisse pourtant entrevoir un brin d’espoir en affirmant qu’une réunion entre M. Hariri et Aoun va avoir lieu au cours de cette semaine. Sans pour autant prédire un déblocage quelconque, les propos du député aouniste Ibrahim Kanaan, qui a rencontré hier le patriarche maronite, se veulent rassurants sans pour autant être clairs quant à leur portée politique. « Les querelles ne peuvent plus continuer », a-t-il dit. « Le président Aoun est prêt à clore le dossier gouvernemental, conformément à la logique constitutionnelle et à l’initiative française », a ajouté M. Kanaan. Par logique constitutionnelle, le député veut dire que les prérogatives du chef de l’État restent intouchables et qu’il reste un partenaire à part entière dans la désignation de l’ensemble des ministres et non seulement des chrétiens.
Mais du côté du courant du Futur, le scepticisme est à son paroxysme. « Je ne vois aucun compromis à l’horizon », assure à L’Orient-Le Jour Moustapha Allouche, membre du directoire politique du courant du Futur.
Le responsable haririen affirme également ne pas prendre au sérieux les propos distillés dans les milieux de Baabda, à savoir que « la question du tiers de blocage n’est plus de mise ». C’est en tous les cas ce qu’avait affirmé le patriarche maronite après sa réunion vendredi avec le chef de l’État en déclarant que ce dernier n’a pas exigé une telle condition. Une information qu’une source proche du président a confirmé à L’OLJ, soulignant qu’au cours de la rencontre le président a laissé entendre « indirectement » qu’il ne souhaitait pas obtenir le tiers de blocage.
Une combinaison détonante
Pour le camp haririen, s’il devait être confirmé, le renoncement de principe du chef de l’État au tiers de blocage serait alors remplacé par une condition tout aussi rédhibitoire : pour compenser l’absence d’un veto détenu par le camp au sein de l’exécutif, Michel Aoun exigerait désormais, en plus de la Défense et de l’Énergie, les portefeuilles de la Justice et de l’Intérieur ou au moins d’avoir son mot à dire pour le choix du ministre de l’Intérieur.
Une combinaison détonante, dira en substance un responsable politique qui suit de près le dossier. Les adversaires du camp aouniste craignent en effet que celui-ci ne se serve de sa mainmise sur les ministères régaliens pour régler des comptes politiques, notamment à l’ombre de l’enquête judiciaire sur l’explosion du port. Le ministère de la Justice peut aussi servir d’arme dans le cadre de la lutte contre les crimes de corruption notamment. Le bras de fer qui a actuellement lieu entre la procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, la juge Ghada Aoun, proche du président, et le directeur général des Forces de sécurité intérieure (FSI), le général Imad Osman, un haririen, sur fond d’une enquête relative aux « dollars subventionnés », est symptomatique à cet égard. Une bataille que tous les observateurs qualifient d’éminemment politique.
Conscients que la composition du gouvernement et le subtil partage des quotes-parts seront décisifs en matière de détermination des équilibres à venir, ni Saad Hariri ni Michel Aoun ne semblent, pour l’heure, disposés à lâcher du lest. L’un et l’autre savent pertinemment que le gouvernement à venir aura une durée de vie bien plus longue que ne le laissent croire les propos de Saad Hariri qui parle d’une période transitoire de six mois. Le cabinet devrait survivre jusqu’à la fin du mandat du président, assurent plusieurs analystes. C’est ce qui expliquerait l’insistance du président à garantir, à moyen et à long terme, la survie de son courant ainsi que l’avenir politique de son gendre, Gebran Bassil.
commentaires (6)
Wow...Malin le CPL...le pays est en état de sublimation et s'évapore mais le CPL garde des ministères hénormes et hutiles, mooosieur, pour compléter l'épilogue tant attendue de "don quichotte de la maskhara"
Wlek Sanferlou
23 h 06, le 21 décembre 2020