Le juge d'instruction près la Cour de justice, Fadi Sawan, en charge de l'enquête sur la double explosion meurtrière du 4 août au port de Beyrouth, se prépare à répondre au recours présenté par les députés et ex-ministres Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter, qui réclament la récusation du juge au motif de "suspicion légitime d’incompétence", alors qu'ils ont été inculpés dans le cadre de l'enquête. Ce recours a provoqué la suspension temporaire de cette enquête, le temps d'être tranché.
Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), la Chambre pénale près la Cour de cassation, présidée par le juge Jamal Hajjar, a notifié les parties concernées par le recours en question, les appelant à apporter leur réponse à la démarche des deux députés. Le premier à avoir été légalement notifié est le juge Sawan qui a "commencé à préparer sa réponse au recours", ce qui l'a poussé à suspendre temporairement l'enquête, en attendant la décision de la Cour de cassation, rappelle l'Ani. Le parquet général près la Cour de cassation a lui aussi été notifié par le juge Hajjar. Les autres parties seront informées dès le début de la semaine prochaine, notamment l'Ordre des avocats, qui représente la défense des sinistrés et des proches des victimes de l'explosion, ainsi que toutes les personnes faisant l'objet de poursuites, qu'elles soient en détention ou non. Le juge Hajjar a également demandé au juge Sawan de lui fournir les coordonnées de ces personnes poursuivies, ainsi que les noms de leurs avocats.
L'Ani explique ensuite que "la position du parquet général près la Cour de cassation par rapport à ce recours n'est toujours pas connue", rappelant que le procureur général près la Cour de cassation, le juge Ghassan Ouedaite, s'était dernièrement récusé de l'enquête du fait des liens familiaux entre lui et son beau-frère, Ghazi Zeaïter. L'avocat général près la Cour de cassation, le juge Imad Kabalan, s'est lui aussi récusé par la suite, arguant du fait qu'il avait des dossiers internationaux, dont certains en lien avec Interpol, à gérer. "Il est probable que l'avocat général près la Cour de cassation réponde toutefois au recours, et que la décision à prendre vis-à-vis de ce recours soit laissée à la Cour de cassation", conclut l'Ani.
Le 4 août, une explosion au port de Beyrouth dans un entrepôt où se trouvaient 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium, stockées sans mesures de précaution depuis plusieurs années, a fait plus de 200 morts et 6.500 blessés. Une partie de la capitale a été entièrement ravagée.
Le juge Sawan avait inculpé le 10 décembre le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab, et trois anciens ministres, Ali Hassan Khalil (Finances), Ghazi Zeaïter et Youssef Fenianos, qui avaient tous deux dirigé le ministère des Travaux publics et des Transports. Accusés de "négligence et d'avoir causé des centaines de décès", et convoqués cette semaine pour être interrogés, aucun des quatre hommes ne s'est présenté. Ces inculpations ont provoqué une levée de bouclier au sein de la classe politique. L'enquête a été temporairement suspendue en attendant de statuer sur le recours présenté par Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter. Selon l'Ani, cette suspension durera dix jours, le temps que le juge Sawan réponde au recours présenté contre lui par les deux députés.
"Soupçons légitimes"
Dans les milieux juridiques interrogés par L’Orient-Le Jour, on craint que la demande des deux députés de renvoyer l’affaire à un autre juge s’inscrive dans une volonté politique d’entraver la justice. Une haute source judiciaire affirme ainsi qu’en cas de recours pour suspicion légitime, la loi n’impose pas au juge d’instruction de suspendre ses investigations, sauf si la Cour de cassation en décide ainsi. M. Sawan a toutefois agi de manière opportune, estime-t-elle. Sa démarche actuelle est "préférable", dans la mesure où "elle favorise la transparence et une bonne marche de la justice", ajoute la source.
Sur le plan politique, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, farouche critique de la classe au pouvoir, a appelé à la mise en place d'une commission d'enquête internationale sur l'explosion du port, alors que le président de la République, Michel Aoun, rejette une telle mesure, estimant que celle-ci "diluerait la vérité". Lors d'une conférence de presse à Maarab, il a appelé le président Aoun et le Premier ministre démissionnaire à "réclamer aux Etats membres du Conseil de sécurité de l'ONU de présenter une requête auprès du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, pour la mise en place d'une commission d'enquête". "Nos soupçons sont légitimes car une grande partie de la responsabilité incombe aux responsables au sein de l'Etat", a estimé le leader chrétien qui se positionne dans l'opposition. Début décembre, Samir Geagea avait fait savoir qu'au cas où l'enquête locale sur l'explosion n'aboutissait pas à des résultats "convaincants", son parti essaiera à tout prix de saisir la Cour pénale internationale pour "découvrir la vérité".
commentaires (6)
IMAGINONS UN PEU QU'UNE ENQUÊTE INTERNATIONALE COMME RÉCLAME GEAGEA EST CRÉÉ ET A ABOUTI AU RÉSULTAT SUIVANT: " UN MEMBRE APPARTENANT AU PARTI DU HEZBOLLAH QUI S'APPELLE X EST LE PROPRIÉTAIRE DU NITRATE" . IL FAIT QUOI GEAGEA ET ON FAIT QUOI NOUS AUSSI APRÈS ? RIEN...ON CONNAIT CELUI QUI VOULAIT TUER BOUTROS HARB. ET LE MONDE ENTIER CONNAIT CELUI QUI A TUÉ LE PREMIER MINISTRE HARIRI. QU'EST QU'ON A FAIT ? RIEN. EST CE QU'ON A VRAIMENT BESOIN D'UNE ENQUÊTE NATIONALE OU INTERNATIONALE POUR CONNAITRE À QUI APPARTIENNENT CES MARCHANDISES DANS LE HANGAR NO 12 ? ON SE CACHE DERRIÈRE LE PETIT DOIGT. IL FAUT CHERCHER SUR D'AUTRE TERRAIN POUR ÉLIMINER LE HEZBOLLAH ET SES AGENTS AOUN, BASSIL ET SLEIMAN FRANGIÉ 2. BON COURAGE. APPLIQUER NOS LOIS SUR LE HEZBOLLAH AU LIBAN, OULIEZ ÇA.
Gebran Eid
10 h 57, le 20 décembre 2020