Les responsables libanais ont rivalisé de pessimisme concernant la formation du gouvernement, comme en témoigne la déclaration du président du Parlement libanais, Nabih Berry, qui a estimé mardi que la formation du cabinet se compliquait de plus en plus et qu'il ne restait "plus qu'à attendre le président français", Emmanuel Macron, dont la visite à Beyrouth est prévue le 22 décembre prochain, pour voir s'il pourrait débloquer le processus. Saad Hariri, le Premier ministre désigné en octobre, n'a pas réussi à ce stade à mettre sur pied un gouvernement, en raison des tiraillements entre les partis politiques au pouvoir qui réclament leur part.
La visite à venir du chef de l'Elysée sera la troisième en près de cinq mois. Il s'était rendu pour la première fois à Beyrouth le 6 août, deux jours après l'explosion meurtrière du port de la capitale, qui a laissé des pans entiers de la ville dévastés. Par la suite, le 1er septembre, M. Macron avait annoncé à Beyrouth une feuille de route pour une sortie de crise au pays du cèdre, prévoyant notamment la formation d'un gouvernement de mission formé d'experts. Mais l'initiative française semble plus que jamais dans l'impasse.
"Blocage complet"
"La situation n'est pas du tout rassurante", a admis Nabih Berry, cité par le quotidien local al-Joumhouria. "Nous ne voyons pas le bout du tunnel (gouvernemental, ndlr) et sommes dans un état déplorable", a-t-il ajouté. Et le chef du Parlement de déplorer le fait que "le processus de formation du gouvernement est complètement bloqué". "Pourquoi ce blocage ?", s'est interrogé Nabih Berry. "Il est certain que la réponse est entre les mains du président de la République et du Premier ministre désigné", qui n'arrivent pas à s'entendre sur la composition du futur cabinet. Or, celui-ci, censé être formé d'experts non partisans, dans l'esprit de l'initiative française, est actuellement soumis à l'influence des blocs parlementaires et partis politiques, dans le cadre du traditionnel partage des quotes-parts. "Si Dieu le veut, le président français Emmanuel Macron pourra faire quelque chose lors de sa prochaine visite, il ne nous reste plus qu'à attendre", a estimé le président de la Chambre, avant d'affirmer que "la situation dans laquelle nous sommes à présent doit accélérer la formation du gouvernement".
Pour sa part, le chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, a estimé qu'il n'y avait "aucun espoir de sauver le pays avec la majorité au pouvoir". "Il n'y a aucun espoir de voir le gouvernement formé, car cette majorité est incapable de constituer un cabinet de sauvetage à même de mener des réformes et qui soit loin de l'esprit du partage des quotes-parts", a affirmé M. Geagea au quotidien Nidaa al-Watan. Les FL avaient refusé en octobre dernier de nommer Saad Hariri, assurant refuser tout compromis avec la "troïka" au pouvoir, le Courant patriotique libre (aouniste) et le tandem chiite, Amal-Hezbollah.
"Ils s'amusent avec des listes"
Dans une interview à la chaîne américaine en arabe al-Hurra, le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, s’est montré tout aussi pessimiste. "Le pays est au bord de l’abîme, ou plutôt nous allons vers le précipice", a affirmé le chef druze. Il a estimé que le Liban avait eu "une chance" de s’en sortir à travers "l’initiative française, ou ce qu’il en reste". Il a cependant accusé "ceux qui détiennent le pouvoir", citant en particulier le CPL, de ne pas avoir une "volonté de mener des réformes".
Tout en qualifiant sa relation avec Saad Hariri de "tiède", M. Joumblatt a estimé qu’il ne fallait pas faire assumer au chef du Courant du Futur la responsabilité de la non formation du gouvernement. "Il s’est rendu à Baabda à plusieurs reprises, mais ils négocient ! Le pays s’effondre et ils s’amusent avec les listes" de ministrables, a ajouté M. Joumblatt.
Il a exprimé l’espoir que Hariri et Aoun s’entendent sur un gouvernement, "pour que nous puissions dire à Macron qui vient dans dix jours : voici le gouvernement, commençons avec vous le processus de sauvetage et commençons à sortir du précipice, pour empêcher l’effondrement total du Liban".
La pression internationale sur les autorités libanaises se fait de plus en plus pressante, alors que le pays continue de s'enfoncer dans la pire crise économique et financière de son histoire moderne. Un nouveau gouvernement est donc crucial pour faire face à cette crise, plus de quatre mois après la démission de celui de Hassane Diab, suite au drame au port de Beyrouth. Moustapha Adib, qui a été par la suite désigné Premier ministre, avait finalement jeté l'éponge sans parvenir à former son équipe.
commentaires (8)
C'est super habile, de la politique pure sucre. Il flatte le Président français avant qu'il ne débarque à Beyrouth et le fait passer pour un saint sauveur. Bravo !
Shou fi
18 h 22, le 15 décembre 2020