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Politique - Décryptage

Cabinet : un pas en avant, deux pas en arrière, le cercle vicieux s’éternise !

Le ton courtois et empreint d’optimisme du président du Conseil désigné Saad Hariri à sa sortie du palais de Baabda mercredi soir n’a pas trompé grand monde. Pourtant, une véritable campagne médiatique avait été lancée après sa visite lundi et avant celle de mercredi, pour faire croire que cette dernière serait décisive sur le plan de la formation du nouveau gouvernement. D’ailleurs, Saad Hariri est arrivé au palais présidentiel deux grandes enveloppes sous le bras, la première contenant pour la première fois depuis sa désignation le 22 octobre une mouture complète du gouvernement qu’il compte former et la seconde, les CV de la plupart des noms figurant sur la liste qu’il a remise au chef de l’État.

Toutefois, à la fin de la réunion qui a quand même duré plus d’une heure et face aux journalistes en état d’alerte maximale, le Premier ministre désigné est réapparu dans le grand hall du palais présidentiel avec une nouvelle enveloppe. Ce qui a immédiatement suscité la curiosité des journalistes présents. Saad Hariri a eu beau tenir un langage optimiste, il était clair que les choses n’étaient pas aussi positives qu’il le prétendait. Il a fallu toutefois attendre près d’une heure pour que la présidence de la République publie un communiqué précisant que le président du Conseil désigné a soumis une mouture du gouvernement en gestation au chef de l’État, lequel lui a, à son tour, remis une formule complète conforme à sa conception des critères de formation.

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Les journalistes présents au palais mercredi soir en ont immédiatement déduit que quelque chose n’avait pas tourné rond lors de l’entretien. En effet, si la mouture proposée par Saad Hariri respectait les critères demandés par le chef de l’État, pourquoi ce dernier aurait-il préparé un document écrit sur sa vision à lui de la composition du gouvernement et de la distribution des portefeuilles, sans les noms des ministres bien sûr, pour la lui remettre à son tour ? Cette démarche n’est-elle pas l’indice d’un pas en arrière dans le processus de formation du gouvernement, d’autant que les deux responsables en sont à leur onzième réunion et qu’ils sont censés avoir dépassé le stade de la distribution des portefeuilles ?

Les spéculations ont aussitôt commencé à se multiplier. Du côté du courant du Futur, les opinions étaient mitigées. Pour certains, il fallait malgré tout continuer à répandre un climat positif, en tout cas de la part du président du Conseil désigné et, pour d’autres, le chef de l’État a une fois de plus dépassé les prérogatives que lui accorde la Constitution et porté atteinte à celles du Premier ministre en proposant à son tour une mouture même sans les noms des ministres. Mais, pour les deux camps, la responsabilité des entraves posées face à la formation du gouvernement vient essentiellement du camp présidentiel, qui cherche à imposer à la fois sa vision et ses conditions au Premier ministre désigné. Pour les milieux proches du courant du Futur, le camp présidentiel voudrait pouvoir nommer 7 ministres chrétiens sur les 9, dans un cabinet de 18 membres. Ce qui signifie qu’il souhaite avoir à lui seul le tiers de blocage (sept ministres), condition jugée inacceptable pour le courant du Futur et son président, qui ne veut lui accorder que six ministres au plus. À leurs yeux, la responsabilité dans l’échec de la formation d’un gouvernement repose donc clairement sur le camp présidentiel.

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Du côté de Baabda, l’approche est différente. Selon les sources proches du chef de l’État, celui-ci estime qu’il est partenaire à part entière dans le processus, selon les termes de la Constitution. De plus, sa principale exigence est la nécessité d’adopter un critère unifié pour la distribution des portefeuilles et le choix des ministres. Or, jusqu’à présent et au cours des dix réunions précédentes, ces sujets-là ont déjà été évoqués et Saad Hariri sait que le chef de l’État n’acceptera pas d’être mis devant le fait accompli et d’avoir juste à signer le décret de la formation d’un gouvernement sur la composition duquel il n’a pas donné son accord. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la présidence avait préparé un document écrit sur sa vision de la composition du gouvernement et la distribution des portefeuilles. Selon les sources proches de Baabda, ceux qui croient pouvoir faire pression sur le chef de l’État en misant sur la crise sociale et économique sans précédent et sur la prochaine visite du président français à Beyrouth se trompent. Michel Aoun n’acceptera jamais d’apposer sa signature sur un décret dont il n’est pas convaincu du contenu. Pour ces mêmes sources, le Premier ministre désigné le sait parfaitement. Si, malgré cela, il a tenu à présenter une mouture à sa convenance, sans tenir compte des remarques présidentielles et en créant un climat médiatique positif, c’est que son seul souci est de montrer à l’opinion publique et aux parties occidentales qu’il a fait de son mieux et que les obstacles ne viennent pas de lui, ni de son camp. Pourtant, il sait très bien que cette formule ne sera pas acceptée non seulement par le camp présidentiel mais aussi par le tandem chiite dont il a choisi les quatre ministres, sans tenir compte de l’avis donné par le mouvement Amal et sans même consulter le Hezbollah.

Toujours selon les sources proches de Baabda, le chef de l’État a donc remis au Premier ministre désigné un document écrit sur sa vision du prochain gouvernement pour rejeter la balle dans le camp de ce dernier...

Quelle que soit la version retenue, il est clair que chacune des deux parties veut faire assumer à l’autre la responsabilité de l’entrave, alors que le processus de formation du gouvernement continue à évoluer dans le même cercle vicieux...

Le ton courtois et empreint d’optimisme du président du Conseil désigné Saad Hariri à sa sortie du palais de Baabda mercredi soir n’a pas trompé grand monde. Pourtant, une véritable campagne médiatique avait été lancée après sa visite lundi et avant celle de mercredi, pour faire croire que cette dernière serait décisive sur le plan de la formation du nouveau gouvernement....

commentaires (4)

Tant qu'il remet à Hariri sa propre vision du gouvernement, en recevant sa mouture complète, Aoun ne compte pas lui faciliter sa tâche.Il est clair que ce comportement continuera pendant le temps qui reste de son mandat. Les choses sont devenues claires pour tous ceux qui demandent de voir un gouvernement en conformité avec la nécessité d'action urgente.

Esber

15 h 05, le 11 décembre 2020

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Commentaires (4)

  • Tant qu'il remet à Hariri sa propre vision du gouvernement, en recevant sa mouture complète, Aoun ne compte pas lui faciliter sa tâche.Il est clair que ce comportement continuera pendant le temps qui reste de son mandat. Les choses sont devenues claires pour tous ceux qui demandent de voir un gouvernement en conformité avec la nécessité d'action urgente.

    Esber

    15 h 05, le 11 décembre 2020

  • Et pendant que Mme Haddad écrit ses articles et que nous lecteurs les lisons, le pays se désagrège, des citoyens sont à la limite de mourir de faim et de froid, le coronavirus fait des ravages sans que nos technocrates prennent des mesures radicales comme en Europe, les banques continuent à humilier leurs clients en les contraignant à mendier leur propre argent alors que pendant des années ces banquiers/bandits se sont gavés sur le dos de leurs déposants, les prix des denrées alimentaires deviennent loufoques .... alors Aoun, Hariri, Berry, Bassil, Geagea, Frangieh, Nasrallah, Joumblatt et tous les autres : allez vous en dignement avant que vous ne soyez contraints de le faire par la révolution de la faim

    Lecteur excédé par la censure

    12 h 36, le 11 décembre 2020

  • N,EST PAS DONNE A TOUT LE MONDE DE POUVOIR REJETER DES FAITS ACCOMPLIS, CA JAMAIS. Pfft ! VRAIMENT ! mr. HARIRI DEVAIT LE SAVOIR AVANT D'y aller de sa liste tout faite.

    Gaby SIOUFI

    08 h 44, le 11 décembre 2020

  • Je reprends vos propos « « Selon les sources proches de Baabda, ceux qui croient pouvoir faire pression sur le chef de l’État en misant sur la crise sociale et économique sans précédent et sur la prochaine visite du président français à Beyrouth se trompent ». Je vous crois , car Aoun qui vit a Versailles entoure d’une cour de conseillers incapables ,est tout a fait coupe’ des Libanais. De nombreux fideles l’ont compris et ont quitte le navire. Ce qu’il veut c’est paver la voie au prince heritier, sanctionne’ par les Americains pour corruption. Il veut le tiers de blocage. Mais il ne le merite pas .

    Goraieb Nada

    07 h 59, le 11 décembre 2020

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